Politique
L'Asie du Sud-Est dans la presse

Birmanie : que peut faire l'ASEAN pour les Rohingyas ?

Loin d'être anodine, la réunion des dix ministres des Affaires étrangères de l'ASEAN sur la question rohingya marque un véritable tournant. Copie d'écran de Reuters, le 19 décembre 2016.
Loin d'être anodine, la réunion des dix ministres des Affaires étrangères de l'ASEAN sur la question rohingya marque un véritable tournant. Copie d'écran de Reuters, le 19 décembre 2016.
Mieux vaut tard que jamais ? Les ministres des Affaires étrangères des dix États-membres de l’Association des Nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN) se retrouvent ce 19 décembre à Rangoun pour une « réunion de crise » sur la question rohingya. Or cela fait déjà plus de deux mois que la police et l’armée birmane mènent des opérations controversées dans l’Arakan, où réside principalement cette ethnie musulmane apatride. En cause : l’attaque de postes-frontières avec le Bangladesh par des hommes armés le samedi 8 octobre. Alors que les autorités centrales déclarent rechercher les responsables parmi des « militants islamistes », les témoignages de certains Rohingyas – dont 27 000 ont fui en direction de Dacca – font état de viols, de meurtres et d’incendies volontaires perpétrés par les forces du régime birman, rapporte Mizzima. Alors, que peut faire l’ASEAN ?
Se réunir pour évoquer la situation intérieure d’un État-membre, voilà le genre de rendez-vous auquel les dirigeants de l’Union européenne sont habitués. Mais pour l’ASEAN, le symbole est extrêmement fort. Une rencontre d’autant plus exceptionnelle qu’Aung San Suu Kyi n’en voulait initialement pas. Mais les accusations d’exactions commises par l’armée birmane à l’encontre des Rohingyas, niées par les autorités centrales, ont déclenché « un inhabituel conflit ouvert » entre les membres de l’organisation régionale, commente Mizzima – Kuala Lumpur et Jakarta ayant pesé suffisamment pour faire plier Naypyidaw. Car l’ASEAN est réputée pour son respect strict de la souveraineté nationale, favorisant donc la diplomatie du consensus et rejetant toute ingérence. Ce qui lui a déjà valu un bon lot de critiques.
Depuis octobre, ce sont les autorités de Kuala Lumpur qui se sont érigées en figure de proue de la contestation régionale à l’encontre des traitements réservés à la minorité musulmane en Birmanie. Il faut dire que 56 000 Rohingyas vivraient en Malaisie. Et alors que le Premier ministre Najib Razak n’a pas hésité à dénoncer un « génocide », de profondes tensions ont grevé les relations entre Birmanie et Malaisie ces derniers temps (voir notre article).
Aujourd’hui, un rapport d’Amnesty International donne raison aux inquiétudes malaisiennes, rapporte la BBC. Car derrière les « opérations antiterroristes », l’ONG accuse l’armée birmane d’assassinats de civils, de viols, de torture et de pillages – le tout participant d’un « système » confinant au « crime contre l’humanité ». Des allégations qui reposent sur des entretiens avec 35 victimes et 20 travailleurs humanitaires.
Que demande désormais la Malaisie, soutenue par l’Indonésie ? La « coordination de l’aide humanitaire » ainsi que la « tenue d’une enquête » par l’ASEAN en Birmanie, d’après les déclarations de son ministre des Affaires étrangères Anifah Aman, reprises par Reuters. Selon lui, l’intervention de l’organisation est nécessaire puisque la situation dans l’Etat de l’Arakan est une « affaire de sécurité et de stabilité régionales », craignant que les militants de Daech ne puissent tirer parti de la situation. Mais pour adopter ces mesures concrètes, il faudra s’assurer du consensus entre États-membres – et encore convaincre la Birmanie…
Par Alexandre Gandil

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