Thoun : filleule de Provence
Bientôt nous arrivons chez Henri et Jackie. La maison est colorée. Dans le jardin flotte une odeur de sève de pins. On y est bien. L’intérieur de la maison baigne encore dans la pénombre. Des rires s’en échappent. Pour l’étranger que je suis, cette demeure affiche tous les signes d’un bonheur simple. Il y a quelque chose de l’oncle Jules chez Henri. Dans ces montagnes qui ont abrité les jeux puis les films d’un célèbre fils d’instituteur, l’histoire et le parcours de cette jeune laotienne ne peuvent pas laisser indifférent.
La préférée
Bonne élève, Thoun passe son baccalauréat et étudie le business à l’université. Elle reste cependant très proche de sœur Marie-Andrée qui a été comme une seconde maman pour elle durant toutes ces années. « J’ai eu trois accidents sur la route et à chaque fois, sœur Marie-Andrée était là pour moi ! » La religieuse lui rend sa préférence et toutes deux passent de nombreuses heures à discuter du futur de la jeune fille. Henri et Jackie ont eux aussi rencontré la religieuse qui a tant fait pour Thoun et de nombreux autres enfants dont personne ne se souciait. C’était peu avant son décès en février dernier. « C’est sans doute grâce à sœur Marie-Andrée que Thoun est là aujourd’hui, me confie Henri avant d’ajouter : Thoun et sœur Marie-Andrée étaient très liées. C’est d’ailleurs touchant de voir que Thoun nous parle presque tous les jours de la religieuse sans aucune tristesse. »
Complicité
Tout est à sa place. Entre deux plats, Thoun saisit parfois la main d’Henri pour la serrer à moins que ce ne soit Henri qui l’embrasse. La complicité des deux ne fait pas de doute. « Parfois j’ai l’impression d’avoir deux enfants à la maison », me confie Jackie avec un sourire. En sortant de table Henri m’explique : « Je crois que nous avons une relation particulière. Il faut dire qu’elle n’a pas vraiment d’homme qui soit proche d’elle. Son père est parti quand elle avait 2 ans et elle ne l’a jamais revu. Depuis elle n’a jamais été éduquée que par des femmes. Je comble sans doute un vide d’une certaine manière. » Et la chose est réciproque : « C’est une vraie chance pour nous d’avoir rencontré Thoun et d’avoir pu la soutenir depuis 2003 dans ses études. Nous n’avons pas eu d’enfant avec Jackie mais cet été, Thoun a rempli la maison » et sans doute plus encore…
Loin de se laisser aveugler par les mirages d’une vie qui pourrait lui paraître plus facile en France, elle observe avec bon sens les différences entre son pays et celui de ses parrains : « Chez moi, je préfère la campagne à la ville car à la campagne tout le monde vit ensemble. Chacun s’intéresse à ce que tu fais, te demande ce que tu prépares à manger et où tu vas. En ville les gens sont plus indifférents. Ici, il n’y a personne. Les gens se parlent très peu. Et tout est très grand. Alors comme je suis petite, je ne vois rien ! [Rires] »
De beaux souvenirs
17h00. Retour à la gare de Marseille. Il est temps de partir. Quitter le Sud. À mon tour de faire ma rentrée. Cette journée passée avec Thoun, Henri et Jackie est un peu un surplus de vacances grappillé à la semaine. Comme une pause estivale.
La voix de Thoun, fluette et chantante, résonne encore un peu… « Au revoir. Tu viendras chez ma tante à Pakse et je cuisinerai pour toi. N’hésite pas, elle a une chambre pour toi. Je lui dirai. » L’espace d’un instant la gentillesse, la spontanéité de Thoun me propulse chez elle, sur les rives du Mékong. Thoun est venue en France pour cinq semaines de visite mais c’est tout le Laos qui est là, dans le sourire offert de cette enfant. A Aubagne aussi, le Mékong coule et opère sa magie.
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