Revue de presse Asie - 2 août 2016

Loi anti-terroriste au Xinjiang, arrestations en Thaïlande et influence turque au Pakistan

Le contrôle de Pékin sur les Ouïghours du Xinjiang s'accentue avec l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi anti-terroriste. Copie d'écran d'India Today, le 2 août 2016.
Le contrôle de Pékin sur les Ouïghours du Xinjiang s'accentue avec l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi anti-terroriste. Copie d'écran d'India Today, le 2 août 2016.

Asie du Nord-Est

Japan Times – Une réponse aux risques de « guerre électronique en mer ». C’est ainsi que le ministre chinois de la Défense a justifié les exercices militaires en mer de Chine orientale conduits hier lundi 1er août, et au cours desquels ont été tirés « une douzaine de missiles et des torpilles », d’après le Japan Times. « Une guerre maritime fondée sur les technologies de l’information serait soudaine, cruelle et furtive, ce qui requiert une capacité de riposte immédiate », commente le ministre chinois sur son site Internet. Si la localisation précise des exercices n’a pas été divulguée, le quotidien nippon rappelle qu’en mer de Chine orientale, Pékin et Tokyo revendiquent chacun leur souveraineté sur les îles Senkaku / Diaoyu, actuellement administrées par le Japon. Depuis le verdict de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye le 12 juillet dernier, les regards des observateurs étaient surtout braqués sur la Mer de Chine méridionale, commente le Japan Times.
India Today – L’étau sécuritaire continue de se resserrer au Xinjiang. Le magazine India Today s’inquiète de la nouvelle loi anti-terroriste entrée en vigueur hier lundi 1er août dans cette région autonome de l’ouest chinois. Elle permet notamment de qualifier de « terroriste » tout individu encourageant ses pairs à sortir du pays pour rejoindre des camps d’entraînement terroristes étrangers. D’après les observateurs, cette disposition cible directement les Ouïghours que Pékin accuse de s’être rendus dans les camps dirigés par le Mouvement islamique du Turkestan oriental, en Afghanistan et au Pakistan – deux pays frontaliers de la province du Xinjiang. Mais c’est un autre point qui éveille les suspicions d’India Today. Car la nouvelle législation ciblerait également les Ouïghours se rendant en Turquie pour rejoindre la Syrie. Et si plusieurs centaines d’entre eux auraient bien rejoint le berceau du groupe Etat islamique, d’autres sont également partis vers Ankara afin « d’échapper aux politiques répressives mises en place au Xinjiang »… De là à estimer que le texte permettrait de « punir » tout individu quittant le Xinjiang pour l’étranger, le magazine indien estime qu’il n’y a qu’un pas.
Reuters – La « coercition chinoise » représente une source de « profonde préoccupation ». C’est la phrase a retenir du Livre blanc japonais sur la défense publié ce mardi 2 août, un mois après le verdict de la cour permanente d’arbitrage de La Haye sur les litiges territoriaux en mer de Chine méridionale opposant la Chine aux Philippines. Pékin avait alors rejeté le verdict et invité Tokyo à « ne pas intervenir ». Il faut dire que les revendications en mer de Chine du Sud ne concernent pas le Japon, mais Taïwan, le Vietnam, la Malaisie, Brunei et les Philippines – qui avaient saisi la Cour.

Le Japon, craignant la remise en cause de la liberté de navigation en mer de Chine du Sud – par où transite la majeure partie de ses importations et exportations – fournit des équipements aux adversaires de la Chine, notamment aux Philippines et au Vietnam. Cela explique pourquoi le Livre blanc se concentre sur les litiges de mer de Chine méridionale, estime Reuters. Il met notamment en garde la Chine : des « conséquences non intentionnelles » pourraient advenir si elle ne respectait pas les lois internationales… Le texte de 484 pages traite également des enjeux sécuritaires liés à la Corée du Nord et à la Russie, de l’approfondissement de l’alliance nippo-américaine, et de la réaffirmation de souveraineté nippone sur les îles Takeshima (îles Dokdo en coréen).

Les réactions ne se sont pas faites attendre. Tout en continuant de qualifier de « partial » et « d’illégal » l’arbitrage de La Haye, l’agence de presse chinoise Xinhua estime que le Livre blanc nippon « calomnie les activités maritimes tout à fait normales de la Chine afin de justifier la propre militarisation du Japon », tenant des « propos irresponsables » sur les 30 pages consacrées à Pékin. Côté sud-coréen, le ministre des Affaires étrangères a notamment déclaré que le gouvernement japonais devrait arrêter de réclamer « inutilement » les îles Dokdo, relève le Korea Times. La souveraineté sud-coréenne sur ces îles serait d’après lui « un fait historique ».

