Politique
L'Asie du Nord-Est dans la presse

Chine-Taïwan : comprendre l'affaire du porte-avion chinois dans le détroit

À Taïwan, l'entrée du seul porte-avions chinois dans les eaux du détroit séparant l'île du continent a fait la Une de la presse nationale (Crédit : EUROPEAN PRESSPHOTO AGENCY). Copie d'écran du Straits Times, le 13 janvier 2017.
À Taïwan, l'entrée du seul porte-avions chinois dans les eaux du détroit séparant l'île du continent a fait la Une de la presse nationale (Crédit : EUROPEAN PRESSPHOTO AGENCY). Copie d'écran du Straits Times, le 13 janvier 2017.
Après 24 heures de tensions, l’unique porte-avions chinois, le « Liaoning », a quitté les eaux du détroit de Taïwan hier jeudi 12 janvier, annonce le Straits Times. Il se dirige désormais vers Qingdao, au nord de la Chine. La trajectoire du navire avait mis Taipei en alerte : même s’il n’avait pas franchi la ligne médiane séparant officieusement les eaux chinoises des eaux taïwanaises, sa seule entrée dans le détroit constitue une incursion dans la zone d’identification de la défense aérienne (ADIZ) de Taïwan. Le rythme de croisière du porte-avions, deux fois plus lent que la normale, avait également éveillé les soupçons de l’île.
Ce n’est pourtant pas la première fois que le Liaoning fait ce trajet, tempère Steven Stashwhick dans le Diplomat. En 2013 déjà, le navire était passé par le détroit de Taïwan pour rejoindre la mer de Chine du Sud, sans déclencher de telles réactions. D’après l’expert, c’est le contexte politique entre les deux rives qui fait rejaillir la tension sur la trajectoire somme toute « normale » du porte-avions.
Car l’année 2016 a replacé le détroit de Taïwan sur la carte des points chauds de la planète. L’élection de Tsai Ing-wen à la présidence de l’île au mois de janvier 2016 avait déjà ravivé l’animosité entre Pékin et Taipei. Issue du Parti démocrate progressiste, Tsai est considérée par les autorités du continent chinois comme favorable à l’indépendance de Taïwan. Depuis son investiture le 20 mai dernier, elle refuse d’endosser le « consensus de 1992 » – selon lequel Pékin et Taipei se seraient entendus pour reconnaître que le continent chinois et Taïwan font partie d’une seule et même Chine, libre à chaque gouvernement d’interpréter laquelle (République populaire de Chine ou République de Chine). Ce refus a poussé Pékin à rompre immédiatement les canaux de communication entre le continent et l’île.
Mais c’est la victoire de Donald Trump aux élections américaines de novembre qui a porté le coup de grâce à la Chine. Car le président-élu des États-Unis et son équipe de transition adoptent un positionnement résolument pro-taïwanais. Après un coup de fil historique entre Washington et Taipei, qui avait provoqué l’ire de Pékin, voilà que Tsai Ing-wen a pu rencontrer le gouverneur et le sénateur du Texas lors d’une escale sur le sol américain, préliminaire à son actuelle tournée centraméricaine. D’aucuns considèrent ainsi le transit du porte-avions chinois par le détroit de Taïwan comme un avertissement lancé à Donald Trump à quelques jours de son investiture le 20 janvier, rapporte le Washington Times.
Bien que la Chine démente toute « provocation » dans le trajet du Liaoning, l’hypothèse se tient : ce mercredi 11 janvier, le futur secrétaire d’État américain Rex Tillerson déclarait au Sénat qu’il bloquerait l’accès de Pékin à la mer de Chine du Sud, en réponse à sa politique de poldérisation (voir notre édito du 12 janvier). Impossible, d’après la Chine, sans « déclencher une guerre de grande ampleur », rétorque le très nationaliste quotidien officiel chinois Global Times.
Taïwan ne serait-elle donc qu’un pion sur l’échiquier de l’affrontement sino-américain ? C’est ce que nous craignions dans un billet d’humeur publié fin 2016. Les démonstrations de puissance chinoises à l’égard de l’île devraient se multiplier ces prochains temps, si l’on en croît un ancien représentant américain dans l’île interrogé par le China Post. En réponse, Taipei envisage de perfectionner son système de missiles. Au programme : l’amélioration de leur portée, de leur système de guidage et de leurs mécanismes d’anti-traçabilité, évoque un militaire taïwanais sous condition d’anonymat, relayé par le Taipei Times.
Le bureau de la présidence taïwanaise le reconnaît : Pékin met la pression sur l’île, et cela se fait au détriment du bon déroulement des relations inter-détroit, affirme Focus Taiwan. Car outre les provocations militaires, la Chine s’affaire à renforcer l’isolement international de Taïwan.
Après que Sao Tomé-et-Principe a rompu ses relations diplomatiques avec l’île, le Nigeria a annoncé hier jeudi 12 janvier, à l’occasion de la visite du ministre chinois des Affaires étrangères, que le bureau taïwanais de coopération économique devrait quitter la capitale Abuja pour s’installer à Lagos. De même, les « organisations et officiels » nigérians sont désormais « interdits d’entretenir des échanges officiels avec Taïwan », a déclaré l’agence de presse du pays africain – alors même que le Nigeria n’a jamais reconnu diplomatiquement Taipei, souligne avec circonspection le Taipei Times. De son côté, Pékin, par un éditorial du le Global Times, ne dissimule pas son influence dans la décision nigériane, et se félicite de l’isolement de l’île sur laquelle l’étau commencerait seulement à se resserrer.
Par la Rédaction

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