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La Chine met la pression sur Taïwan à travers ses liens militaires avec Singapour

La présidente taïwanaise Tsai Ing-wen lors de son discours à l'occasion de la fête nationale, devant le palais présidentiel à Taipei, le 10 octobre 2016.
La présidente taïwanaise Tsai Ing-wen lors de son discours à l'occasion de la fête nationale, devant le palais présidentiel à Taipei, le 10 octobre 2016. (Crédits : AFP PHOTO / SAM YEH)
Isoler et intimider la nouvelle présidente taïwanaise. C’est ce que le gouvernement de Pékin cherche à faire, selon le South China Morning Post, en bloquant au port de Hong Kong neuf véhicules blindés de transport de troupes appartenant à Singapour. Des véhicules qui revenaient de Taïwan où ils avaient participé à un programme d’exercices militaires conjoints en cours depuis 1975. Pourquoi la Chine critique-t-elle aujourd’hui cet accord sur lequel elle fermait les yeux jusque-là ?
Est-ce un tournant dans les relations sino-taïwnaises depuis l’arrivée de Tsai Ing-wen à la tête de l’île en mai dernier ? D’après les experts cités par le quotidien hongkongais, Pékin ne se confronte pas seulement à Singapour dans l’affaire des neuf véhicules blindés saisis à la douane portuaire de Hong Kong. L’objectif est d’isoler Taïwan pour lui faire accepter ce que la présidente refuse depuis son investiture : accepter le « consensus de 1992 » qui consiste à reconnaître le « principe d’une seule Chine », tout en autorisant chacun à interpréter librement s’il s’agit du gouvernement de Pékin ou de Taipei. Bref d’en finir avec toute velléité d’indépendance taïwanaise. Dans son discours d’inauguration, Tsai Ing-wen a dit respecter le « fait historique » de ce « consensus », sans pour autant l’approuver, dans la droite ligne du parti démocrate-progressiste qu’elle dirige.

C’est mercredi dernier, le 23 novembre, que les douaniers hongkongais ont découvert ces neuf véhicules blindés de transport de troupes au terminal à conteneurs de Kwan Tchung, lors d’un contrôle de routine d’un navire arrivant de Taïwan. Selon le South China Morning Post, les véhicules n’avaient pas les permis requis par le gouvernement de Hong Hong Kong, ils ont donc été saisis. Pékin a-t-il donné des ordres directement à la douane de Hong Kong ? Ce n’est pas établi officiellement. Cependant aux yeux de Wang Kung-yi, professeur de relations internationales à la Tamkang University à Taïwan, « il s’agit là d’une tactique évidente pour inciter Tsai à accepter le consensus de 1992. Pékin n’a jamais remis en question ouvertement le projet Starlight lorsque Ma Ying-jeou était encore président entre 2008 et mai 2016 car il soutenait ce consensus. »

Le projet Starlight est un accord signé en avril 1975 par le Premier ministre taïwanais Chiang Ching-kuo et l’ancien chef du gouvernement singapourien Lee Kuan Yew. Il autorise les troupes de la cité-Etat à venir s’entraîner à Taïwan, pour palier le manque de terrain disponible à Singapour. Cette coopération s’est poursuivie même après que Singapour eut établi des relations diplomatiques avec la Chine populaire en 1990. L’affaires des neuf véhicules blindés à Hong Kong marque-t-elle la fin du projet Starlight ? C’est tout le débat à Taïwan, selon les experts interrogés par le quotidien hongkongais. « Même si Pékin augmentera probablement la pression sur Singapour afin de mettre un terme à ces échanges, la cité-Etat ne devrait pas abandonner Taïwan à moins que le gouvernement chinois lui offre des avantages conséquents pour la convaincre », pense Lee Chi-hong, chercheur au Longus Institute for Development and Strategy à Singapour. Selon lui, des échanges plus modestes se poursuivront de toute façon.

En attendant, l’avertissement paraît clair à la fois à destination de Singapour et tout autre pays qui souhaiterait maintenir une coopération militaire avec Taïwan. La Chine, semble-t-il, prépare le terrain avant l’investiture de Donald Trump le 20 janvier prochain à la Maison Blanche.

Par Joris Zylberman

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