Politique
L'Asie du Sud-Est dans la presse

Indonésie : "complot" contre Jokowi et manifestation anti-blasphème

Environ 200 000 personnes sont descendues dans les rues de Jakarta pour demander l'arrestation du gouverneur de la capitale indonésienne, Ahok (Crédit : ST PHOTO / FRANCIS CHAN). Copie d'écran du Straits Times, le 2 décembre 2016.
Environ 200 000 personnes sont descendues dans les rues de Jakarta pour demander l'arrestation du gouverneur de la capitale indonésienne, Ahok (Crédit : ST PHOTO / FRANCIS CHAN). Copie d'écran du Straits Times, le 2 décembre 2016.
Ce vendredi 2 décembre, 10 personnes ont été arrêtées en marge de la manifestation anti-Ahok. Près de 200 000 musulmans sont descendus dans les rues de Jakarta pour demander l’arrestation du gouverneur de la capitale indonésienne pour blasphème. Parmi les personnes arrêtées, 8 sont accusés de « trahison », a rapporté la police municipale, sans décliner leur identité. Une source proche du Straits Times évoque des « figures politiques d’importance » connues pour leur opposition au président Jokowi. Parmi elles, Rachmawati Soekarnoputri qui est la fille de l’ancien président Sukarno et la soeur de l’ancienne présidente Megawati. Que faut-il comprendre ? L’affaire du blasphème n’est-elle qu’un prétexte à une opposition politique plus que religieuse qui conteste depuis le début les réformes du président ?
L’avertissement était clair, rapporte le Jakarta Post. A la fin du mois dernier, une circulaire émise par les forces de l’ordre avait menacé de « peine de mort » ou « d’emprisonnement à vie » toute personne susceptible de « mener un acte pouvant mettre en péril la sécurité nationale, comme la trahison du président ou du vice-président » dans l’optique d’une future manifestation anti-Ahok… Car la police indonésienne en est certaine : derrière ces mouvements de masse demandant l’arrestation du gouverneur de Jakarta, accusé de blasphème, se trame un « complot » visant à destituer le Président Jokowi (voir notre article).
Leo Suryadinata, chercheur invité principal à l’Institut des Etudes du Sud-Est asiatique de Singapour, appuie cette vision dans le Straits Times. D’après lui, les manifestations anti-Ahok révèlent une « guerre idéologique » entre les « partisans des intérêts établis », qui n’hésitent pas à mobiliser les réseaux religieux pour défendre leur cause, et les « réformateurs », incarnés par Ahok et le président Jokowi. Ainsi Suryadinata estime-t-il qu’à travers l’éviction du gouverneur de Jakarta, les conservateurs visent à « affaiblir Jokowi » et préparer leur retour au pouvoir. Conclusion : l’enjeu fondamental n’est pas religieux (celui du blasphème), mais politique (faire triompher le conservatisme sur le réformisme, en attaquant Jokowi via Ahok).
Que peut-faire le gouvernement face à cette instrumentalisation latente du religieux par le politique ? « Rendre les mouvements pacifiques », rétorque le chercheur. Voilà pourquoi la manifestation de ce 2 décembre a pu être contenue au Monas, deuxième plus grande place publique du monde. Ce qui a restreint les embouteillages dans la capitale. D’ailleurs, pour « féliciter » les manifestants de leur « attitude pacifique » Jokowi et une partie de son équipe gouvernementale ont rejoint des participants pour leur prière publique, note le Jakarta Globe.
Cela fait plusieurs semaines que le cas du gouverneur de Jakarta, en quête d’une réélection en février 2017, fait les gros titres des médias indonésiens. A l’issue d’une série de scandales et de manifestations, le procureur général de l’archipel a finalement porté plainte contre lui pour blasphème en début de semaine, mardi 29 novembre. Ahok avait, lors d’un meeting, critiqué ses opposants citant un verset du Coran pour justifier « qu’un musulman ne pouvait pas voter pour un non-musulman », explique le Straits Times.
Par Alexandre Gandil, avec Anda Djoehana Wiradikarta

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