En Asie du Sud-Est : la sécurité aérienne au coeur du développement économique
Contexte
En quelques années, l’espace aérien en Asie du Sud-Est s’est rempli d’avions et de lignes commerciales qui s’entrecroisent pour relier des centaines d’aéroports et transporter chaque année des millions de passagers. En 2010, l’Asie dans son ensemble est ainsi devenue le premier marché au monde devant les Etats-Unis, et depuis 2014, concentre en moyenne 40% du trafic international. Les compagnies de la région ont transporté 3,3 milliards de passagers à cette date, soit 5,8% de plus qu’en 2013.
Cependant, ce développement éclair a entraîné une surcharge du ciel. Les aéroports et les appareils ont vite été surexploités avec pour conséquence, une usure rapide des infrastructures. En Thaïlande, si le nombre de vols a plus que doublé depuis 2013, les effectifs des pilotes n’ont, quant à eux, pas augmenté. Aujourd’hui, les organismes de contrôle de la sécurité aérienne, telle l’Organisation internationale de l’aviation civile, scrutent donc sans relâche le ciel asiatique.
Un développement économique éclair au prix de la sécurité aérienne?
A voir, la carte interactive du marché de l’aérien en Asie du Sud-Est en cliquant ici.
Afin d’assurer la sécurité des voyageurs dans la région, l’AESA, l’Agence européenne de la sécurité aérienne, est venue prêter main forte à la Thaïlande, l’Indonésie ou encore le Vietnam. Dans le même temps, conscients du potentiel de ce marché émergent, les Etats-Unis ont eux aussi commencé à établir des partenariats d’aide à la sécurité en Asie du Sud-Est. La confiance de l’Union européenne envers les compagnies de la zone semble s’améliorer progressivement et l’espace aérien n’a été le théâtre d’aucun accident majeur en 2015. Encore dans la liste noire dressée en 2010, les Philippines et le Cambodge en sont aujourd’hui sortis. Le même constat découle du classement établi par la Fédération américaine de l’aviation (FAA). A l’exception de la Thaïlande, rétrogradée en 2015, tous les pays du Sud-Est asiatique sont aujourd’hui en catégorie I, c’est-à-dire qu’ils respectent des normes de sécurité élémentaires.
Pourquoi l’Indonésie est toujours sur la liste noire
En outre, Yusof déplore une corruption endémique : « Généralement, le problème relève surtout du conflit d’intérêt entre les compagnies aériennes et ses propriétaires. Susi Air appartient à Susi Pudjiastuti, ministre dans l’actuel gouvernement. Le propriétaire de Lion Air n’est autre que Rusdi Kirana, conseiller du président. » En 2007, un avion de la compagnie Adam Air, transporteur low-cost alors très apprécié, s’était écrasé, tuant 102 personnes. L’enquête a finalement révélé que les propriétaires de la compagnie avaient fait pression sur les pilotes pour qu’ils enfreignent les règles de sécurité, et qu’ils avaient acheté le silence des organismes étatiques chargés de la surveillance des appareils.
Les Philippines sécurisent un marché aérien en plein boom et sortent de la liste noire
Pour sortir de cette situation, le gouvernement de Benigno Aquino III, prédécesseur du bouillant Rodrigo Duterte, a lancé la mise en place d’un nouveau système de surveillance destiné à révolutionner le contrôle aérien et à être déployé dans le monde entier. Grâce à 48 points de contrôle disséminés dans le pays, il permet de scruter l’espace aérien et d’avoir des informations en temps réel sur les arrivées, départs et positions des avions. L’instauration de ce système a permis aux Philippines de retrouver la confiance des Etats-Unis et de l’Union européenne. Depuis 2013, les compagnies aériennes philippines sont sorties progressivement de la liste noire : Philippines Airlines d’abord en juillet 2013, Cebu Pacific en 2014 puis l’ensemble des compagnies en juin 2015. Les deux premières peuvent aujourd’hui se vanter d’être à l’origine de la majorité des mouvements dans l’espace aérien philippin. Cebu Pacific concentre en effet 60,8% du marché contre 28,7% pour Philippines Airlines. En octobre 2015, l’archipel a accueilli la 52ème conférence des Directeurs généraux de l’aviation civile en Asie-Pacifique. Le pays joue donc à présent un rôle important dans la gestion du trafic aérien à l’échelle régionale. D’ici à 2030, le trafic aérien philippin pourrait par ailleurs atteindre jusqu’à 41,7 millions de passagers avec une hausse annuelle moyenne de 4,9%.
La Thaïlande de nouveau épinglée
Avant tout, Rétrograder la Thaïlande en catégorie II a des conséquences sur l’image de l’aviation civile nationale. Elle se retrouve inscrite à côté de pays à la sombre réputation comme Djibouti, la Sierra Leone, Haïti ou encore la Géorgie. Les personnels de l’aviation ont longtemps craint que la FAA donne le « la » à l’Union européenne. Car si aucune ligne thaïlandaise ne dessert directement les Etats-Unis, une douzaine relient Bangkok et l’Europe. Or, en décembre 2015, le tourisme en Thaïlande connaissait un rebond incroyable après une période compliquée en 2014 et un attentat à la bombe à Bangkok en août 2015. 30,4 millions de touristes étaient attendus en 2015 selon le ministère thaïlandais du Tourisme. Des touristes qui pour la plupart, arrivent par voie aérienne et sont susceptibles de prendre des lignes intérieures pour se déplacer dans l’enceinte du pays. Le pays est en effet desservi par 31 aéroports dont cinq aéroports internationaux qui permettent de relier en un temps record les deux extrémités du territoire.
L’Union européenne n’a pourtant pas inscrit la Thaïlande sur liste noire. Elle s’est contentée de multiplier les inspections sur les avions thaïs, en particulier ceux de Thai Airways qui desservent les aéroports de Paris, Bruxelles, Copenhague, Francfort, Londres, Milan, Munich, Oslo, Rome, Stockholm et Zurich. Pour le patron de l’IATA Tony Tyler, il était « injuste de pénaliser les compagnies aériennes pour les manquements du régulateur thaïlandais, dont elles ne sont pas responsables », rappelant que Thai Airways et Bangkok Airways sont au niveau des exigences de sécurité imposées par l’Union européenne. « La Thaïlande est un pays dans lequel il y a une très bonne compagnie aérienne, Thai Airways, mais une autorité nationale qui est complètement déficiente. Même avec une très bonne compagnie, si elle n’est pas surveillée, si elle n’a pas quelqu’un pour lui donner un point de vue extérieur sur la manière dont est gérée la sécurité, elle risque de s’endormir sur ses lauriers », s’inquiétait Patrick Ky, directeur de l’AESA à nos confrères de La Tribune.
Alors que l’Indonésie peine à sortir du joug de la liste noire de l’Union européenne, la Thaïlande, après une période dorée est de nouveau épinglée pour la sécurité de son ciel. Seule les Philippines semblent aujourd’hui avoir conquis la confiance des organismes internationaux. Aujourd’hui, le développement du marché n’en est qu’à ses prémisses et les pays de l’ASEAN réfléchissent à la mise en place d’un espace aérien commun. La question de la sécurité pourrait bien être la dernière épine dans le pied des compagnies aériennes du Sud-Est asiatique.
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