La Chine moderne, pays de l’harmonie sans foi ?
« Mais finalement, les Hui ne sont-ils pas des Han convertis à l’Islam ? – Pas du tout ! me répondit-il du tac au tac. Nous sommes une ethnie à part entière, issue des peuplades turques du Xinjiang (新疆), avec notre propre langue, notre culture et nos traditions. »
L’islam comme trait d’union, mais qu’en est-il des autres religions ? D’une manière générale, les Chinois se définissent rarement par une foi exclusive. Ils me posent régulièrement la question, subodorant mon affiliation chrétienne en tant qu’Occidental. Mais quand vient leur tour, la réponse n’est jamais claire : la plupart croient sans vraiment croire, reproduisant un schéma mélangé, entre bouddhisme et taoïsme, le tout nimbé de confucianisme. Quelques-uns se revendiquent clairement du bouddhisme dans sa version tantrique (vajrayana), mais dépouillé de sa face politique, ce courant étant celui qui se retrouve en majorité au Tibet.
En Chine, où le paraître donne souvent l’impression de prendre le pas sur l’être (ce qui est pourtant faux), les preuves d’appartenance à l’obédience bouddhique semblent se multiplier d’année en année, comme un soudain regain de spiritualité : qui de son chapelet pendentif ou mala autour du cou, qui de ses multiples bracelets en pierres plus ou moins précieuses, etc. La messagerie Wechat (微信, weixin) sert souvent de vitrine ostentatoire de sa foi… sans réellement la pratiquer :

Vraie foi ou faux dévots ?
« J’étais persuadé que tu n’étais pas bouddhiste…, » lui dis-je. – Je ne le suis pas, je n’y crois pas, m’assure-t-il. – Mais alors, pourquoi te prosterner devant cette statue, cela ne signifie rien ?! – Je montre juste mon respect. »
Je venais enfin de comprendre une partie du phénomène. C’est véritablement le regain confucéen, fil rouge des traditions chinoises, qui assemble et rend harmonieux tout cet entrelacs. Le respect des anciens, de la tradition, du lien hiérarchique… autant de règles ancestrales encore bien présentes chez une jeunesse prise dans l’évolution au pas de course de la société chinoise. La reproduction sociale diffuse est bien réelle et la dimension confessionnelle chinoise semble gagner du terrain à mesure que les idéaux maoïstes s’estompent avec les années.
L’harmonie comme éternel fil d’Ariane : le gouvernement actuel ne peut que s’en satisfaire, surfant sur une logique de renouveau patriotique et traditionnel tout en essayant de ménager l’idéal socialiste. Le vecteur de la foi « à la chinoise » ne saurait donc être écarté s’il prend toute sa part dans la préservation de la société harmonieuse tant souhaitée par les gouvernants… Et tant pis pour les éventuelles incohérences idéologiques !
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