La médecine chinoise vue de l'intérieur (2/2) : pratique et modernité
Max (馬修) voue une véritable passion pour la culture chinoise et plus particulièrement celle des anciennes dynasties depuis sa plus tendre enfance. C’est en suivant cette voie qu’il a été conduit vers la médecine chinoise. Après avoir suivi une formation de trois ans en France, il a décidé d’aller en Chine pour continuer son apprentissage en se spécialisant en « pratique clinique ». Ces cinq années ont été l’occasion d’apprendre la langue, de s’immerger dans la culture, mais également de rencontrer de nombreux médecins qui l’ont beaucoup influencé.
Aujourd’hui, il espère pouvoir partager ce qu’il a appris et en faire bénéficier les gens autour de lui ; car, selon ses propres mots : “La médecine chinoise nous permet de mieux comprendre notre corps mais également de savoir appréhender le monde autour de nous.”
La nouvelle génération est très admirative du savoir des anciens mais j’ai remarqué que la lecture et l’interprétation des textes fondateurs étaient au final pas plus facile pour eux que pour moi. D’aucun sont aussi parfois découragés de ne pas voir des effets cliniques spectaculaires comme décrit dans les livres ou par les professeurs. Mais avec le temps j’ai appris à ne jamais douter ou sous-estimer l’efficacité de la médecine chinoise. Aujourd’hui nous avons beaucoup trop tendance à évaluer les effets de la médecine chinoise avec les critères de la médecine occidentale. Et cela alors qu’il ne faut pas oublier que la médecine chinoise prône que l’”on soigne avant l’apparition de la maladie” (治未病). Ainsi, dans la pratique, les effets thérapeutiques sont là, qu’il s’agisse de maladie chronique, de maladie aiguë ou de maladie grave.
Les patients sont souvent des gens ayant reçu un premier traitement en médecine occidentale et qui se tournent vers la médecine chinoise soit pour arrêter les médicaments dits occidentaux, soit pour en diminuer les effets secondaires, soit car leur traitement ne leur a pas donné satisfaction. Enfin, pour ce qui est de la fréquentation par tranche d’âge, on rencontre des gens de tout âge et de tout sexe, mais je dirais que les 40 – 60 ans sont les plus représentés et que les femmes ont tendance à consulter avant que la maladie ne devienne trop grave.
Ainsi, depuis très longtemps, l’acupuncture fait partie de l’arsenal thérapeutique des médecins chinois. Avant on soignait d’abord avec la moxibustion (soit, l’utilisation d’un bâtonnet d’armoise incandescent pour chauffer et stimuler les points d’acupuncture) et l’acupuncture. Si on ne constatait pas d’amélioration de l’état du patient alors on prescrivait des plantes. Aujourd’hui, la tendance s’est plutôt inversée et on a plus facilement recours aux plantes. Surtout car les médecins de médecine chinoise sont tellement spécialisés que peu d’entre eux utilisent conjointement dans leur pratique l’acupuncture et les plantes.
La légende veut qu’à l’origine l’acupuncture ait été découverte un peu par hasard. Une histoire raconte qu’un homme souffrant depuis des années d’une douleur au genou trébucha alors qu’il marchait ; et en tombant il se planta une épine dans le genou. En se relevant, il constata que la douleur avait disparue et ce furent les débuts de l’acuponcture !
Les premiers outils utilisés pour pratiquer l’acupuncture était des arrêtes de poissons, de os ou des pierres polies. Plusieurs théories sont avancées pour savoir si ce sont les trajets des méridiens qui ont été découverts d’abord ou bien les points d’acupuncture. Toujours est-il que les retours fait par les patients lors des traitements, les connaissances en anatomie, les pratiques de taijiquan et de qigong ou la méditation ont permis au fil du temps d’affiner la théorie des méridiens et la localisation précise des points d’acupuncture répartis sur ces trajets.
Le fait de pouvoir dialoguer avec eux est un plus incontestable et ils se montrent très ouverts. Je n’ai eu qu’une seule fois un rejet de la part d’une patiente qui ne voulait avoir à faire qu’à son médecin référent ; alors je me suis éclipsé, d’autant qu’elle souffrait de troubles du comportement et de dépression. C’est drôle de voir que les chinois vont volontiers vers moi pour que je leur prenne le pouls ou me demande pour que je leur puncture quelques points. Difficile à dire si c’est pour que je m’entraîne ou s’ils veulent voir si je sais comment faire.
Pour l’avenir, je me pose souvent la question sur ce que je vais faire ensuite, et je pense que le plus important est avant tout de devenir un bon médecin dans tous les sens du terme. Ensuite, les opportunités arriveront d’elles-mêmes.
Au moment de lui puncturer le très célèbre point Zu San Li (足三里) sur la face externe de la jambe, je me suis appliqué en y mettant tout mon cœur. Au moment de la puncture, il a ressenti une sensation, comme une décharge électrique lui parcourant toute la jambe. Comme il souhaitait que nous laissions les aiguilles quelques minutes nous étions tous les trois en train de parler, moi un peu en retrait, derrière mon amie hongkongaise. A un moment j’ai passé la main au dessus de l’aiguille et j’ai ressenti comme une sorte de champ magnétique qui partait de l’aiguille et s’élevait à la vertical. Je n’en revenais pas ! C’est comme si l’aiguille agissait comme une antenne qui canalisait l’énergie du patient.
Après quelques passages au dessus de l’aiguille – jouant avec cette sensation nouvelle, mon ami allongé m’a dit « mais qu’est ce que tu fais? tu as touché l’aiguille ? » De là où il était, il ne pouvait pas me voir. Je lui ai répondu « Non je ne l’ai même pas effleuré, par contre en passant ma main quelques centimètres au dessus je sens une énergie, ton énergie… » Nous avons continué l’expérience avec succès. Sans me voir il pouvait sentir mon énergie interagir avec la sienne et inversement. C’est ce jour-là que j’ai fait l’incroyable expérience de ce qu’est le qi (气) dont les chinois n’arrêtent pas de parler et dont nous occidentaux avons tant de mal à comprendre de quoi il s’agit.
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