Economie
Expert – L'Inde, marché extrême

La santé en Inde et en France : différences ou convergences ?

Une "Mohalla clinic" ou "clinique de quartier" nouvellement ouverte et équipée de technologies de diagnostic dernière génération à New Delhi le 13 juillet 2016.
Une "Mohalla clinic" ou "clinique de quartier" nouvellement ouverte et équipée de technologies de diagnostic dernière génération à New Delhi le 13 juillet 2016. (Crédits : AFP PHOTO / MONEY SHARMA / TO GO WITH AFP STORY: 'India-Health-Technology' FEATURE by Abhaya SRIVASTAVA)
A première vue, les deux systèmes sont aux antipodes. Entre la France et l’Inde, les secteurs de la santé ont pourtant des enjeux communs : l’accès aux soins et à la prévention, la réduction des coût et la nécessité d’innover. Que pouvons-nous apprendre les uns des autres ? Au moment où en France, nous souhaitons valoriser et exporter notre savoir-faire dans la recherche médicale et la délivrance de soins, l’Inde est-elle un marché potentiel ?

Janvier 2016 : Sir Ganga Ram Hospital à New Delhi

Je me sentais depuis quelque temps très enrhumé, fatigué, souvent essoufflé… Etait-ce l’effet de la pollution, dramatique ici à Delhi durant les mois d’hiver ? Pour en avoir le cœur net, je décide sur le conseil d’amis Indiens de faire un « executive check-up » au Sir Ganga Ram Hospital, un établissement privé réputé qui se trouve près de Connaught Place.
L'hôpital Sir Ganga Ram à New Delhi. (Crédits : DR)
L'hôpital Sir Ganga Ram à New Delhi. (Crédits : DR)
« Executive check-up » ? On vous propose un bilan complet en moins d’une journée : tous les examens possibles – sang, poumons, cœur, yeux, oreilles, intestins, foie, reins, urines, prostate, etc. Après un accueil fort aimable au Centre VIP de l’hôpital pour des formalités et paiement (d’avance !), un assistant me conduit d’un médecin à l’autre, je passe toutes les longues files d’attente pour chaque consultation. Le check-up ne dure qu’une demi-journée et coûte 8 800 roupies, soit environ 120 euros. Après 48 heures, un rapport complet assorti de tous les résultats d’examens et scanners me sera remis et expliqué par le médecin du Centre.

Me voilà donc en consultation d’échographie cardiaque. On m’a fait mettre des chaussures de sport en prévision du test d’effort après l’examen au repos. Le radiologue passe sur ma poitrine un pommeau gluant de gel froid raccordé à l’échographe ; il regarde l’écran, change de position, va et vient, de temps en temps met le son : « broum, scrouitch, broum, swatch »… Impressionnant d’entendre son cœur battre si fort. Je regarde le contreplaqué blanchâtre du plafond et devine l’image floue qui pulse en rainures blanches sur l’écran noir. Le médecin est très concentré ; il a même l’air préoccupé ; il insiste, me tourne sur le côté, repasse ici et là, tout en dictant en hindi des mesures chiffrées à un assistant caché. Au bout d’un long moment – je commence à m’inquiéter un peu -, il se tourne vers moi et me lance d’un air sombre :

« – Pour vous, pas de test d’effort !
– Ah bon ? pourquoi ?
– Votre valve aortique est sévèrement rétrécie.
– Oh… ça peut se nettoyer ?
– Non, il faut une opération. Vous allez voir le cardiologue, il va vous expliquer ça. »
Une demi-heure après, je me retrouve un peu sonné devant le professeur Manchanda, ancien chef du Service de Cardiologie de l’AIIMS, l’hôpital public le plus réputé d’Inde. Apparemment, ici comme partout, les médecins n’aiment pas prendre leur retraite, alors ils continuent. Le Professeur Manchanda est devenu consultant dans le privé et il a sa propre clinique. M’accueillant avec prévenance, il me dit : « Bon, ce que vous avez, ce n’est pas urgent-urgent, mais c’est quand même sérieux… Cela demande une opération assez lourde, qui se fait très bien partout dans le monde. Vous pouvez vous faire opérer en Inde, nous sommes très bien équipés pour cela. Vous pouvez choisir de le faire en France… ils sont très bien aussi, j’ai beaucoup d’amis médecins à Paris. Surtout pour le moment, pas d’effort ni stress, prenez votre temps. »

