Le Japon, terre d'accueil ?
Contexte
Aucune distinction n’est faite au Japon entre les termes « étranger » et « immigré ». Ainsi, les personnes de nationalité étrangère résidant depuis des dizaines d’années dans l’archipel – et même celles nées et élevées au Japon de parents étrangers – sont considérées à la fois socialement et juridiquement comme étrangères. Elles n’ont par exemple pas le droit de vote et rencontrent plus de difficultés pour obtenir des prêts ou des cartes de crédit.
Il existe aujourd’hui différents statuts de résident pour les étrangers au Japon, leur permettant de s’établir plus ou moins longtemps et de jouir de droits plus ou moins étendus. Cette analyse ne tient pas compte des apatrides et des étrangers se rendant au Japon pour un court séjour.
D’où viennent les populations étrangères présentes au Japon ?
Les populations d’Asie sont également nombreuses à rejoindre l’archipel pour suivre des études ou trouver un emploi. A cela, il faut encore ajouter les Asiatiques concernés par le « rapprochement familial » (13% de la population étrangère asiatique au Japon en 2015).
Pourquoi émigre-t-on au Japon ?
Chacune de ces deux catégories pouvant elle-même être décomposée. Il existe en effet deux types de visa : les visas de séjour temporaire et les visas long séjour. Les catégories « travailleur », « étudiant », et « époux ou personne à charge d’un individu japonais ou d’un résident » correspondent donc à des individus possédant des visas de long terme, c’est-à-dire séjournant plus de trois mois au Japon.
Quelles sont les principales communautés ?
Les « newcomers » chinois, contrairement aux « oldcomers », disposent d’un niveau scolaire élevé. Dans les années 1970, les premiers « newcomers » débarquent dans l’archipel pour y suivre des études. Il font venir ensuite leurs proches constituant de fait un véritable réseau étudiant, sans pour autant créer de quartiers communautaires. Ce réseau, qui existe encore aujourd’hui, s’avère souvent essentiel : pour venir, pour se loger ou encore pour trouver des petits boulots. À la sortie de l’université japonaise, les immigrés chinois atteignent des postes qualifiés dans les grandes sociétés japonaises. Beaucoup d’entre eux lancent même leur propre affaire. La communauté chinoise fait donc très souvent partie de la classe moyenne. Tous les parcours ne sont cependant pas identiques, certains Chinois n’immigrant que par soucis économique. D’autres résident au Japon illégalement et se voient obligés d’épouser une personne d’origine japonaise ou de travailler dans une société chinoise s’ils ne veulent pas se faire rapatrier.
Les immigrés les plus nombreux au Japon, derrière les Chinois, sont les Sud-Coréens (458 937 résidents, soit 20,4 % de la population étrangère totale du Japon). Ils commencent à rejoindre le Japon dès l’annexion de la Corée en 1910 – en partie sous la contrainte, puisque le gouvernement japonais confisque alors les terres d’une partie des paysans coréens, tandis que les entreprises japonaises commencent à rechercher une main d’œuvre étrangère. La seconde vague d’immigration, beaucoup plus importante, a lieu à partir de la conquête de la Mandchourie par le Japon en 1931. A mesure que l’Empire nippon s’étend, des milliers de Japonais sont envoyés dans les territoires annexés et le gouvernement de Tokyo fait appel à des Coréens pour combler le manque de main d’œuvre dans l’archipel. Par la suite, les Coréens sont enrôlés de force dans l’armée et envoyés sur les champs de bataille. Ainsi en 1944 on dénombrait plus de 1,9 millions de Coréens vivant au Japon. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les flux s’inversent : 1,3 million de Coréens retournent volontairement dans leur pays. Le mouvement est cependant de courte durée et certains reviennent car les conditions de vie sont meilleures.
En 1952, les zainichi deviennent de simples résidents étrangers : ils perdent leur nationalité japonaise, sont expulsés du système juridique, des services publics, de la sécurité sociale, etc. Ils devront attendre jusqu’en 1989 pour que le statut de résident permanent spécial leur soit attribué grâce à la réforme de la loi sur l’immigration. Les Coréens du Sud représentent près de 90 % des individus bénéficiant de ce statut – 98,9 % avec les Coréens du Nord. Une écrasante majorité qui explique la tendance relativement récente visant à désigner par le terme de zainichi un individu ayant des origines coréennes résidant au Japon – alors que le terme ne fait initialement aucune distinction d’origine.
