Japon : 25 ans après l’éruption meurtrière, retour au pied du mont Unzen
Contexte
Le Japon est un des pays les plus volcaniques du monde. Près de la moitié de ses 110 volcans actifs ont fait des éruptions depuis 1900. Parmi eux, le mont Unzen, au sud-ouest du pays. En 1792, l’effondrement d’un dôme de lave avait provoqué la mort de plus de 15 000 personnes. Après deux siècles de repos, le volcan a recommencé à tousser en novembre 1990. De 1991 à 1995, des dômes de lave se sont formés, à seulement 7 kilomètres du centre de la ville de Shimabara, générant pas loin de 9 400 nuées ardentes. Durant ces six années, les éruptions ont impacté la santé d’environ 66 % de la population de la ville en raison des couches de cendres qui la recouvraient. Shimabara ne compte aujourd’hui plus que 45 000 habitants, soit une baisse de 20 % depuis la catastrophe.

La catastrophe du 3 juin 1991 : quelles responsabilités ?
« Certains chercheurs japonais et étrangers ont dit que les volcanologues en poste à Shimabara auraient dû expliquer aux Krafft qu’il s’agissait d’une zone dangereuse, indique Kazuya Ohta. Mais ce n’est pas juste, car Maurice risquait sa vie tout en connaissant les risques. » Quelque temps avant leur disparition, le couple avait même déclaré à la télévision japonaise qu’ils étaient prêts à mourir pour faire de bonnes images. « Katia et moi continuons à vivre au rythme des enfantements de la Terre… tant que les volcans nous prêteront vie », concluait Maurice dans son article paru quelques mois plus tôt.
Gestion de crise et premières leçons du désastre
L’arrivée des forces d’autodéfense (FAD) a également marqué les esprits. « Ils ont planté leur tente dans le campus et y ont passé les nuits ; c’est peut-être insignifiant pour les gens aujourd’hui, mais à l’époque, c’était troublant », confie Kazuya Ohta, qui se souvient des manifestations contre le traité de sécurité nippo-américain dans les années 1960-1970. « On a alors fait comme si de rien n’était ; idem avec les policiers qui se sont installés dans la résidence universitaire », ajoute-t-il. Mais, bien équipés, les membres des FAD ont été chargés de la surveillance de l’activité volcanique, parvenant à prévenir la formation de nuées ardentes. Les militaires ont également offert la possibilité aux experts de prendre de la hauteur. « Au total, j’ai ainsi pu survoler le volcan à 900 reprises », raconte le professeur Ohta.
Une conscience des risques difficile à entretenir
Le 3 juin 2016, lors de la cérémonie du 25ème anniversaire de l’éruption meurtrière du mont Unzen, un jeune homme, dont le père pompier touché par la nuée ardente est mort à l’hôpital, a déclaré : « Je souhaite faire de mon mieux pour pouvoir contribuer à la construction d’une ville qui coexiste avec le volcan et au développement de la presqu’île de Shimabara. » Les Japonais ont-ils tous cette conscience des risques ? « Ils ne comprennent pas les dangers et ne veulent pas savoir, réplique Kazuya Ohta. Pourquoi ? Parce qu’on veut se tenir éloigné de la souffrance. » C’est ainsi que les mêmes tragédies se répètent… On se souvient de la colère meurtrière du mont Ontake le 27 septembre 2014. Le bilan (63 morts et disparus) aurait sans doute été moins lourd si les alpinistes avaient pensé à porter un casque ou s’il existait des abris à proximité du cratère. Bien que le Japon soit connu pour son éducation aux risques, le système est loin d’être parfait. « Ce n’est peut-être pas la prévention des désastres, mais plutôt les sciences qu’il est important d’enseigner », estime Kazuya Ohta.
Le mont Unzen, considéré comme l’un des volcans les plus dangereux du Japon, menace-t-il encore les habitants de Shimabara ? L’écart entre la création d’un dôme et un prochain cycle de nuées ardentes n’est pas aussi court ici, par rapport à d’autres volcans japonais, tels qu’Usuzan ou Miyakejima. Difficile donc d’imaginer une éruption du mont Unzen dans les prochaines années. « À mon avis, rassure le Professeur Ohta, il va être calme pendant au moins cent ans. »
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