Impressionné par l’accueil et la qualité de ce check-up à Ganga Ram, je me suis posé la question de la comparaison des systèmes de santé entre l’Inde et la France. A priori très différents, ont-ils des enjeux communs ? Si oui, que pouvons-nous apprendre les uns des autres ? Au moment où en France, nous souhaitons valoriser et exporter notre savoir-faire dans la recherche médicale et la délivrance de soins, l’Inde est-elle un marché potentiel ?

L’Inde et la France ont des systèmes de santé très différents

A première vue, ce sont les différences qui sautent aux yeux. Nos populations respectives – 1,336 milliards en Inde, 67 millions en France – ont chacune une pyramide des âges très contrastée. En France, nous avons 18,8 % de plus de 65 ans contre 5,3% en Inde où 50% de la population a moins de 25 ans ! Notre priorité est la « silver santé » ; celle de l’Inde est la santé des jeunes, même si en volume, le nombre de personnages âgées est plus important dans ce pays que chez nous !

Notre niveau de dépenses pour la santé est aussi dramatiquement contrasté : 11,5% du PIB en France, 4,7% du PIB en Inde, selon les chiffres de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 2014. Quelques indicateurs comparés permettent de préciser le contraste :

• l’espérance de vie moyenne en Inde est de 68 ans contre 82 ans chez nous ;
• la mortalité infantile est de 41,8 pour mille en Inde contre 3,3 pour mille en France ;
• nous avons un médecin pour 300 habitants, l’Inde n’a qu’un médecin pour 1500 habitants ;
• la dépense moyenne de santé est de 75 dollars par habitant/an en Inde contre 4 959 dollars en France, soit un ratio de 1 pour 66 !
• Pour l’essentiel notre système de santé est public, tandis qu’en Inde, le secteur privé pèse 65% !

A l’évidence, le système indien de santé est encore largement en développement, très insuffisamment financé par la puissance publique, et l’accès aux soins est le premier problème. Mais c’est aussi un secteur en croissance très forte de 17% par an, qui pèse aujourd’hui 100 Milliards de dollars et devrait atteindre 280 milliards de dollars en 2020, selon le CII-IBEF.

Le secteur français de la santé pèse aujourd’hui 278 milliards de dollars soit près de trois fois celui de l’Inde, qui devrait cependant nous rattraper d’ici trois à cinq ans ! Nous avons en France le système de santé mûr d’une économie développée, un système hyper-développé dont la qualité est reconnue mondialement, mais qui nous coûte de plus en plus cher, au point que nous n’avons plus les moyens de le maintenir sans réformes profondes.

Pourtant, au-delà des différences évidentes, la France et l’Inde ont aussi des enjeux convergents. J’en proposerai trois : réinventer l’accès aux soins, réduire les coûts et innover.

Réinventer l’accès aux soins et la prévention

En France, nous commençons à avoir un problème d’accès aux soins en zone rurale et même dans nos villes moyennes. En Inde, où il y a si peu de médecins, où 25% de la population n’a pas accès aux soins, c’est le sujet numéro un : comment étendre l’accès aux soins du plus grand nombre, que ce soit en ville ou en zones rurales ? Comment diagnostiquer, faire de la prévention à distance ?

Practo organise les rendez-vous et gère les cabinets médicaux. Fondée en 2008 par Shashank ND et Abhinav Lala, deux jeunes ingénieurs issus du NIT de Bangalore, Practo a été lancée sur l’idée de rapprocher la demande et l’offre de soins. D’un côté, Practo aide à trouver un médecin, une clinique ou un centre de diagnostic et à obtenir un rendez-vous. De l’autre, l’entreprise aide les médecins à gérer leur cabinet médical, son logiciel de gestion traitant pour eux les agendas, les dossiers des patients et bientôt des bases de connaissances médicales.
Grâce à cette proposition simple, Practo a connu une croissance fulgurante.

