Politique
L'Asie du Sud-Est dans la presse

Philippines : Duterte est-il en train de se suicider politiquement ?

Le président philippin Rodrigo Duterte est-il en train de se saborder politiquement ? Copie d'écran du Philippine Star, le 20 décembre 2016.
Le président philippin Rodrigo Duterte est-il en train de se saborder politiquement ? Copie d'écran du Philippine Star, le 20 décembre 2016.
Que se passe-t-il dans la tête de Rodrigo Duterte ? En sus de déclarations plus provocatrices les unes que les autres, le réchauffement des relations sino-philippines voulu par le président, sur fond d’aveux sur les meurtres de trafiquants de drogue, fait couler beaucoup d’encre dans la presse de l’archipel. Jusqu’à estimer que le chef de l’Etat se saborde politiquement.
« Nous pouvons partager le pétrole de la mer occidentale des Philippines avec la Chine. » C’est la dernière déclaration fracassante de Rodrigo Duterte, reprise par le Philippine Star. Le président évoque cette partie de la mer de Chine du Sud où les revendications de souveraineté de Pékin et de Manille se superposent. « Qu’est-ce que je vais faire avec cette source d’hydrocarbures : nager dedans tous les jours ? » s’est-il justifié lors d’un discours tenu hier lundi 19 décembre. Une telle proposition est pourtant contraire aux dispositions de la constitution de l’archipel, analyse le quotidien.
Mais le président philippin ne semble pas vouloir s’encombrer de son cadre juridique national. Pas plus que du jugement de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye sur les litiges territoriaux en mer de Chine du Sud, remontant au 12 juillet, que Duterte a déclaré vouloir « écarter » afin de « ne rien imposer à la Chine ». Le rapprochement avec Pékin mettrait-il alors en péril la souveraineté nationale de l’archipel ?
C’est ce que craint l’éditorialiste John Nery, dans The Inquirer. « Mettre de côté le jugement revient à abandonner le territoire philippin. Les soutiens de Duterte devraient donc considérer ses remarques comme les symptômes d’une autodestruction, et non pas les marqueurs d’une quelconque stratégie », lance-t-il dans une tribune intitulée « Ce président a besoin d’aide ». Nery en appelle ainsi aux « amis et alliés » du chef de l’Etat afin « d’organiser une intervention » pour le secourir.
Mais Duterte peut toujours se reposer sur son sempiternel garde-fou, le ministre des Affaires étrangères Perfecto Yasay, passé maître dans l’art de l’euphémisme et de la reformulation. D’après lui, les Philippines ne « dévieront pas » du verdict de La Haye ; mais tout est une question de priorité, rapporte le Philippine Star dans un autre article. En effet, le gouvernement estime qu’il devrait d’abord forger des liens de confiance avec Pékin avant d’aborder les sujets sensibles.
La Chine en est ravie – et ne s’en cache pas. Saluant la décision de « mettre de côté » cet arbitrage que Pékin n’a jamais voulu reconnaître, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Hua Chunyin, a souligné que les rapports entre les deux pays s’étaient « considérablement améliorés » depuis la visite de Duterte à Pékin au mois d’octobre, indique toujours le Philippine Star. C’est pourquoi les Chinois multiplient désormais les initiatives capables de consolider leurs relations bilatérales, tant qu’elles sont « compatibles avec les intérêts fondamentaux de leurs pays et de leurs peuples ».
Comme ce mardi 20 décembre, il faut croire, lorsque Pékin propose d’offrir aux Philippines pour 14 millions de dollars « d’armes légères et de bateaux rapides », selon les autorités de Manille relayées par Channel News Asia. « L’ambassadeur chinois a dit au président hier soir qu’il connaissait son problème avec la lutte anti-drogues et qu’il voulait l’aider », a déclaré le ministre philippin de la Défense. Cadeau de Noël avant l’heure ?
Par Alexandre Gandil

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