Korea Herald« Une mesure punitive après une longue enquête ». Le ministère sud-coréen de l’Environnement a décidé d’interdire la vente de 80 modèles Volkswagen et Audi dans le pays, indique le Korea Herald. La marque allemande est accusée d’avoir falsifié les résultats des tests de ses modèles : les émissions de gaz à effet de serre seraient beaucoup plus élevées que celles indiquées sur le rapport de l’entreprise. Le constructeur devra aussi payer une amende de 16 millions de dollars au gouvernement sud-coréen. La mesure concerne 83 000 véhicules produits entre 2009 et le 25 juillet 2016, portant le chiffre de véhicules Volkswagen interdits à la vente à 209 000.

La marque allemande s’est encore une fois excusée publiquement, alors que le gouvernement indiquait que la sanction n’aurait pas d’impact sur les propriétaires de ces véhicules. Volkswagen Korea a indiqué « réfléchir à des contre-mesures » pour « recouvrer sa réputation et restaurer la confiance de ses clients ».

Asie du Sud-Est

South China Morning Post – À moins d’une semaine du référendum constitutionnel, la situation reste tendue en Thaïlande. La police a arrêté ce mardi 2 août 19 membres des « chemises rouges », les partisans du camp de l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra. Ils encourent jusqu’à un an de prison. Leur crime : avoir formé un rassemblement politique de plus de 5 personnes. Un acte interdit par les nouvelles lois mises en place par la junte militaire à l’approche du référendum. Elle interdit de faire campagne alors que la population est appelée aux urnes pour la première fois depuis 2014. Le gouvernement élu avait alors été renversé par l’armée.

Une question qui « a créé un rare terrain d’entente entre les camps politiques rivaux » selon le South China Morning Post. Ce mardi 2 août, l’ancienne Première ministre Yingluck Shinawatra du parti Pheu Thai a encore une fois appelé à voter contre le texte soumis par la junte. La semaine dernière, le leader du parti démocrate Abhisit Vejjajiva s’était lui aussi positionné contre. Pour le journal, « les résultats sont difficile à prévoir », mais « selon les analystes politiques, la participation devrait être faible et le oui devrait l’emporter ».

Channel News Asia – Lee Hsien Loong s’impatiente des lenteurs de Washington. En voyage dans la capitale américaine, le Premier ministre singapourien demande aux États-Unis de ratifier au plus vite le Partenariat transatlantique, le fameux TPP. Ce vaste traité de libre-échange, a déclaré Lee devant la Chambre américaine de commerce, représente une « mise à l’épreuve de la crédibilité » de Washington en Asie du Sud-Est. « Chacun des 12 pays signataires a dû faire des sacrifices pour accepter cet accord, et personne n’a envie de rouvrir les négociations », a-t-il précisé devant 200 chefs d’entreprises. Lee Hsien Loong a souligné l’importance du TPP : « Les 12 [futurs Etats-membres] représentent 40% du PIB mondial, un tiers des échanges planétaires et un marché de 800 millions de personnes. L’accord est vital pour l’engagement des États-Unis en Asie-Pacifique. » Le TPP est sujet à débats dans le pays en pleine campagne présidentielle américaine, alors que certaines personnalités politiques comme Donald Trump appellent au protectionnisme. Une idée combattue par le Premier ministre singapourien : « Nous espérons que tous les signataires se concentreront sur le long terme. Il n’y a pas de gagnant, mais que des perdants dans le protectionnisme. »
The Straits Times – Bientôt un procès contre les nouvelles lois sécuritaires de Malaisie ? Anwar Ibrahim, le leader du parti d’opposition Parti Keadilan Rakyat, a porté plainte contre les lois du Conseil national de Sécurité afin de mettre fin à leur application. Il a demandé ce mardi 2 août au Tribunal civil de grande instance à ce que le gouvernement malaisien et le Conseil national de Sécurité soient interrogés.

Les nouvelles lois sécuritaires, entrées en application hier lundi 1er août, donnent au Premier ministre Najib Rzak des pouvoirs très étendus. Elles lui permettent notamment de désigner n’importer quel endroit comme « zone de sécurité » , dans laquelle il peut déployer des forces militaires et des véhicules sans mandat ou encore empêcher toute manifestation. Grâce à elles, l’ouverture d’une enquête n’est plus obligatoire en cas de meurtre perpétré par la police ou les forces armées dans ladite zone de sécurité. Pour Anwar Ibrahim, qui purge actuellement une peine de cinq ans de prison, il s’agit de lois purement inconstitutionnelles.