La société est aujourd’hui présente dans 50 villes indiennes, travaille avec 200 000 médecins, 8 000 centres de diagnostic, 10 000 hôpitaux et cliniques et 4 000 centre de fitness. Le moteur de recherche de Practo gère tous les mois les requêtes d’un million de personnes et organise 120 000 rendez-vous. Son application mobile traite plus de 80% de ces transactions. La croissance météorique de Practo – 25% par an – a été rendue possible par trois levées de fonds successives pour un total de 124 millions de dollars. Le dernier tour de table en avril 2015 a vu l’entrée au capital de deux grands fonds d’investissement – l’Américain Sequoia Capital et le Chinois Tencent Holding – qui ont apporté 90 millions de dollars ! Avec ce trésor de guerre, Practo a racheté en avril 2015 FitHo, un site de « gestion du bien-être en ligne » et compte bien faire d’autres acquisitions.

Shashank ND, Pdg de Practo, entreprise de mise en relation de des patients avec les médecins et les hôpitaux.
Shashank ND, Pdg de Practo, entreprise de mise en relation des patients avec les médecins et les hôpitaux. (Source : Yourstory.com)
Les prochaines étapes ? « Notre mission est de créer une app unique qui offre à chacun une gamme complète de solutions allant du bien-être à la prévention jusqu’au diagnostic et au traitement curatif », explique Shahank ND. Au-delà de l’Inde, Practo est présent dans 15 pays et aux dernières nouvelles devrait s’installer aux États-Unis prochainement. La société est d’ores et déjà évaluée à plus de 500 millions de dollars pour un chiffre d’affaire de 4 millions de dollars (non encore profitable) en 2015 ! Elle employait fin 2016 environ 2 000 jeunes « geeks » très enthousiastes.

Forus Health réinvente la prévention de la cécité. L’OMS recense dans le monde 39 millions d’aveugles et 246 millions de mal voyants, dont 90% vivent dans des pays pauvres. 80% des cas peuvent être prévenus ou traités. Et l’Inde avec ces 12 millions d’aveugles et son très faible taux d’ophtalmologistes (1 pour 100 000 habitants !) présente un énorme défi de dépistage. Deux ingénieurs de Bangalore, K. Chandrashekhar et Shyam Vasudeva Rao ont voulu relever ce défi en créant Forus Health en 2010.

Leur idée ? Concevoir un instrument de diagnostic simple, portable et qui permette de diagnostiquer les cinq causes principales de cécité – cataracte, glaucome, dégénérescence maculaire, opacité de la cornée, diabète – avec un instrument qui soit 1) facile à manipuler par un non médecin, 2) connecté par Internet à une centre d’ophtalmologie.

C’est ainsi que 3-Nethra est né. Aujourd’hui 250 000 personnes en Inde et 800 000 dans le monde ont été diagnostiquées grâce à 3-Nethra qui coûte un cinquième du prix d’un équipement de diagnostic classique. Forus Health vient d’obtenir le feu vert de l’agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) pour entrer aux États-Unis. L’entreprise est aujourd’hui présente dans 25 pays dont récemment la France. Elle a reçu le soutien financier de trois fonds d’investissement – IDG Ventures, Accel Partners et Asian Health Fund.

Réduire les coûts en industrialisant la délivrance de diagnostics et de soins.

Réduire les coûts tout en maintenant la qualité des soins, c’est sans doute vrai chez nous pour tous les acteurs de la chaîne de santé. Encore que l’objectif ne soit pas forcément partagé par tous, encore moins la stratégie pour y parvenir. En Inde, produire des soins au plus bas coût possible est un impératif de départ qui s’impose à tous.

Le Dr Devi Shetty révolutionne les protocoles de chirurgie cardiaque. Né en 1953 dans le Karnataka, formé au Medical college de Bangalore puis en Grande-Bretagne, le chirurgien Shetty rentre en Inde en 1989 à Calcutta où il réalise la première intervention cardiaque réussie dans le pays sur un nouveau-né de 9 jours. Un peu plus tard, il opère Mère Teresa à la suite d’une crise cardiaque et restera son cardiologue. Est-ce l’influence de la religieuse ? Découvrant qu’un Indien sur quatre meurt de maladie cardiaque, davantage chez les pauvres, et que 100 à 120 000 opérations du cœur sont réalisées tous les ans, alors que les besoins sont de 2 million par an, Shetty se donne comme mission de rendre la chirurgie cardiaque accessible au plus grand nombre.

