Japon : les kamikazes, la paix et le travail de mémoire
Contexte
Les Tokkô-tai (abréviation du japonais Tokubetsu-kôgekitai, « unités d’attaque spéciale »), désignent les pilotes de l’armée japonaise dont l’objectif consistait, en 1944 et 1945, à faire écraser leur avion sur les vaisseaux ennemis. Au total, 5 852 pilotes de l’armée de terre et de la marine – le Japon étant dépourvu d’armée de l’air à cette époque – périrent dans l’exercice de cette mission, dans les Philippines et à Okinawa.
Il s’agit des kamikazes, synonyme très peu employé au Japon mais largement connu en-dehors de l’Archipel. Kamikaze, qui se lit plus souvent shinpû en japonais et signifie « vent divin », est le nom donné au typhon qui a sauvé le Japon de l’invasion mongole menée par l’empereur Koubilaï Khan en 1281. Les Japonais ont dès lors pensé, jusqu’en 1945, que d’autres « vents divins » leur porteraient secours en cas de grandes difficultés.
Tandis que le Japon accumulait les défaites, les premiers pilotes tokkô de la marine ont commencé leur action en octobre 1944 autour de l’île de Leyte, pour empêcher le débarquement des forces américaines aux Philippines. À partir de mars 1945, après le débarquement des alliés dans l’archipel Kerama, à proximité de l’île d’Okinawa, l’armée japonaise recourt largement à cette tactique. La bataille d’Okinawa (1er avril – 23 juin 1945) a finalement coûté la vie à près de 110 000 soldats japonais, dont 1 036 tokkô de l’armée de terre.
La moitié des pilotes n’avaient pas 22 ans
Les plus jeunes pilotes, âgés de 17 ans, avaient commencé leur formation trois ans plus tôt, après une scolarisation de huit années. Un célèbre cliché, publié dans le journal Asahi Shimbun, montre cinq jeunes hommes de 17 à 19 ans, l’un d’eux portant un chiot. Ce qui frappe est le sourire sur leurs lèvres et la joie qui se dégage de cette photo, alors qu’ils devaient disparaître le lendemain. « À leur place, j’aurais eu le visage pâle et tendu ; je n’aurais pas pu avoir une si belle expression », confie Takeshi Kawatoko.
La peur au ventre
« Chère mère, je n’ai rien à dire maintenant. Pour la première et dernière fois, je vous témoigne de la piété filiale et je pars en souriant. Ne pleurez pas et posez des boulettes de pâtes de riz sur l’autel bouddhique en disant que j’ai bien fait. Concernant cette poupée, pensez que c’est moi. Dites bonjour à mon grand-frère, à ma grande sœur et à Kazumi. Ce ne sont que quelques mots, car je suis occupé. Chère mère, votre fils part en souriant. Portez-vous bien. Au revoir. Fujio »
Dernière mission
Se souvenir des kamikazes pour la paix
Ce musée, qui s’appuie sur un travail d’experts, est le seul dans le pays à être consacré uniquement aux tokkô-tai. Il attire chaque année environ 500 000 personnes, ce qui en fait le deuxième lieu le plus visité du département de Kagoshima, derrière l’aquarium. « Les étrangers sont de plus en plus nombreux, environ 7 ou 8 000 par an ces dernières années », estime Takeshi Kawatoko.
« Le musée a été construit pour remplir deux objectifs : d’abord, se souvenir des soldats japonais morts pendant la guerre ; ensuite, transmettre aux visiteurs le fait qu’il faut éviter la guerre, sans quoi nous connaîtrions à nouveau une situation aussi tragique », explique Takeshi Kawatoko. À l’extérieur se trouve également le temple des tokkô, construit à la fois dans le but d’apaiser l’esprit des pilotes et de prier pour la paix.
Kamikaze : un terme trop souvent galvaudé en français
Il est fréquent aujourd’hui de désigner les terroristes qui font sauter leur ceinture d’explosif de « kamikazes » en français. Ce terme n’est cependant jamais employé dans ce sens au Japon, ni dans d’autres pays d’Asie orientale. « Les terroristes visent des cibles librement et attaquent n’importe qui, alors que l’armée japonaise combattait l’armée américaine à l’époque », explique Takeshi Kawatoko. « Les terroristes commettent des meurtres, alors que les tokkô exécutaient des actions militaires, ce qui est très différent », complète Satoshi Yamaki.
J.-F. H.
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