Economie
L'Asie du Sud dans la presse

Inde : l'or, valeur refuge pour les fraudeurs face à la démonétisation ?

Au mois de novembre, l'explosion du prix de l'or sur le marché noir en Inde et les importations en flèche du métal doré laissent penser que les fraudeurs ont misé sur cette valeur refuge pour contrer la démonétisation. (Crédit : AFP PHOTO / Diptendu DUTTA)
Au mois de novembre, l'explosion du prix de l'or sur le marché noir en Inde et les importations en flèche du métal doré laissent penser que les fraudeurs ont misé sur cette valeur refuge pour contrer la démonétisation. (Crédit : AFP PHOTO / Diptendu DUTTA)
C’est un peu trop gros pour une simple coïncidence. Au mois de novembre, les importations indiennes d’or se sont établies à 100 tonnes – soit un cinquième des importations totales du métal précieux en 2016. Dans le même temps, Narendra Modi décrétait par surprise la démonétisation des billets de 500 et 1000 roupies pour lutter contre l’argent sale. De là à estimer que les fraudeurs ont fait de l’or une valeur refuge, il n’y a qu’un pas que franchit le site Firstpost. Une perspective loin d’apaiser la colère populaire, malgré les discours « rassurants » du gouvernement.
« Dans les quatre heures qui se sont écoulées entre l’annonce du Premier ministre (à 20h) et le 8 novembre à minuit [date à partir de laquelle les billets ont été démonétisés, NDLR], le prix de l’or sur le marché noir est passé de 30 000 roupies à 50 000 voire 55 000 roupies pour 10 grammes », explique Ravi Singh, responsable de la recherche à la SMC Commodities Trade. « Cette hausse du prix, de même que les chiffres des importations, indique que de l’argent sale a été converti. » Les Indiens craignent désormais que des mesures répressives ne soient prises contre leurs possessions d’or.
Le ministre indien des Finances Arun Jaitley a néanmoins affirmé qu’aucune nouvelle taxe ne serait imposée sur de tels achats. Ce vendredi 2 décembre, il a d’ailleurs estimé que les « disruptions » entraînées par la politique de démonétisation n’étaient que « temporaires », rapporte The Indian Express. D’après lui, les bénéfices se feront ressentir à long terme et l’Inde devrait, comme l’année dernière, connaître la croissance économique la plus importante parmi les principales économies de la planète.
Un optimisme qui a du mal à percoler au sein des classes populaires. En cause : une accélération des mesures de démonétisation qui les prend de court. Alors qu’ils étaient censés pouvoir utiliser leurs anciens billets jusqu’au 15 décembre dans les stations service, les Indiens ont en réalité jusqu’à aujourd’hui seulement pour dépenser leurs coupures démonétisées. Le gouvernement a en effet décidé d’écourter ce temps de latence du jour au lendemain, rapporte le Bangkok Post. « Le gouvernement n’a aucune idée de ce que l’on est obligés de faire pour s’en sortir », résume un employé du secteur privé cité par le quotidien thaïlandais.
Dans la classe politique, l’opposition se dresse vent debout contre Modi et son big bang monétaire. Parmi les plus bruyants, la ministre-en-chef du Bengale-occidental, Mamata Banerjee, se fait le porte-voix de la gronde populaire en attaquant frontalement le Premier ministre, commente le Times of India. Elle demande l’annulation pure et simple de sa politique. Pourquoi cela ? D’après le quotidien, Mamata chercherait à tirer parti du profond ressentiment de la population de son Etat, initialement en faveur de la démonétisation mais finalement durement frappée par ses conséquences, afin de « trouver sa place dans le champ politique national » et de s’ériger en principale figure d’opposition au parti nationaliste hindou (BJP) de Modi.
Cependant, cette stratégie s’avère parfois hasardeuse. Car après avoir que Mamata eut dénoncé un « déploiement de l’armée » au Bengale-occidental comme « représailles face à la politique anti-démonétisation du gouvernement de l’Etat fédéré », l’armée indienne a publié aujourd’hui les courriers prouvant que la ministre-en-chef était bel et bien au courant qu’un exercice militaire aurait lieu sur son territoire. Les quatre lettres sont publiées dans un second article du Times of India. De quoi fragiliser la porte-voix des opprimés ?
Par Alexandre Gandil

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