Le chirurgien rentre alors chez lui à Bangalore et fonde le centre de cardiologie de la chaîne d’hôpitaux Manipal. En 2001, il crée sa propre chaîne Narayana Hrudayalaya (NH) dans la banlieue de Bangalore, en faisant le pari d’appliquer les méthodes industrielles de Henry Ford à la chirurgie cardiaque ! Il estime que le coût de la plupart des chirurgies pratiquées en Occident peut être réduit de plus de 75% grâce à un « reengineering » de tout le processus chirurgical : c’est-à-dire standardiser systématiquement les protocoles et les rôles du personnel au bloc, chasser les coûts des équipements et dispositifs médicaux, supprimer tout ce qui est inutile, sous-traiter ce qui peut l’être – comme les soins post-opératoires aux familles qui sont formées pour le faire. Avec 1 000 lits, l’Institut du Cœur de Narayana est le plus grand centre de chirurgie cardiaque au monde ; on y fait plus de 50 opérations majeures par jour. En comparaison, le remarquable Institut du Cœur de la Pitié Salpêtrière, le plus grand hôpital d’Europe, traite 4 à 5 opérations lourdes par jour pour 147 lits.

Le Dr Devi Prasad Shetty, chirurgien du cœur et fondateur de Narayana Hrudayalaya dans son bureau de l'hôpital de Bangalore le 7 février 2013. (Copyrights : Paco Wiser)
Le Dr Devi Prasad Shetty, chirurgien du cœur et fondateur de Narayana Hrudayalaya dans son bureau de l'hôpital de Bangalore le 7 février 2013. (Copyrights : Paco Wiser)
Les résultats ? Shetty déclare avoir réduit le coût d’un pontage coronarien à 1 600 dollars contre 100 000 dollars aux États-Unis. Il veut aller plus loin et diviser encore ce prix par deux d’ici dix ans. Mais réduire le coût des chirurgies ne suffit pas. Il faut rendre les soins accessibles au plus grand nombre, en dehors des grandes villes. Shetty veut créer 30 000 lits en sus de ses 6 000 lits actuels. Il a identifié une centaine de villes secondaires où il veut installer des unités de cardiologie spécialisées de 300 lits, suivant un concept préfabriqué qui ne coûte que 6 millions de dollars et peut être construit en six mois. Pour réduire les coûts d’énergie, seuls les blocs opératoires et les salles de soins intensifs y seront climatisés. Enfin, Shetty applique le système du « vous payez ce que vous pouvez » en fonction des revenus de chacun, en sorte que les riches subventionnent les soins des plus démunis. Shetty a aussi lancé avec le gouvernement du Karnataka le programme Yeshasvini, une assurance médicale qui couvre 4 millions de fermiers.

Qui est vraiment ce Dr Devi Shetty ? Médecin, humaniste, industriel, entrepreneur ? Sans doute un peu tout cela à la fois, mais aussi un personnage très médiatique. En tout cas, ses résultats lui ont valu une pluie de médailles et de titres en Inde comme ailleurs. Et ses méthodes commencent à intéresser les autorités en charge du système de santé de pays où l’extension de la couverture médicale va de pair avec la recherche d’économies.

Dr Lal Pathlabs, l’Afflelou du diagnostic. Fondés en 1949 par Dr S. K. Lal, un médecin pathologiste issu de l’Armée des Indes britanniques, les laboratoires « Dr Lal Pathlabs » (DLPL) ont grandi lentement mais sûrement pour offrir aujourd’hui une gamme de plus de 5 000 tests en biochimie, hématologie, microbiologie, pathologies rares et radiologie pour les personnes, hôpitaux et professionnels de santé. Plus de 12 millions de patients par an sont traités grâce à un réseau panindien de plus de 170 labo-cliniques, 1 600 centres de tests, 5 000 points de collecte.

