Revue de presse Asie - 13 juin 2016

Merkel à Pékin, Ramadan en Indonésie et appel de Modi à Poutine

Angela Merkel et le Premier ministre chinois Li Keqiang dans le palais de l'Assemblée du peuple. Copie d'écran de South China Morning Post, le 13 juin 2016.
Angela Merkel et le Premier ministre chinois Li Keqiang dans le palais de l'Assemblée du peuple. Copie d'écran de South China Morning Post, le 13 juin 2016.

Asie du Nord-Est

The South China Morning Post – La Chine sera intransigeante : l’Union européenne devra tenir ses promesses et lui octroyer le statut d’économie de marché avant décembre. C’est le message qu’a voulu faire passer le Premier ministre Li Keqiang lors de la 9ème visite d’Angela Merkel à Pékin. Débonnaire, Li a déclaré que La Chine ne souhaitait pas s’engager dans une guerre commerciale avec l’Europe. « La Chine s’est déjà tenue à ses engagements lorsqu’elle a rejoint l’OMC, c’est maintenant aux autres parties de tenir leurs promesses », a cependant fermement ajouté Li Keqiang. La Chine est le premier partenaire commercial de l’Allemagne et la considère comme un élément pouvant largement influencer l’Europe des 28. Pas décontenancée, surtout après la polémique récente sur les entreprises étrangères en Chine, Angela Merkel ne s’est pas privée de rappeler que l’Allemagne était, elle, ouverte aux investissements étrangers, et attendait la même chose de la Chine.

C’est à la fin de l’année que Pékin doit se voir ou non attribuer le statut d’économie de marché. Sujet sur lequel la Commission européenne reste encore dubitative. Depuis son entrée dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les efforts de la Chine pour libéraliser son économie sont jugés trop faibles, en raison d’une stratégie que Bruxelles considère encore trop protectionniste. Par ailleurs, les Européens restent excédés par les subventions de Pékin sur ses biens de consommation et leur exportation à des prix défiants toute concurrence, qui menacent l’emploi en Europe.

Dong-a Ilbo – . Les Chinois veulent montrer qu’ils appliquent les sanctions contre la Corée du Nord. Les autorités chinoises viennent ainsi d’arrêter un espion nord-coréen à son domicile dans la ville de Dandong dans le Liaoning, une province proche de la Corée. L’information est révélée par le quotidien nippon Yomiuri Shimbun cité dans cet article du journal sud-coréen Dong-a Ilbo. Des lingots d’or et 30 millions de yuans (environ 4 millions d’euros) ont été saisis par les autorités chinoises. L’homme, selon le site sud-coréen, serait impliqué dans le trafic de « produits interdits » par les sanctions – la nature desdits produits n’est pas précisée.

En mars 2016, une décision du Conseil de sécurité de l’ONU a mis en place un nouveau volet de sanctions, interdisant la vente de nombreux produits à la Corée du Nord. De façon inédite, Pékin a accepté de s’accorder avec Séoul et Washington pour dénucléariser la Corée du Nord. Cette arrestation d’un espion nord-coréen intervient quelques jours après une rencontre entre Xi Jinping et Ri Su Yong, un haut fonctionnaire nord-coréen. Ce dernier a confirmé que Pyongyang était déterminé à développer l’arme nucléaire.

Comment interpréter l’attitude chinoise ? Selon Andrei Lankov, un professeur à la Kookmin University de Séoul qui signe une tribune dans le Korea Times, la fermeté de Pékin vis-à-vis de Pyongyang n’est en aucun cas l’expression d’un basculement de la Chine dans le camp sud-coréen. Pékin condamne les sanctions unilatérales prises par Washington, qui vise les banques signant des contrats avec la Corée du Nord. Par ailleurs, les relations sino-nord-coréennes s’améliorent d’une façon générale. Si Pékin ne souhaite pas voir la Corée du Nord se nucléariser, augmenter la pression sur Pyongyang provoquerait le chaos dans le pays et la Chine devrait se charger d’un nombre conséquent de réfugiés. Enfin, l’empire du milieu n’a aucun intérêt à voir les deux Corées se réunifier sous le gouvernement de Séoul, un allié fidèle des Etats-Unis.

Taipei Times – Le verdict est sans équivoque. Tsai Ing-wen, la nouvelle présidente taïwanaise, rejetera la demande de sortie du territoire de l’ancien président. Il y a deux semaines, Ma Ying-jeou était officiellement invité ce mercredi 15 juin à Hong Kong pour la « Cérémonie d’excellence éditoriale » tenue tous les ans par la société des éditeurs d’Asie. Seulement en vertu du droit taïwanais, un président sortant ne doit pas quitter le territoire sans autorisation. Les causes du refus sont multiples : Ma Ying-jeou détiendrait trop d’informations confidentielles ; les relations entre Taipei et Pékin sont dans une période sensible et la coopération entre le Bureau taïwanais de la sécurité nationale et le gouvernement hongkongais est inexistante. De plus, Ma a déposé sa demande tardivement et Taipei n’aurait pas eu le temps de négocier avec Hong Kong et Pékin sur ce sujet.

