Vietnam : "President Hotel" ou les mémoires photographiques d'une Cité radieuse

Contexte
Laurent Weyl est photojournaliste. Ces quinze dernières années, il a travaillé tant pour la presse française (Le Figaro Magazine, Géo Magazine, Géo Voyage, La Croix, 6 MOIS, l’Obs, Marie-Claire, ou Le Pèlerin) que pour des médias internationaux, notamment le Corriere de la Serra et Geo Allemagne. Il voyage pour la première fois au Vietnam en 1992, puis y revient durant quatre mois en 1993, avant de s’y rendre régulièrement jusqu’à son installation à Hô-Chi-Minh-Ville entre 2011 et 2016. Il fait partie du collectif Argos.
Journaliste indépendante, Sabrina Rouillé est installée depuis 2010 à Hô-Chi-Minh-Ville. Elle a écrit pour Le Figaro Magazine, Géo, Altermondes, Elle Québec et 6 Mois. Elle a été rédactrice en chef de L’Echo des rizières à Hô-Chi-Minh-Ville. Avant de partir au Vietnam, elle a été reporter et rédactrice en chef adjointe pour le journal Ouest-France, en Bretagne et en Normandie.
Les photos de Laurent Weyl sur le President Hotel ont déjà gagné deux récompenses : le prix du meilleur reportage au Vienna International Photo Awards et la mention portfolio remarqué par le jury du prix Roger Pic de la Scam.
Laurent Weyl, en compagnie de son éditeur, fera une dédicace du livre President Hotel le 17 décembre à 16h au Bal (espace dédié à l’image-document situé au 6 impasse de la Défense, Paris XVIIIème).
Laurent Weyl : L’immeuble est un peu connu à Saïgon parce que des photographes de mode et des écoles de réalisation l’ont utilisé pour leurs prises de vue. A vrai dire, le President Hotel est surtout connu par la population locale.
Par la suite, je suis venu vivre au Vietnam en 2011 en souhaitant faire ce sujet. La chef photo de Géo Voyage m’avait confirmé dans mon idée. Installé à Saïgon, j’avais du temps. Mais j’ai mis un an pour retrouver le lieu car je n’avais plus l’adresse exacte. La plupart des expatriés ne le connaissaient pas. L’immeuble est certes très grand en longueur – on le voit très bien du ciel, mais la façade qui donne sur la rue est très étroite. Or des vieux immeubles décrépis, Saïgon en compte un certain nombre.
L.W.: C’est un microcosme qui reflète les habitudes des campagnes vietnamiennes. Les résidents sont des fonctionnaires qui ont gardé leurs habitudes villageoises dans leur vie au quotidien : que ce soit leurs repas dans de petits restaurants avec des chaises en plastique ou chez des vendeurs de soupes Pho, ou leur façon de s’habiller – certains résidents vivaient en pyjamas ou se mettaient torse nu. Dans les couloirs, on croisait des grands-mères en train de courir après leurs petits-enfants pour leur donner à manger. On peut comparer avec la Cité radieuse à Marseille. Au President Hotel, ils étaient tous amis et passait le plus clair de leur temps hors du travail. Quitter cet espace, c’était quitter leur village.
S.R.: C’était beaucoup de convivialité, de solidarité, de services mutuels comme l’entretien de l’immeuble à tour de rôle. Tout cela était propre aux campagnes par opposition à la ville qui individualise. Le Vietnam est un pays qui vit depuis très longtemps avec la notion de vie communautaire. Ces liens se distendent en ville où chacun vit dans des appartements ou des maisons individuelles. Quitter le President Hotel, c’est perdre une vie de quartier, des liens de voisinage très importants, et c’est l’obligation de tout recommencer ailleurs. Un vrai déracinement.
L.W.: Beaucoup nous ont ouvert leur porte car nous sommes venus et revenus une quinzaine de fois sur une durée de cinq mois. J’y suis revenu aussi lorsque Donatien était en résidence. Donc nous avons fréquenté l’immeuble entre 2013 et 2015.
S.R.: Selon la loi, tout projet oblige à soit reloger, soit indemniser les habitants. Mais il y a eu des conflits sur les modalités d’indemnisation. Les gens arrivés du Nord après la guerre ont eu ces appartements gratuitement et du jour au lendemain aujourd’hui, on leur a demandé de payer la différence de surface, de 25 a 52m2. C’est là que le bât blesse car ils n’ont pas cet argent. Quant aux squatteurs, ils savaient qu’ils seraient expulsés sans rien du tout et sont allés chercher un logement ailleurs.
PRESIDENT HOTEL from Alexandre Liebert on Vimeo.
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