Il y a encore peu, le secteur du diagnostic en Inde était comme en France très fragmenté, avec des centaines de laboratoires individuels indépendants ou rattachés à des hôpitaux dispersés à travers le sous-continent. Les successeurs du Dr SK Lal ont su inventer un modèle de développement « industriel » à très grande échelle qui repose sur trois piliers :

• Une structure nationale en réseau à trois niveaux : le labo clinique, le centre de test, les points de collecte.
• Une organisation hyper-standardisée, légère, avec des procédures anti-gaspillage et un système d’information commun qui permet à PathLabs de gérer de façon uniforme dans toute l’Inde les quatre séquences du diagnostic : 1) réservation en centres d’appel ou sur Internet, 2) collecte d’échantillons en centre de test ou à domicile, 3) réalisation du test et analyse, 4) compte-rendu disponible au labo ou en ligne. DLPL est aussi le plus « léger » possible : la société n’achète pas ses équipements, elle les loue.
• L’expansion géographique, par croissance interne et par acquisition de laboratoires existants. DLPL est aujourd’hui présent dans plus de 800 villes en Inde.

On retrouve bien ici le modèle de « reengineering frugal » décrit plus haut chez le Dr Shetty. Ce modèle est devenu un fantastique moteur de croissance et une « cash machine » qui intéresse en 2005 le fonds d’investissement Westbridge Capital. La croissance de Dr Lal Pathlabs s’est accélérée depuis cinq ans : davantage de clients (+15% par an) font davantage de tests (+18% par an) ; d’où une forte croissance du chiffre d’affaire (+20% par an) qui combinée avec les économies d’échelle font exploser les marges : en 2015-16, DLPL a atteint un chiffres d’affaire de 119 millions de dollars avec une marge nette de 16,7%. Voilà le genre de société que la Bourse aime bien. L’introduction faite à Bombay fin décembre 2015 a été souscrite à plus de 130%. La société vaut aujourd’hui 962 millions de dollars et pourrait doubler de valeur d’ici 2020. Dans un secteur qui reste à consolider à 60%, DLPL a encore de belles années de croissance devant elle.

Innover

Trouver des acteurs en Inde qui font de la véritable innovation – en protocoles de soins ou en produits – est plus difficile.

Innovation dans les protocoles de soins. En neurochirurgie, le Docteur Atul Goel du KEM Hospital à Bombay a développé une technique qui est en train de devenir un standard mondial pour traiter des affections graves des vertèbres cervicales. Le Docteur Nahesh Trehan, directeur de Medanta Hospital, est un des pionniers de la chirurgie robotique qui, dit-il, devrait révolutionner l’ensemble de la chirurgie. La précision de la chirurgie robotique permet de minimiser le champ d’intervention : elle est moins invasive, elle permet une récupération plus rapide et donc est moins onéreuse. Medanta réalise des opérations de chirurgie robotique en cardiologie, urologie et gynécologie.

Le Chirurgien Balram Bhargava est un pionnier de l’innovation biomédicale en Inde. Il a créé au sein du prestigieux All India Institute of Medical Sciences (AIIMS), l’hôpital public le plus réputé d’Inde : un centre d’excellence en cellules souches grâce auquel il a réalisé le premier traitement au monde de patients atteints de cardiomyopathie aigüe. Le Dr Bhargava a depuis fondé avec l’Université de Stanford, l’AIIMS et l’IIT de Delhi le centre de formation et recherche « Stanford India Biodesign » dont il est le directeur. Ce Centre se veut un nouvel écosystème où médecin-chercheurs, étudiants doctorants et technologues développent ensemble des innovations en biologie et dispositifs médicaux.

Biologie et génétique. Vous voulez savoir si vous êtes enclin à tomber dans l’alcoolisme ou le tabac, si vous avez de fortes chances de devenir diabétique, chauve, obèse ? Mapmygenome – une start-up fondée par Anu Acharya à Hyderabad – propose des tests génétiques destinés à vous faire prendre conscience de vos risques et à vous aider à les prévenir en changeant votre style de vie.

