Inde : "An Insignificant Man" ou l'ascension d'Arvind Kejriwal, rival "ordinaire" de Modi
d’un activiste sans aucune expérience politique.
Contexte
Sa sortie en Inde est prévue au printemps prochain et il sera disponible en VOD. Mais le chemin du documentaire An Insignificant Man est semé d’embuches. Le Comité d’examen de l’office de régulation et de censure du cinéma indien (CFBC) a refusé le visa d’exploitation au documentaire à cause de « remarques désobligeantes » sur le Premier ministre Narendra Modi et l’ancienne ministre en chef de l’Etat de Delhi Sheila Dikshit. Selon une source citée par le site indien Mid-day, « le Comité d’examen s’est trouvé divisé sur l’approbation du certificat pour le film. Par conséquent, le [dossier du] film a été transféré au Comité de révision du CFBC ».
Le Parti de l’Homme Ordinaire
Très vite, l’AAP engrange des soutiens, recrute des militants, fait parler de lui. En manque de candidats dans plusieurs circonscriptions, le parti appelle même ceux qui le souhaitent à présenter leur candidature afin de recevoir son investiture. Le mot circule : avec Arvind Kejriwal, l’expérience politique n’est plus un atout. Un chauffeur de rickshaw peut devenir candidat.
L’eau et l’électricité au cœur de la campagne
Les médias de masse commencent à s’intéresser à l’agitateur, dont les coups d’éclat font vendre. Sur les plateaux de télévision, le « Robin des Bois de Delhi » fait sourire… Mais sa popularité inquiète. Les qualificatifs fusent : démagogue, irresponsable, irréaliste. Kejriwal devient la coqueluche des médias. L’austérité de ses clips de campagne tranche avec la grandiloquence des films de ses adversaires, où la puissance du peuple de Delhi est glorifiée à grand renfort d’effets spéciaux et de musique triomphante. Dans ses vidéos, Kejriwal apparaît en chemisette grise sur fond noir, et s’adresse directement à ses électeurs, d’une voix chevrotante. Ses clips accumulent pourtant des millions de vue sur les réseaux sociaux. L’effet boule-de-neige est lancé.
En quelques semaines, les réunions debout sur une table dans les ruelles du Vieux Delhi se transforment en meetings survoltés. A des foules en délire, le poing levé, Arvind Kejriwal fait répéter son mantra : « Je promets que je n’accepterai jamais de pot-de-vin et que je n’en donnerai jamais ! » Une scène est éloquente. Kejriwal anime une discussion avec des passants, à même le trottoir. Un homme l’interpelle pour savoir si le parti leur procurera des bus pour les transporter aux bureaux de vote, une pratique clientéliste largement répandue en Inde, où les partis font promettre aux citoyens qu’ils voteront pour eux, en échange d’argent ou de bouteilles d’alcool. « Vous devrez aller aux urnes par vos propres moyens », répond Kejriwal devant un auditoire abasourdi. On est comme vous, on n’a pas d’argent. » L’aveu fait mouche et suffit à séduire des citoyens qui se considéraient jusque-là comme de la chair à urnes.
La résurrection du gandhisme
En se lançant dans cette bataille électorale, Kejriwal s’attaque à un adversaire de taille : Sheila Dikshit, ministre-en-chef depuis 15 ans, et indéboulonnable cacique du parti du Congrès. Le film montre avec brio le visage en lente décomposition d’une édile dont la morgue n’a pas vu le danger que représentait « l’homme insignifiant », et qui s’alarme, trop tard, de voir un parfait inconnu grignoter son électorat. En quelques mois, le rouleau
compresseur Kejriwal balaye tout sur son passage et sème la panique générale dans les rangs du Parti du Congrès. Le documentaire se termine en apothéose dans les locaux de l’AAP. Alors que les premiers résultats tombent et que la foule s’amasse sous les fenêtres du parti, les militants n’en reviennent pas : la victoire est un raz-de-marée. Arvind Kejriwal, parfait inconnu un an auparavant, prend la tête du gouvernement provincial de Delhi le 28 décembre 2013.
Kejriwal futur Premier ministre ?
Kejriwal démissionnera deux mois après son élection pour protester contre le rejet d’une loi anti-corruption, mais sera réélu triomphalement en 2015 à la tête de Delhi lors d’élections anticipées. Son défi est désormais de reproduire le même exploit à l’échelle nationale. Depuis sa création il y a quatre ans, le parti AAP est devenu l’une des forces d’opposition principales au gouvernement de Narendra Modi, et des candidats se présentent sous son étiquette à chaque scrutin local. Les résultats des élections dans les États de l’Uttar Pradesh, du Punjab, de l’Uttarakhand, de Manipur et de Goa seront connus le 11 mars. De ces résultats dépend en grande partie l’avenir politique d’Arvind Kejriwal.
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