Economie

Corée du Sud : l'arrestation de l'héritier de Samsung et le mal des chaebols

Lee Jae-yong est le premier leader de Samsung à être placé en détention. (Crédit : JUNG Yeon-Je / POOL / AFP)
Lee Jae-yong est le premier leader de Samsung à être placé en détention. (Crédit : JUNG Yeon-Je / POOL / AFP)
Il avait échappé à l’arrestation le mois dernier, mais le « Choigate » aura eu raison de lui. Lee Jae-yong, héritier de l’empire Samsung et actuel vice-président de sa filiale Samsung Electronics, a été placé en détention ce vendredi 17 février – quelques heures après la publication de son mandat d’arrêt par le tribunal du district central de Séoul. « Compte tenu des nouvelles allégations et des preuves récemment collectées, il est nécessaire [de l’]arrêter », s’est justifié le juge chargé du verdict cité par le Korea Times. Lee Jae-yong est en effet suspecté d’avoir versé plus de 35 millions de dollars de pots-de-vin à deux fondation détenues par Choi Soon-sil, confidente de la présidente sud-coréenne Park Geun-hye, elle-même sous le coup d’une procédure de destitution votée par l’Assemblée nationale en décembre dernier. Pour Lee, il s’agissait d’assurer le soutien des autorités de Séoul à la fusion entre la division de la construction de Samsung (Samsung C&T) et une entreprise affiliée (Cheil Industries) en 2015 – opération considérée comme cruciale pour asseoir le leadership de l’héritier du chaebol.
C’est une brutale descente aux enfers pour celui qui assume de facto les fonctions de PDG du groupe Samsung, depuis l’infarctus de son père Lee Kun-hee en 2014. L’héritier de l’une des familles les plus riches de Corée du Sud, dont la fortune personnelle est estimée à 6,4 milliards de dollars, a troqué les murs de son luxueux manoir à 4 millions de dollars pour ceux d’une cellule d’à peine 6 m², se gausse Channel News Asia. Aucun traitement de faveur ne devrait lui être accordé au centre de détention, où Lee attend d’être entendu ce week-end par un conseil spécial d’enquêteurs, rapporte l’agence de presse Yonhap. Ces derniers disposent de 20 jours pour l’inculper formellement.
L’entreprise a réagi laconiquement, commente le Straits Times. « Nous ferons de notre mieux pour nous assurer que la vérité émerge des futures procédures juridictionnelles », déclare-t-elle dans un bref communiqué. Si Lee Jae-yong est le premier leader de Samsung à être détenu pour infraction pénale, les grosses huiles du chaebol sont des habitués de la justice, analyse le Korea Herald. Son père et son grand père ont tous deux fait l’objet d’enquêtes pour « mauvaise conduite » dans leur gestion du groupe, mais sans jamais avoir été arrêtés pour leurs « actes répréhensibles ».
Une question se pose donc désormais : qui va prendre la tête de la multinationale ? Alors que le Korea Times craint une « absence de leadership » fort dommageable, Yonhap estime que les projecteurs sont désormais braqués sur Lee Boo-jin, qui n’est autre que… la petite sœur de Lee Jae-yong. Elle est d’ailleurs connue dans le monde des affaires pour son « caractère » et ses « techniques de management » similaires à celles de son père Lee Kun-hee. C’est un fait : la légitimité héréditaire reste bien l’un des traits caractéristiques des chaebols.
D’ailleurs, c’est tout ce système qui est directement visé par l’arrestation du PDG de facto de Samsung. Son placement en détention révèle une volonté de toucher la présidente empêchée ainsi que de dénoncer la collusion entre les élites économiques et politiques du pays, insiste le Korea Times dans un éditorial – de même que le Hankyoreh. Et le Korea Herald de se demander dans un autre article si l’ensemble des chaebols ne seraient pas sur la sellette. Car SK, Lotte et CJ sont également soupçonnés d’avoir versé des pots-de-vin aux fondations détenues par Choi…
Par Alexandre Gandil

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