Mapmygenome propose une panoplie de tests en ‘génétique personnelle’, bien-être du cerveau, diagnostics moléculaires, et aussi des tests médicaux-légaux. Des entreprises Indiennes commencent à utiliser ces tests dans les protocoles de visite médicale de leurs employés, les hôpitaux aussi commencent à utiliser ces tests. Mapmygenome emploie des biotechnologues, des statisticiens, des généticiens, des bio informaticiens et des médecins.
Un de ses derniers produits appelé Genomepatri décode votre ADN pour 25.000 INR (350 €) afin de dépister les risques de calvitie, cancer, diabète que vous avez hérités de vos ancêtres. L’analyse prend six semaines et intéresse de plus en plus les hôpitaux indiens. Une variante de Genomepatri est de tester votre propension aux maladies cardiaques. Il y a aussi des tests en ligne comme Webneuro qui en 30 minutes évalue vos capacités et faiblesses cognitives ! Mapmygneome offre les conseils de spécialistes pour vous aider à comprendre les tests et à en tirer les enseignements pour vous.

Mapmygenome a des partenaires en Malaisie, Europe et Chili et la société a réussi sa première levée de fonds (2 M$). La plus grosse difficulté de Mapmygenome pour se développer ? Elle est culturelle : pour l’instant les Indiens ne sont pas très ouverts à l’idée du test génétique.

Anu Acharya, prédidente-fondatrice de Mapmygenome.
Anu Acharya, prédidente-fondatrice de Mapmygenome. (Source : Hpematter.com)
On ne peut conclure ce zoom sur l’innovation médicale en Inde sans dire un mot de Biocon. Fondée en 1978 dans un garage de Bangalore par Kiram Mazumdar-Shaw avec 10 000 roupies, Biocon commence par fabriquer des enzymes à partir de papaye pour conserver la bière. Une fabrication sur laquelle l’entreprise s’est concentrée durant 20 ans, ce qui lui a permis de croître rapidement. En 1999, Biocon se transforme en entreprise de biotechnologie, revend sa division enzymes et entre en bourse en 2004. Depuis, Biocon a développé une gamme de molécules biopharmaceutiques : petites molécules API, molécules complexes entrant dans la fabrication de génériques, plus récemment des molécules bio similaires en partenariat avec le géant américain du générique Mylan. Certaines de ces molécules nouvelles ont des applications pour le diabète, des anti-inflammatoires et certains cancers. Biocon a aussi lancé une activité de recherche sous contrat pour le compte de grands pharmaciens. En 2016, la société a atteint un chiffre d’affaire de 362 millions d’euros avec une marge nette de 25%. Biocon et son PDG Kiram Mazumdar-Shaw sont considérés comme des stars en Inde.

Les opportunités par les acteurs français de la santé

A travers ces exemples, je serais tenté de proposer trois opportunités d’action pour les acteurs français de la santé en Inde :

Exporter notre savoir-faire innovant. Par ses enjeux, sa taille et sa croissance, le secteur indien de la santé présente certainement pour nous des opportunités d’affaires significatives pour notre savoir-faire, à condition de nous adapter aux conditions Indiennes ! Nous avons sans doute le plus d’opportunités dans des niches d’innovations réelles, là où nous avons une vraie avance.

La matrice de l'innovation en matière de santé et de soins. (Source : Michel Testard)
La matrice de l'innovation en matière de santé et de soins. (Source : Michel Testard)
Apprendre de l’accès aux soins low-cost. Ce que font les Indiens en matière d’accès aux soins en zones rurales ou auprès des plus démunis, qu’il s’agisse de processus, d’organisation ou de matériels « frugaux » pourrait nous donner des solutions à adapter dans les campagnes et dans nos villes moyennes.

Apprendre de l’industrialisation médicale low-cost. les organisations et processus standardisés, la spécialisation déployée à grande échelle en Inde avec les coûts qui en résultent devraient nous interpeller. Si seulement 20 % des techniques et modes d’organisation déployés dans ce pays peuvent s’appliquer chez nous, cela vaudrait la peine d’aller les comprendre.

« Bharat me sab kuch mumkin hai » ! En Inde tout est possible. Pour nous aussi, si nous acceptons d’apprendre, de nous adapter et de nous y engager dans la durée.

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A propos de l'auteur
Ancien consultant international, diplômé de l'École des Ponts et Chaussées et de l'INSEAD, spécialiste de l'Inde, Michel Testard est aujourd'hui peintre et essayiste. Il expose à New Delhi auprès de la galerie Nvya. Le suivre sur Instagram et voir son site. Son mail : [email protected].