La Chine aux "TransMusicales"
Rennes Pékin Express
En Juin 2005, le projet va encore plus loin : après que le ministère chinois de la Culture a désigné un partenaire ad hoc pour le projet, l’équipe des Trans et du BMA (Pierre A Blanc et moi) se lancent dans cette joint-venture unique. Un moment d’anthologie pour les organisateurs des deux bords, les uns prônant les bienfaits de la musique amplifiée en plein air, les autres plus habitués aux troupes d’acrobatie et aux orchestres symphoniques qui voyaient d’un drôle d’œil ce rassemblement épicurien. Après des mois de négociations parfois cocasses, où chaque partie, tâchant de ménager la « face » de l’autre, tâche de faire passer des points cruciaux, notamment autoriser le public à s’approcher de la scène ou encore la consommation de bière sur le site, les Trans ouvraient leurs portes dans la moiteur de l’été, à des milliers de jeunes venus découvrir des groupes aussi dépaysant que Gotan Project, St Germain, Bikini Machine ou Danyel Waro. Malgré une présence policière surréaliste selon les critères européens, le festival fut un succès grâce à la réceptivité du public, avide de « fun » et de musique. Dix ans plus tard, on dénombre plus d’une centaine de festivals en Chine tous les ans, les agents de sécurité ont appris à se fondre dans la masse et le public n’est plus aussi candide. Mais pour ceux qui connaissent le contexte culturel du pays, cette édition des Trans aura en quelque sorte été le numéro pilote de tous les évènements qui sont apparus par la suite.
A propos de ST.O.L.EN
Se prémunir de l’excès d’exotisme tout en en offrant des doses subtiles fait bel et bien partie des défis d’un DA. D’autant plus que les tentations de labellisation sont grandes quand il s’agit de faire connaître des talents qui n’ont souvent que leur pays d’origine comme carte de visite dans une industrie culturelle surpeuplée. C’est encore plus vrai lorsqu’il s’agit d’artistes qui s’expriment via les langues globales que sont le rock’n’roll ou les musiques électroniques et qui chantent en anglais. C’est le cas de ST.OL.EN dont le premier album Loop, paru l’année dernière, ne fait état que d’un seul morceau en chinois. Point de cithare donc, ni de violon à deux cordes dans la musique de ST.OL.EN, mais plutôt la froideur syncopée du post-punk recouverte de synthés entêtants, une ambiance sombre très assumée et renforcée par des visuels et un light show élaborés. Rien de bien chinois me direz-vous. Soit. On sent en effet l’ombre de Joy Division au détour d’une distorsion et le foisonnement mécanique de Nine Inch Nails. Et pourtant, cela n’enlève rien au charisme de Liang Yi, le chanteur, qui derrière ses airs de panda joufflu, révèle sur scène un magnétisme indéniable et dont la voix à la fois haut perchée et rocailleuse surprend autant qu’elle séduit.
Liang Yi est né en 1990 de parents cuisiniers et a grandi en écoutant de la pop chinoise comme tout le monde, jusqu’à ce qu’il tombe sur les CDs pirates de Portishead, Red Hot Chilly Peppers et Joy Division. Entre sa naissance et la fin du lycée, sa ville, Chengdu, mégalopole de 14 millions d’habitants s’est littéralement métamorphosée en un nouveau hub pour les investisseurs, les festivals et la culture. Comme d’autres groupes locaux, ST.OL.EN a trainé ses guêtres dans ce qui fût longtemps l’unique sanctuaire dédié à la musique indépendante à Chengdu, le Little Bar. Fondé en 1997 par Tang Lei, femme incontournable dont le nom est connu à travers toute la Chine, et qui, après un parcours rocambolesque de jeune instruite envoyée à la campagne pendant la Révolution Culturelle et un passage en Allemagne en tant qu’artiste bohème, décida d’ouvrir un vrai lieu de rencontre pour les jeunes et les musiciens. Depuis, des lieux comme le TAG et le NuSpace ont ouvert à Chengdu, étoffant la cartographie culturelle de la ville et offrant une plateforme aussi bien pour le rock que le hip hop dont les adaptations en dialecte sichuanais font des adeptes.
Quant à ST.OL.EN, leur histoire est très représentative du bouillonnement créatif qui remue la Chine non plus exclusivement à Pékin ou Shanghai, mais également dans les villes de l’intérieur du pays. L’essor des industries culturelles, la création d’un réseau national de live houses alliés à l’ubiquité des nouveaux média, ont créé de nouveaux espaces pour les musiciens, à la fois physiques et digitaux. C’est dans ce contexte ultra évolutif que le groupe fondé par Liang Yi et quatre amis de lycée, s’est vite engagé vers des chemins prometteurs. Peu après la publication de leur démo sur Douban.com, principale plateforme web pour la musique et la culture en Chine, ils ont été contactés par le label D Force, dont le directeur, Xu Bo, n’est autre que le fondateur de Douban et le guitariste de PK14, groupe ultra influent sur la scène rock depuis presque 20 ans. Flairant le potentiel du groupe, l’équipe de D Force a sorti l’album Loop et organisé une tournée de 32 dates dans la foulée, lui permettant de rôder sa performance dans des salles de toutes tailles. Et un an après leur apparition sur la scène chinoise, les voilà en route pour les TransMusicales. Les choses vont vite en Chine.
A écouter et voir, le clip de « No Replay » par ST.OL.EN :
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