La troisième plus grande communauté étrangère du Japon est la communauté brésilienne. Particularité : elle est en grande partie composée de nikkeijin. 188 996 dekasegi quittent en effet le Japon après l’adoption par le gouvernement brésilien d’une loi autorisant l’immigration des Chinois et des Japonais au début du XXème siècle. Mais avec la réforme de 1989 et la crise qui touche le Brésil, 225 000 nikkeijin « retournent » au Japon dans les années 1980. D’où l’importance de la communauté brésilienne. Étant actuellement 173 627 au Japon, les Brésiliens représentent en effet plus de 7,7 % de la population étrangère du pays. Leur séjour y est facilité par la création, toujours grâce à la réforme de 1989, du titre de « séjour à long terme » qui leur est originellement destiné. Il faut cependant noter que l’objectif officiel de ce titre n’est pas de répondre à un besoin de main d’œuvre, mais de permettre aux nikkeijin de rendre visite à leur famille ou d’obtenir un statut de stagiaire.
La communauté philippine est quant à elle, avec ses 231 758 ressortissants vivant dans l’archipel japonais, la quatrième communauté étrangère du pays. En 1990, 36 000 Philippins séjournent déjà au Japon. Il s’agit de nikkeijin philippins étant « retournés » eux aussi dans l’archipel dans les années 1980. L’immigration des Philippins connaît depuis une ascension fulgurante avec l’arrivée d’un grand nombre d’entre eux dans le secteur du travail domestique. En 2011, plus de 140 000 personnes originaires des Philippines, principalement des femmes, ont été embauchées dans ce secteur – principalement des aides à domicile, des domestiques et des femmes de ménage. Plusieurs accords avaient d’ailleurs été conclus entre les Philippines et le Japon concernant l’émigration d’aides soignantes. Ces émigrées philippines, sont également employées en tant qu’infirmières et plus généralement dans le domaine de la santé.
Pourquoi le Japon accueille-t-il si peu de réfugiés ?
En 1981, le Japon a pourtant signé la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. L’archipel se doit donc de porter assistance et refuge à toute personne qui en fait légitimement la demande. Cette adhésion intervient dans un contexte de Guerre froide, sous la pression du bloc occidental. Lors de la conférence internationale pour les réfugiés indochinois de 1979, Tokyo décide de participer au programme CPA et ainsi de prendre en charge certains quotas de réfugiés. Cela l’oblige à adapter ses conditions d’accueil et à signer la Convention de Genève. En 1975, date d’arrivée des premiers réfugiés indochinois, il n’existait dans l’archipel aucune politique d’immigration ni de tradition d’accueil des réfugiés. Le Japon décide alors de se doter d’une loi sur l’immigration.
Parmi les demandeurs d’asile, un nombre assez important se trouve en situation irrégulière : 1 192 sur 7 586 en 2015, soit plus de 15%. Ceux-ci séjournant illégalement, ils n’ont aucune autorisation de travail et peuvent être arrêtés et détenus durant une période illimitée. Les conditions de détention des étrangers séjournant illégalement au Japon sont d’ailleurs à l’origine de nombreux débats. On leur impute de nombreuses maladies graves, tentatives de suicide et grèves de la faim.
Un statut humanitaire a été créé pour éviter le renvoi dans leur pays des demandeurs dont le dossier n’avait pas été accepté. Il s’agit d’une permission spéciale de séjour temporaire accordée par pouvoir discrétionnaire du ministre de la Justice. Il fut utilisé pour la première fois en 1991 pour sept demandeurs d’asile. Le nombre de permissions spéciales de séjour à titre humanitaire a ensuite fortement augmenté jusqu’en 2010, atteignant 501 permissions. Il connaît cependant une baisse constante depuis. En 2015, seules 79 personnes ont obtenu un statut humanitaire.
Face à ce durcissement, le gouvernement nippon fait l’objet de vives critiques. La troisième économie du monde est régulièrement accusée de ne pas participer suffisamment à l’effort d’accueil des réfugiés. Tokyo tente de se justifier en mettant en avant sa participation financière dans les opérations d’aide aux réfugiés – comme les 1,3 milliard d’euros accordés en septembre 2015 pour l’aide aux réfugiés d’Irak et de Syrie et pour les efforts de paix au Proche-Orient et en Afrique. Mais le Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations unies (HCR) l’avait bien souligné en juillet de la même année: le « partage du fardeau au niveau international » n’est pas seulement une question d’argent.
Pour aller plus loin
LE BAIL Hélène, « The New Chinese Immigration to Japan « ,China Perspectives [en ligne], septembre-octobre 2005, n°61. URL : http://chinaperspectives.revues.org/521 (Mise en ligne le 01 Septembre 2008, connexion le 27 Juillet 2016)
BERQUE Augustin, « Problèmes et politiques migratoires au Japon », Tiers-Monde, 1977, tome 18, n°69, pp. 77-99.
TUGAULT Yves, « L’immigration coréenne au Japon », Population, 1984, 39ᵉ année, n°6, pp. 1073-1075.
GRAMSS Jakob, « Des Nippo-Brésiliens reviennent au Pays du Soleil Levant », Hommes et migrations, janvier – février 2002, n°1235, pp. 65-81.
Hommes & migrations, Cité nationale de l’histoire de l’immigration, avril – mai – juin 2013, n°1302.
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