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L’Inde malade de son évasion fiscale

Echange de devises dans un bureau de change à Bangalore, Inde. (Crédit : AFP / Manjunath KIRAN / Via RFI.fr)
L’Inde représente l’une des économies à la plus forte croissance du monde, et la 3e plus riche en parité de pouvoir d’achat. Cependant, l’Etat indien a bien du mal à en bénéficier, à cause d’une énorme évasion fiscale. Seulement 1 % des Indiens déclarent des impôts et on estime que 20 % du PIB est perdu par ce déficit fiscal. Soit l’équivalent du PIB d’un pays comme la Thaïlande. Le gouvernement indien a lancé un plan d’amnistie de quatre mois, qui permet à tout le monde de déclarer ses revenus passés sans être poursuivis. Celui-ci se termine aujourd’hui 30 septembre.
Pour comprendre l’importance de cet argent noir dans l’économie indienne, prenons un restaurant, par exemple. Le gérant tiendra deux livres de comptes. L’un réel, où il note toutes ses ventes, et l’autre pour le contrôleur des impôts, où ces échanges seront tellement réduits que l’établissement sera présenté comme déficitaire et paiera donc très peu de taxes. Cela est possible car une très grande partie des transactions en Inde se fait encore en liquide, ce qui ne laisse aucune trace.

Même pour acheter une voiture, on peut payer en cash. Ou quand on vend une maison, on ne déclarera que la moitié de sa valeur. Le reste sera payé en liquide, ce qui évite de verser l’impôt sur la plus-valu. Des pans entiers de l’économie fonctionnent ainsi, et particulièrement l’immobilier, la construction et les services. Mercredi dernier, le 28 septembre, la police a trouvé près de 6 millions d’euros en liquide dans les locaux d’une université de Bangalore, qui semblait ne déclarer qu’une partie des frais d’inscription.

Une administration fiscale corruptible

Le gouvernement a donc ouvert une fenêtre d’amnistie. Depuis quatre mois, toute personne peut déclarer des sommes cachées, payer 45 % d’impôts dessus, et éviter ainsi toute amendes ou poursuite judiciaire. Les autorités n’ont pas indiqué combien de personnes avait jusqu’à présent bénéficié de ce plan qui se termine vendredi, mais l’année dernière, un programme similaire, avec un taux d’imposition plus élevé cependant, avait été créé, et environ 400 millions d’euros avaient alors été déclarés.

Pour autant, ces démarches volontaires ne seront pas suffisantes pour régler le problème, car l’administration fiscale reste largement corruptible, et qu’il est donc encore rentable de cacher son argent, quitte à devoir graisser la patte des inspecteurs si l’on se fait attraper. Il faut donc réussir à rendre ces agents plus honnêtes dans leur contrôle.

Un autre moyen efficace pour lutter contre cette évasion est d’inciter les paiements par carte, qui sont de plus en plus fréquents, surtout avec l’explosion du commerce en ligne. Le Premier ministre Narendra Modi a en tout cas promis que ceux qui ne légaliseront pas leur situation avant demain seront pourchassés par la police. Il faudra voir si cela engendre une nouvelle crainte parmi les fraudeurs, et les pousse à rentrer dans le rang.

Par Sébastien Farcis
Cet article a été publié sur le site de RFI.

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