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Philippines : la guerre contre la drogue est-elle finie ?

Le président philippin Rodrigo Duterte écoute le directeur général de la police nationale philippine Ronald Dela Rosa lors d'une conférence de presse à Manille le 30 janvier 2017.(Crédits : AFP PHOTO / POOL / NOEL CELIS)
Le président philippin Rodrigo Duterte écoute le directeur général de la police nationale philippine Ronald Dela Rosa lors d'une conférence de presse à Manille le 30 janvier 2017.(Crédits : AFP PHOTO / POOL / NOEL CELIS)
Plus de 7000 morts. C’est le dernier bilan approximatif de la sanglante guerre contre la drogue lancée par Rodrigo Duterte dès son investiture à la présidence des Philippines le 30 juin 2016. Mais après le récent enlèvement et l’assassinat d’un homme d’affaires coréen par la police, Duterte a dû faire marche arrière. Hier, dimanche 29 janvier, il a déclaré la dissolution des unités anti-drogue de la police nationale. Tout en promettant de reprendre dès que possible sa « guerre » controversée.
« Nous allons dissoudre toutes les unités anti-drogue de la police nationale des Philippines. Elle sera en cours de nettoyage. » Lors d’une conférence de presse ce dimanche 29 janvier, le Rodrigo Duterte a voulu garder la face. Sa guerre contre la drogue suspendue ? Oui, mais c’est pour lutter contre la corruption des policiers. La « vertu » présidentielle est sauve. Et Duterte de haranguer comme sur les trafiquants de drogue, rapporte le Manila Times : « La police est corrompue jusqu’à la moelle. C’est dans votre système car vous êtes sur le terrain pour appliquer la loi. Certains policiers cherchent des moyens de gagner de l’argent sur le terrain. Au moins 40% d’entre vous sont habitués à la corruption. »

Cette mesure inattendue intervient après l’enlèvement et l’assassinat de Jee Ick-Joo. Selon le Philippine Star, l’homme d’affaire sud-coréen a été enlevé sur un faux mandat d’arrêt sous l’accusation sans preuves d’une implication dans un trafic de drogue. Des témoins ont révélé qu’il avait été étranglé à mort par des membres de la brigade anti-drogue, au sein-même du quartier général de la police nationale à Camp Crame.

De son côté, le directeur général de la police nationale, Ronald Dela Rosa, a souligné l’importance de la dissolution des unités anti-drogue pour « éradiquer la corruption et éventuellement reconstruire des équipes opérationnelles », indique le site Asian Correspondent. Ce n’est pourtant là qu’un « plan de relations publiques vide de sens » selon Phelim Kine, directeur-adjoint de la section Asie de Human Rights Watch, cité par le Philippine Star. En effet, Asian Correspondent s’interroge : à quoi bon dissoudre les unités anti-drogue si aucune enquête n’est ouverte sur les assassinats arbitraires qui caractérisent cette campagne nationale depuis juin dernier ? « L’annonce de Dela Rosa réaffirme qu’il n’a aucun intérêt à mener une enquête sérieuse sur les circonstances des homicides commis par la police sur 2546 personnes suspectées d’usage et de vente de drogue », déplore Phelim Kine.

Ce grand « nettoyage de la police annonce-t-il la fin de la guerre anti-drogue de Duterte ? Le président philippin avait initialement promis d’éradiquer le problème dans le pays d’ici décembre 2016. Par la suite, il avait prolongé la date limite au mois de mars 2017. Hier lors de la conférence de presse d’hier, Duterte n’a pas voulu renoncer à son marqueur électoral : la guerre anti-drogue sera prolongée « jusqu’au dernier jour de [s]on mandat », en 2022.

Par Joana Hiu

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