Politique
L'Asie du Nord-Est dans la presse

Chine : l'airpocalypse peut-elle déclencher une crise politique ?

La Chine vient de connaître son plus grave épisode de pollution de l'année (Crédit : Reuters). Copie d'écran du South China Morning Post, le 22 décembre 2016.
La Chine vient de connaître son plus grave épisode de pollution de l'année (Crédit : Reuters). Copie d'écran du South China Morning Post, le 22 décembre 2016.
La crise environnementale peut-elle se muer en crise politique ? C’est la question posée par le South China Morning Post ce jeudi 22 décembre. Cette semaine, près de 500 millions de Chinois ont été affectés par un épais nuage de pollution, recouvrant plus d’un septième du territoire national. Un énième épisode de ce que les médias appellent tristement « l’Airpocalypse », et qui éveille les soupçons de la population sur la gestion de la qualité de l’air par les autorités centrales.
Des centaines de vols cloués à terre, des écoles fermées, des voitures individuelles interdites de circuler, des autoroutes bouclées et des hôpitaux surchargés. Les épisodes de pollution à répétition ont-ils été intégrés par les Chinois dans leur quotidien ? Oui, si l’on en croit les blagues faites sur les réseaux sociaux. Non, si l’on préfère souligner les initiatives populaires de plus en plus poussées visant à dénoncer le smog, cet épais brouillard pollué.
C’est le cas pour cinq avocats ayant déposé trois plaintes à l’encontre des gouvernements de Pékin, de Tianjin et du Hebei. Motif : ne pas avoir réussi à gérer la pollution sur leurs territoires respectifs. Ils demandent une compensation financière ainsi que des excuses publiques, rapporte le Global Times. « Mon idée, c’est que le tribunal déclarera le gouvernement coupable de négligence en matière de contrôle de la pollution. […] Il ne s’intéresse qu’au développement économique », a déclaré l’avocat ayant attaqué le Hubei au South China Morning Post.
Des procès plus qu’embarrassants pour le pouvoir centrale à Pékin. Depuis son accession au pouvoir, Xi Jinping ne cesse d’afficher sa volonté de rompre avec l’ancien modèle de développement économique chinois, considéré comme trop polluant. Déclarant chérir « autant le ciel bleu et l’eau claire que la croissance économique », le chef de l’État rappelait hier encore, mercredi 21 décembre, que les énergies propres pouvaient permettre de « réduire le nombre de jours affectés par le smog », rapporte le China Daily. Mais au-delà du respect de l’environnement en tant que tel, Pékin sait surtout que la gestion de la pollution participe de la stabilité sociale, et rejaillit sur la légitimité du parti communiste.
Cette volonté a encore bien du mal à s’incarner au niveau provincial ou municipal, où les gouvernants locaux sont principalement évalués par les autorités centrales à l’aune de leurs performances économiques… « Les cadres [du parti] sont entraînés à rechercher la croissance, et il n’ont pas-grand chose à faire du smog, explique Hu Xingdou, commentateur politique et professeur à l’Institut de Technologie de Pékin. En fait, ils essaient surtout de faire taire les voix qui s’élèvent à propos de la pollution. »
Cependant, il n’est pas toujours facile de faire taire les chiffre. Ceux qui viennent de tomber sont sans appel : en Chine, un tiers des décès seraient liés à la pollution de l’air, dévoile le South China Morning Post dans un autre article. Ce qui rend le smog plus dangereux que le tabac. Pourtant, indiquent les chercheurs à l’origine de l’étude, le taux de mortalité lié à la pollution de l’air pourrait baisser drastiquement si Pékin réduisait, comme promis, de 25 % la concentration en particules fines de l’air en 2017 par rapport à 2012.
Pour l’instant, les mesures prises s’en tiennent au symbole. Comme la suspension d’un principal de collège dans le Henan, qui avait organisé un examen un plein air alors que le plus violent smog de l’année recouvrait sa ville de Linqi, rapporte le Quotidien du Peuple. Comme aussi la décision de réduire la population (ou d’en ralentir la croissance) dans cinq districts de Pékin d’ici 2020 pour diminuer la congestion automobile polluante, rapporte le Straits Times. Des quartiers que des centaines de personnes ont pourtant déjà fui pour la campagne pendant ce dernier volet de l’Airpocalypse, leur valant le surnom de « réfugiés du smog ».
Ce jeudi 22 décembre, le ciel bleu est revenu à Pékin. Mais de nombreuses portions du nord de la Chine restent couvertes par d’épais nuages nocifs, déplore le Straits Times. D’après le quotidien singapourien, la capitale n’est d’ailleurs pas sortie d’affaire pour la saison, puisque la demande énergétique est essentiellement satisfaite par le charbon. Le China Daily ne cache d’ailleurs pas que la qualité de l’air devrait se dégrader ce samedi 24 décembre avant de revenir à la normale au lendemain de Noël.
Par Alexandre Gandil

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