Football : l'Asie peut-elle (un jour) dépasser l'Europe ?
Contexte
Si les yeux du ballon rond sont actuellement tournés vers les pelouses françaises où se dispute l’Euro, le football asiatique s’active en coulisses. Mercredi 29 juin, l’attaquant brésilien Hulk a rejoint le club du Shanghai SIGP pour 55 millions d’euros. Nouveau record asiatique. L’ancien joueur du Zenith Saint-Petersbourg devrait toucher un salaire de 20 millions d’euros par an, au troisième rang des salaires les plus élevés du football mondial. Le championnat chinois intrigue et attire de plus en plus de joueurs confirmés, proposant des offres inégalables ailleurs sur le globe.
En août, à l’heure des Jeux Olympiques de Rio, la Ligue des Champions asiatique reprendra ses droits pour les quarts de finale. Si son homologue européenne soulève les foules de Tokyo à Bangkok, l’inverse se fait encore attendre. Pire même, le fans asiatiques de foot paraissent souvent plus intéressés par ce qui se passe sur le Vieux Continent que dans leurs championnats locaux…
Les puissances du football en Asie
Depuis, les performances nippones et sud-coréennes ont de quoi « inquiéter ». Les deux équipes n’ont remporté aucun match lors du mondial au Brésil en 2014. Surtout, la dernière Coupe d’Asie des Nations 2015 a vu l’Australie brandir le trophée, pour sa troisième participation seulement.
Foot Business : les millions de l’Etat chinois et l’investissement privé en Inde
C’est que le pouvoir central chinois met tout en place pour développer le football. Quitte à exiger que le prix des droits TV augmente sensiblement. La société China Media Capital débourse ainsi 200 millions d’euros par saison pour retransmettre la China Soccer League. D’après le Financial Times, le précédent contrat ne rapportait que 7 millions d’euros par an. C’est encore loin des standards européens, comme en France, mais c’est un indice édifiant du développement économique éclair du football en Chine.
Les créanciers chinois investissent également dans les grandes écuries européennes : l’Atlético Madrid, l’Inter Milan ou encore Manchester City sont en partie détenus par des investisseurs venus de l’Empire du Milieu. Une porte d’entrée pour les clubs européens dans le marché chinois : « Si l’on prend seulement 10% de la population chinoise, on arrive à environ 140 millions de personnes. C’est déjà plus que tous les fans de football en Europe », résume Jean-Baptiste Guégan. La Chine profite aussi d’un transfert de compétences : « Quand le Chinois Ledus rachète le club de Sochaux en France, ce n’est pas pour le relancer mais bien parce que Sochaux est un club formateur. Ils veulent voir comment le club procède, indique Jean-Baptiste Guégan. S’inspirer des meilleurs et adapter la méthode à ses propres caractéristiques, c’est ce que la Chine fait de mieux. »
S’il est encore trop tôt pour juger de ses bénéfices, l’ISL a au moins eu le mérite de redonner goût aux Indiens pour le sport de Maradona. Les fréquentations des stades sont bonnes, 27 000 personnes en moyenne, davantage que le championnat chinois (20 000), dont le modèle est pourtant plus mature. La retransmission télévisée est assurée par Star Sport, le partenaire officiel de la ligue ISL. Avec une qualité HD, contrairement à d’autres pays asiatiques. Une formule qui semble trouver son audimat, d’après Guillaume Vénétitay : « C’est un véritable feuilleton : ils ont réussi à créer un rendez-vous pour les gamins. »
Qui fait du football un outil soft power en Asie ?
La Chine veut organiser une Coupe du monde d’ici 2026 et remporter la gagner d’ici 2050, alors que Pékin n’a participé qu’à une seule phase finale de la compétition. Mais Jean-Baptiste Guégan est optimiste quant aux chances chinoises : « Xi Jinping va instaurer un vrai plan à marche forcée. » Un développement étatique qui a déjà commencé avec le plan en cinquante points lancé par le gouvernement chinois en 2012. Un plan qui s’appuie notamment sur la jeunesse, inspiré par l’ancien dirigeant Deng Xiaoping qui déclarait : « L’ouverture de la Chine au football doit commencer par les enfants. » Résultat, le ballon rond est désormais obligatoire dans les écoles chinoises. Le gouvernement compte créer 50 000 écoles de football sur le territoire d’ici 2050. Il y en existe 5 000 aujourd’hui.
L’Inde mise plutôt sur le yoga pour faire briller son image à l’extérieur. Il est en effet courant de voir le Premier ministre, Narendra Modi, tweeter sur les bienfaits du yoga pour le corps. La discipline coporelle et spirituelle est l’une des armes de l’hindouisation de la société indienne. Pour l’instant, le foot n’entre pas dans les plans de communication politique et diplomatique du pouvoir actuel.
La culture locale, véritable soft power japonais et coréen. Le gouvernement coréen préfère s’appuyer sur la culture locale, dont le « Hallyu », littéralement « vague coréenne », qui désigne les contenus multimédia coréens. Le gouvernement mise sur les séries télévisés, ou encore les chanteurs de K-Pop qui connaissent un succès fulgurant en Asie et plus particulièrement en Chine. De la même manière, le Japon a préféré se concentrer sur une autre forme de soft power : les mangas et la gastronomie, entre autres. Autant de facettes qui révèlent la culture propre au pays et son savoir-faire.
Le foot asiatique est-il condamné à la corruption ?
En Asie, les opérateurs de paris proposent des taux de retour de 99% : « Si vous misez 100 euros, vous récupérez 99%. » Ce qui n’est pas possible en Europe à cause des régulateurs. Un taux de retour de 99% bien supérieur aux « 60% garantis par les paradis fiscaux ». Un bon moyen pour blanchir de l’argent donc.
Les différentes affaires qui ont secoué le football asiatique, montrent que la corruption est endémique sur le continent et touche même les instances décisionnaires. L’une des affaires les plus marquantes reste la condamnation, en 2012, de deux ex-présidents de la Fédération chinoise de football. L’un d’eux, Xie Yalong, aurait touché près de 213 000 euros de pots-de-vin en plus d’avoir truqué des matches. Les deux présidents ont écopé chacun de 10 ans de prison. Des hauts dirigeants aux joueurs en passant par les arbitres, plus d’une cinquantaine de personnes ont été arrêtées. Un scandale qui marque les années noires du football chinois. Depuis, Xi Jinping a procédé à une purge, assainissant les hautes sphères chinoises du ballon rond. En surface, du moins.
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