Afghanistan : fin de rêve pour la nouvelle "classe moyenne"
Entretien
Les insurgés islamistes qui continuent de considérer le pouvoir à Kaboul comme un « gouvernement fantoche appuyé par les forces d’invasions américaines » ne partageront certainement pas les sourires qui traversent cet ouvrage. Cet espoir retrouvé est pourtant en partie le fruit de la présence de la Force Internationale d’Assistance à la Sécurité (ISAF) présente dans le pays entre la fin 2001 et la fin 2014. Engagée pour « contrer l’insurrection talibane », « protéger le peuple afghan », « renforcer les capacités des forces de sécurité afghanes afin qu’elles puissent assurer la sécurité du pays » et « activer le renforcement du gouvernement afghan et le développement économique », l’ISAF a manqué à presque toutes ces missions. Elle a aussi contribué, via l’afflux massif de capitaux et les emplois créés pour accompagner cette mission, à transformer la vie d’une partie des habitants de la capitale afghane.
« Loin des clichés de l’Afghanistan enturbanné, les nouveaux urbains se croisent dans les supermarchés de Kaboul, le portable à l’oreille » écrit le chercheur Gilles Dorronsoro dans la postface du livre. « Les vêtements, surtout masculins, sont plus ajustés, mettant en valeur la fréquentation des salles de musculation et transformant les pratiques corporelles (comment uriner accroupi dans un jean moulant ?) ». L’apparition de cette nouvelle société de consommation ne va d’ailleurs pas sans créer quelques tensions : « L’espace public est (…) fragmenté, les lieux de sociabilité (cafés, restaurants, salles de gym) des classes moyennes sont largement fermés aux classes populaires dont les valeurs et les références sont largement en contradiction avec les leurs » poursuit le chercheur. Cette classe moyenne urbaine est aujourd’hui menacée.
A la mission de la force internationale s’est substituée la mission sous commandement militaire américain « support résolu » à partir de janvier 2015. « Le retrait de la coalition pourrait bien amener la disparition de ce groupe urbain porteur d’un projet de modernisation opposé à celui des Taliban – et même d’une partie des élites politiques d’aujourd’hui. Témoigner de son existence est donc important aujourd’hui » écrit encore Gilles Dorronsoro, « avant que les évènements emportent ce témoignage fragile de ce qu’aurait pu devenir l’Afghanistan ».
Concernant la photo de couverture, je trouve qu’elle dégage une énergie et une confiance que j’ai souvent rencontrée chez une partie de la jeunesse kaboulienne. Parmi ce groupe d’amis grimpé sur les hauteurs de la capitale, j’ai été frappé notamment par ce couple qui mime la célèbre scène du Titanic. Ils ont les bras écartés comme lorsque Léonardo DiCaprio et Kate Winslet jouent aux maitres du monde à la proue d’un navire qui n’a pas encore rencontré son destin. À cette époque, la jeunesse afghane se sentait pleinement maître de son destin justement. Je dis cette époque, mais ce n’est pas si vieux, cela remonte à il y a tout juste deux ans.
Vous pouvez commander Afghan Dream sur le site des éditions Pendant ce temps et vous rendre sur la page de Sandra Calligaro pour en savoir plus sur son travail de photographe.
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