Japon : quel avenir pour le théatre nô ?
Contexte
Le nô est le plus ancien art théâtral du Japon, apparu il y a environ 600 ans, et comprend de la musique et de la danse. Il a évolué à plusieurs reprises et s’est perfectionné pour prendre sa forme actuelle vers le milieu de l’époque Edo (1603-1867), afin de satisfaire les seigneurs locaux.
Le Japon compte aujourd’hui près d’un millier d’acteurs professionnels de nô et environ 70 théâtres. Il y a une trentaine d’années, les spectateurs étaient dix fois plus nombreux et la majorité d’entre eux étaient des amateurs. Face à cette situation, comment réagit le monde du nô pour retrouver cet engouement passé ?
Un programme dans l’air du temps
Après les deux premières pièces, dont la première, Shari, jouée entre autres par Manjirô Tatsumi, ce fut au tour de Tsukasa-tayû d’entrer sur scène. Dans un premier temps uniquement éclairée par quelques lanternes, pour transmettre aux spectateurs une ambiance mystérieuse. Visage blanchi, dents noircies et chevelure décorée, la femme se produit sur scène durant une dizaine de minutes vêtue d’un sur-kimono violet. « En général, les gens s’imaginent que les tayû portent une coiffure et des vêtements extravagants, mais j’ai choisi une tenue plus discrète aujourd’hui, comme c’était le cas il y a environ 250 ans », explique Tsukasa-taiyû après sa performance. « Normalement, nous sommes pieds-nus sur scène, mais j’ai porté des chaussettes tabi aujourd’hui », ajoute-t-elle. C’est qu’il existe une règle d’or pour qui foule les planches d’un théâtre. « La scène de nô est un endroit sacré qui, pour ne pas être souillé, impose à tous de porter des chaussettes blanches », explique Kaoru Nakao, maître de conférences en histoire du nô à l’Université d’Osaka.
La pièce principale
L’acteur principal, ce soir une femme, Hiroko Tamai, a commencé sa préparation deux heures avant l’apparition sur les planches. Avant de revêtir ses vêtements, elle a pris soin de vérifier la position de son masque dans les loges. « L’angle du masque est très important, car c’est lui qui transmet les sentiments », explique Manjirô Tatsumi. « Il est ajusté au moyen de trois coussinets de taille différente », précise-t-il. L’entrée sur scène approchant, les acteurs se réunissent dans la pièce au miroir, devant lequel seul le shite est autorisé à s’installer.
L’histoire se passe après la mort de Yang Guifei (Yô Kihi en japonais), l’une des quatre plus belles femmes de la Chine antique et concubine de l’empereur Tang Xuanzong (Gensô). Ce dernier, si triste de sa disparition, charge un sujet de partir à la recherche de son âme, qu’il finit par trouver au mont Penglai (Hôrai).
L’espoir viendra-t-il de l’étranger ?
« On pense que le nô est un art destiné à la haute société, mais ce n’est plus le cas », explique Manjirô Tatsumi. « L’histoire du théâtre nô passe par une succession de phases extrêmes : il a été tantôt réservé à l’aristocratie, tantôt destiné au grand public », explique Kaoru Nakao. « De nos jours, il s’agit plutôt d’en faire un théâtre populaire », ajoute-t-elle.
« Pour les étrangers, la culture japonaise est merveilleuse, ce qu’ont du mal à percevoir les Japonais eux-mêmes car cette culture n’a que peu évolué depuis l’ère Meiji (1868-1912) », explique Manjirô Tatsumi. « Dès qu’un étranger dit que quelque chose est bien, les Japonais pensent la même chose, donc si les visiteurs étrangers sont intéressés par le nô et fréquentent ses théâtres, cela pourrait intéresser les Japonais », confie-t-il.
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