Chinois de Paris : contre l'insécurité et le racisme, jusqu'où ira la colère ?
Contexte
Entretien
Richard Béraha est enseignant à Sciences Po et ancien président de Hui Ji, une association fondée en 2003 suite au mouvement de sans-papiers chinois. En sept ans, l’association, depuis fermée, a soutenue plus de 5 000 familles par des conseils juridiques et des cours de français. En parallèle, Richard Béraha a coordonné pendant une dizaine d’années un groupe de recherche multiculturel et pluridisciplinaire sur la diaspora issue de la région de Wenzhou, une ville au sud de Shanghai dont sont originaires environ 70% des ressortissants de la République populaire de Chine qui vivent dans l’Hexagone. Une recherche menée en partenariat avec le Cadis, laboratoire de sociologie de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales et l’université normale du Zhejiang, qui a abouti en 2012 à la publication d’un livre, La Chine à Paris, publié chez Robert Laffont. En amont de la manifestation, il a répondu aux questions de Pauline Bandelier.
C’est en 2010 qu’une première manifestation importante a eu lieu à Belleville. Elle a donné lieu à une reconnaissance par la préfecture et la mairie des attaques dont les Chinois sont victimes et a incité les mairies de gauche à chercher des interlocuteurs directs parmi les associations de jeunes et de commerçants. Suite à une nouvelle agression grave, une deuxième manifestation a été organisée en 2011 avec l’aide de l’Association des Jeunes Chinois de France (AJCF). Aujourd’hui, les violences à l’égard de la communauté chinoise ont fortement diminué à Belleville, mais par contre le problème s’est déplacé vers le 93.
Il peut y avoir aussi dans certains cas une forme de ressentiment de la part de migrants originaires du Maghreb ou d’Afrique, arrivés plus tôt en France mais dont une partie se retrouve au banc de la société, alors que les Chinois qui viennent d’arriver connaissent globalement une insertion économique plus réussie. Au sein de la société française, il existe aussi un sentiment antichinois exprimé clairement ou de manière plus insidieuse. Il est moins violent que celui qui peut exister contre les personnes noires ou arabes, mais il existe, notamment à gauche. Je suis même parfois confronté à des préjugés de la part de journalistes français qui considèrent les Chinois comme une grande société secrète.
De l’autre côté, une mouvance plus républicaine représentée par les associations de jeunes franco-chinois comme l’AJCF qui regroupe l’ensemble des secteurs de la société. Une partie d’entre eux a une vision plus intégrante, souhaite davantage de médiation sociale dans les quartiers et critique le manque d’ouverture de leurs parents vis-à-vis des jeunes issus d’autres migrations. Deux jeunes chinois sont d’ailleurs des élus municipaux dans le XIXe et le XXème arrondissements de Paris, où ils jouent un rôle important de modérateur, de médiateur.
Concernant les règlements de compte, il existe des personnes qui auraient envie d’en découdre et qui pourraient le faire, puisqu’il y a 300 anciens légionnaires parmi les Wenzhou et de nombreux pratiquants d’arts martiaux. Mais tout se fait sous le contrôle des aînés et pour l’instant, je n’ai pas vu d’actions incluant de la violence, même si l’on ne peut exclure un acte individuel. Par contre, les Wenzhou ont mis en place sur le réseau Wechat [système de messagerie instantanée développé par le Chinois Tencent, NDLR] un système d’alerte pour porter secours aux victimes et alerter rapidement la police en cas d’agression.
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