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Chine : le système de santé en pleine réforme

Un jeune garçon chinois en pleine consultation à l'hôpital du peuple de la ville de Zhumadian, dans la province du Henan au centre de la Chine, le 13 juillet, 2015.
Un jeune garçon chinois en pleine consultation à l'hôpital du peuple de la ville de Zhumadian, dans la province du Henan au centre de la Chine, le 13 juillet, 2015. (Crédits : Sun Kai / NurPhoto / via AFP)
Bien que la santé de la population se soit globalement améliorée en Chine depuis les années 1980, des inégalités dans l’accès aux soins et à la couverture maladie se creusent. Le système de santé est à bout de souffle, alors que les différentes réformes rencontrent des obstacles toujours importants.
Les réformes économiques mises en place en Chine au début des années 1980 ont eu des répercussions positives à la fois sur le niveau de vie et sur le plan sanitaire. Elles ont engendré des progrès en termes de qualité de soins, d’équipement médical et de formation du personnel de santé. Cependant, l’évolution du modèle économique jadis collectif vers une économie privée a creusé les écarts entre les régions côtières et les provinces enclavées, entre les villes et le monde rural et plus récemment, entre les différentes couches socioprofessionnelles. Le système de santé actuel est à l’image de la restructuration en cours. L’accès aux soins de qualité est de plus en plus inégal et la couverture assurance maladie reste insuffisante. L’organisation du système de santé a donc toujours grand besoin de réformes.

Le système de prise en charge par l’intermédiaire de l’unité de travail (danwei) et par les communes populaires a disparu. Une partie des habitants en milieux ruraux et urbains n’a encore qu’un accès limité aux soins, en particulier lorsqu’il s’agit de traitement longs, chers et/ou chroniques. Il est pertinent de considérer que la maladie est une des premières causes de pauvreté pour la population chinoise.

La Chine confrontée à plusieurs enjeux de taille

La Chine qui est en pleine phase de transition est confrontée à des enjeux de plusieurs plans. Démographiques d’abord, avec une population qui s’accroît très fortement, malgré des tentatives gouvernementales infructueuses telles que la politique de l’enfant unique mise en oeuvre de 1979 à 2015, pour réduire le nombre de nouveaux nés afin d’alléger les dépenses publiques de l’Etat et allouer plus de fonds au développement économique du pays. Depuis janvier 2016, une nouvelle réforme de la natalité a été mise en place, visant à contrebalancer la pyramide des âges en Chine et le sex-ratio. Elle autorise les couples chinois à avoir non plus un seul mais deux enfants. En effet, le pays est confrontée à un vieillissement important de la population. En 2009, on recensait 167 millions de sexagénaires, en 2015 ils étaient environs 215 millions et on s’attend à ce qu’ils soient plus de 450 millions d’ici 2050.

En outre, la Chine fait face à une recrudescence de maladies infectieuses et chroniques. Le rythme acharné de l’urbanisation, l’évolution des modes de vie et des habitudes alimentaires, la dégradation de l’environnement ont des effets très néfastes sur la santé publique.

Officiellement, la tuberculose touche plus de 4,5 millions de personnes, le VIH comporte 740 000 porteurs (les évaluations faites par les ONG indiquent un chiffre dépassant plusieurs millions), l’hépatite B aurait plus de 120 millions de porteurs. La première cause de mortalité en Chine sont les cancers : du poumons avec 6 millions de décès par an ainsi que les cancers du foie, de l’estomac et du sein (plus de 200 000 femmes touchées chaque année). D’autres indicateurs sont forts inquiétants, comme par exemple le nombre élevé de fumeurs dépassant les 350 millions, l’obésité touchant plus de 70 millions de personnes et enfin la malnutrition en affectant plus de 24 millions.

En quoi consiste la réforme

Plusieurs crises sanitaires, telles que le SRAS en 2003 (Syndrome Respiratoire Aigu Sévère) et le lait contaminé à la mélamine en 2008, ont amené les autorités sanitaires à tenter plusieurs réformes du système de santé et de l’assurance-maladie, sans grand succès jusqu’à présent. Néanmoins, depuis 2006, une refonte du système en profondeur est intervenue notamment sur la surveillance et la veille sanitaire suite au SRAS. Mais la tâche s’avère encore très complexe puisqu’il s’agit d’établir des soins médicaux de base et une assurance médicale accessibles à tous. Voici les points-clés de la réforme :
  • Améliorer l’accès à la couverture assurance maladie (avec un objectif fixé à 100% de la population couverte d’ici 2020). Des efforts considérables seront nécessaires puisque l’assurance maladie n’existait quasiment plus depuis les réformes économiques de 1980. Elle a été rétablie de manière progressive à partir des années 2000 avec notamment une couverture de 15,7% de la population relevée en 2004.
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  • Améliorer l’offre de soins de qualité tant en ambulatoire qu’en établissements de santé, en ville qu’en milieux ruraux défavorisés ou éloignées comme l’Ouest de la Chine. Le ministère chinois de la Santé veut donc améliorer la qualité des soins en élaborant des recommandations de bonnes pratiques sanitaires et médicales, afin, dans un premier temps, de lutter efficacement contre les 112 maladies les plus fréquentes.
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  • Développer les soins de proximité par la construction ou la rénovation de centres de santé communautaires. Il s’agit également de former beaucoup plus de médecins généralistes, encore trop peu nombreux. L’enjeu ici est de développer l’accès aux soins de qualité pour les personnes vivant dans les régions enclavées de Chine. En particulier dans les zones rurales, où les médecins manquent en général de compétences et de formation. C’est pourquoi le ministère a décidé de dispatcher plus de 100 000 médecins en zones rurales, et de former plus de 250 000 personnels infirmiers d’ici 2015.
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  • Faciliter l’accès aux médicaments de base, en déterminant la liste des médicaments essentiels qui seront entièrement ou en grande partie remboursés (à négocier avec l’industrie pharmaceutique).
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  • Moderniser les hôpitaux publics avec des projets d’amélioration de statut, de gestion et de fonctionnement.
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    Cette réforme depuis 2009 a déjà nécessité plus de 92 milliards d’euros, et les dépenses sont évidemment appelées à augmenter d’ici 2020.

    Les principales difficultés de la réforme

    Cette réforme très ambitieuse a d’ores et déjà rencontré plusieurs difficultés. En premier lieu, sa mise en pratique est techniquement très complexe et extrêmement coûteuse pour les finances publiques. Sur le terrain, la mise en œuvre reste très difficile du fait d’une décentralisation fiscale et d’une certaine autonomie accordée aux différentes provinces chinoises en matière sanitaire et sociale. L’application de cette réforme est donc très hétérogène. Elle est d’autant plus compliquée à cause des inégalités d’accès aux soins de qualité qui se creusent constamment.

    A cela s’ajoutent les revenus encore très inégaux, les médicaments par prescription toujours trop onéreux et la formation des médecins et du personnel de santé par trop disparate (en défaveur du milieu rural). Conséquences, la population devient de plus en plus mécontente et les médias dénoncent de manière régulière les défaillances du système, les dérives mercantiles des médecins ou les problèmes sanitaires récurrents.

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    A propos de l'auteur
    Olivier Vérot est un expert en marketing numérique en Chine. Passionné par ce pays et par l’univers numérique chinois, il a fondé Gentlemen Agency Marketing Agency marketing to china et créé Marketing china, qui est aujourd’hui dans le top 5 des sites français sur le marketing et l’un des sites les plus consultés sur la Chine.
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