Asie du Sud

The Express Tribune – Le coup d’Etat militaire manqué en Turquie aura-t-il un impact sur le Pakistan ? C’est en tout cas le souhait des autorités d’Ankara, dont une délégation menée par le ministre des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu est arrivée hier lundi 1er août à Islamabad. Objectif : obtenir la fermeture du réseau de 26 écoles (PakTurk International Schools and Colleges) dirigé par l’opposant et imam turc Fethullah Gülen, résidant aux Etats-Unis et accusé par Recep Tayyip Erdogan d’avoir fomenté la tentative de putsch de juillet dernier.

D’après le Wall Street Journal, les autorités turques considèrent le dossier comme « un test pour leurs relations bilatérales ». Les rapports entre Islamabad et Ankara sont pourtant au beau fixe depuis l’accession au pouvoir de Recep Tayyip Erdogan au début des années 2000. Si le porte-parole du ministère pakistanais des Affaires étrangères dit « prendre très au sérieux les inquiétudes de la Turquie », soulignant la nécessité de poursuivre des « relations fraternelles » avec le pays, il a néanmoins rappelé l’importance « d’éviter toute perturbation dans le cursus scolaire et universitaire » des 100 000 étudiants pakistanais du réseau.

Pakistan Today – Aux yeux de l’Inde, la « menace chinoise » l’emporte sur la « menace pakistanaise ». C’est l’une des conclusions du rapport « Threat Assessment Brief for Asia » publié par l’organisation américaine Arms Control Association ce mardi 2 août. Le texte indique également que le Pakistan détiendrait plus de têtes nucléaires que l’Inde : 113 ogives pour New Delhi contre 130 pour Islamabad et 180 pour Pékin (un chiffre qui monte à 263 en incluant les DF-26 en attente de démantèlement).

Un véritable « vortex nucléaire » est en train de se former à travers le monde, indique le compte-rendu rédigé par deux chercheurs de l’Université de Princetown, Greg Thielmann et David Logan. Chaque puissance nucléaire est en effet en train de prévoir ses capacités en fonction de celles d’un autre : le Pakistan en fonction de l’Inde, l’Inde en fontion de la Chine, la Chine en fonction des Etats-Unis et les Etats-Unis et leurs alliés en fonction de la Corée du Nord. Une dangereuse réaction en chaîne.

Le nombre d’ogives nucléaires ne révèle cependant pas totalement la force de frappe d’un pays. La Chine, par exemple, possède environ 25 missiles balistiques DF-31A d’une portée de plus de 11 000 km qui pourraient lui permettre de toucher le sol américain. L’Inde dispose quant à elle d’Agni-5s dont la portée est de 5 200 km, pouvant ainsi frapper la Chine mais la majorité de son arsenal est composé de missiles courte portée clairement pointés vers le Pakistan.

The Indian Express rapporte également que l’Inde tente d’obtenir des missiles longue portée, mais ne pourra pas les acquérir avant quelques années. Par ailleurs, sa « volonté de ratifier le Code de conduite international contre la prolifération des missiles balistiques » constitue un argument de poids pour adhérer au groupe des fournisseurs nucléaires, estiment les experts.

The Indian Express – La situation au Cachemire indien ne s’apaise pas. Cette nuit du lundi 1er au mardi 2 août à Srinagar, la résidence du ministre de l’Education du Jammu-et-Cachemire et porte-parole du gouvernement local, Naem Akthar, a été visée par un cocktail Molotov, rapporte The Indian Express. Le ministre et sa famille ne s’y trouvaient pas au moment de l’attaque. C’est la première fois que la résidence d’un officiel du parti PDP (Peoples Democratic Party), membre de la coalition menée par le parti nationaliste hindou de Narendra Modi, est attaquée dans la capitale du Jammu-et-Cachemire. Cela fait près d’un mois que le Cachemire indien est secoué par de violents affrontements – depuis la mort de Burhan Wani, chef du groupe séparatiste Hizbul Mujahideen, abattu lors d’un affrontement avec les forces de sécurité indiennes le 8 juillet dernier.

Côté pakistanais, le quotidien Dawn accuse New Delhi de « cécité morale » au Cachemire, dénonçant « le cercle vicieux des couvre-feu, des grèves, des raids nocturnes et de l’emploi indiscriminé de la force ». Les chiffres parlent d’après le journal : 300 000 individus auraient bravé le couvre-feu pour assister aux funérailles de Burhan Wani. Soit cent fois plus de personnes que pour l’enterrement de l’ancien ministre-en-chef du Jammu-et-Cachemire, Mufti Mohammad Sayeed, décédé en janvier dernier et dont la fille a pris la succession. C’est le signal d’une défiance exprimée par la population cachemirie à l’égard du gouvernement indien, estime le quotidien pakistanais – qui accuse également les forces de sécurité indiennes de réprimer violemment les manifestations à l’aide de « carabines à plomb non-létales », dont les tirs auraient rendu aveugles plusieurs manifestants.

Par Alexandre Gandil, Nicolas Baranowski et Marie Bonnamy

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