Asie du Sud-Est

The Jakarta Post – Tout est parti d’une vidéo sur Internet. On y voit Saeni, une vendeuse de rue, implorer en vain la police indonésienne de ne pas lui confisquer la nourriture qu’elle vend, en plein Ramadan. L’incident s’est déroulé ce vendredi 10 juin à Serang, dans l’ouest de l’île de Java, selon le Jakarta Post. La séquence, devenue virale, a soulevé depuis un mouvement d’indignation. Les internautes indonésiens contre l’ « arrogance de la police et son manque de tolérance ». Un mouvement appelé #StanduSerang, a été créé afin de récolter de l’argent pour la vendeuse. Près de 17 000 euros ont déjà été collectés.

Le gouvernement a été forcé de réagir par la voix du ministre des Affaires religieuses, Lukman Hakim Saifudding, qui a appelé à « la tolérance et le respect mutuel entre toutes les communautés durant le Ramadan », rapporte le Jakarta Post. « Durant le Ramadan, le mois sacré, a déclaré le ministre, nous devons renforcer et solidifier notre tolérance, pas seulement dans la communauté musulmane mais aussi à l’échelle nationale. » Le ministre a aussi dit regretter l’incident, demandant aux policiers de faire leur travail avec plus d’humanité, et d’user de la persuasion plutôt que de la brutalité.

Channel News Asia – A peine six mois après son baptême de l’air, la compagnie malaisienne Rayani Air ne peut déjà plus voler. Le verdict définitif de la Commission de l’aviation malaisienne (MAVCOM) est tombé. Dernièrement, les pilotes étaient en grève et les vols étaient régulièrement retardés, voire annulés. La compagnie aérienne se trouvait à la fois en butte aux critiques des passagers et du gouvernement. Ses vols avaient déjà été suspendus depuis avril pour une durée de 3 mois. Après un audit de sécurité effectué par les autorités malaisiennes, le certificat d’exploitation aérienne de Rayani Air a été révoqué. La MAVCOM a annoncé que la compagnie aurait violé les conditions dans sa licence de service aérien (ASL). De plus, ses capacités de gestion et de financement seraient trop limitées pour continer d’opérer sur une ligne commerciale.

Rayani Air était la seule compagnie aérienne à appliquer la charia, la loi islamique en Malaisie. Outre l’interdiction de l’acool à bord et l’obligation de servir des plats halal, Les femmes membres de l’équipage devait porter le hijab, tandis que les membres non-musulmans n’avaient pas le droit aux tenues « suggestives ».

Myanmar Times – Les politiciens et analystes craignent que la Ligue nationale pour la démocratie (LND) abandonne la réforme constitutionnelle, rapporte le Myanmar Times ce lundi 13 juin. Lors d’une conférence de presse tenue le 10 juin, le président du Parlement a affirmé que la constitution serait révisée seulement quand la réconciliation nationale serait effective. Le gouvernement essaiera d’amender la constitution avant la fin de son mandat, a-t-il aussi déclaré afin de rassurer les sceptiques pour qui la réconciliation nationale ne peut avoir lieu sans réforme de la loi fondamentale.

La LND a pris la tête du nouveau gouvernement en novembre 2015 avec pour but affiché de changer la constitution, modifiée par la junte au pouvoir en 2008. Les militaires avaient notamment empêché Aung San Suu Kyi, la leader du parti, de devenir présidente du pays, arguant qu’elle s’était mariée à un étranger, décédé depuis, et que ses enfants détiennent un passeport britannique. Cette révision, rappelle le Myanmar Times a toujours été le leitmotiv du parti désormais au pouvoir. Si la LND détient la majorité des sièges au Parlement, leurs projets de loi peuvent être bloquées par la présence des militaires qui représentent encore 25% de l’assemblée et qui possèdent un droit de véto. C’est d’ailleurs pour supprimer ce droit de véto que la LND veut changer la constitution. Pour cela le parti a lancé une pétition en 2014 qui avait réuni 5 millions de signatures, à l’époque sans succès.

Les commentateurs politiques sont assez sceptiques sur la tactique adoptée par le gouvernement. Yan Myo Thein, l’un d’entre eux, affirme : « Je trouve que c’est inacceptable. Tout le monde comprend qu’installer une union fédérale est impossible sans changer la constitution de 2008, et c’est cette charte actuelle qui est la cause principale de l’instabilité de notre pays. » Yan Myo Thein appelle le gouvernement à soumettre la réforme constitutionnelle lors la Conférence de Panglong prévue pour la fin du mois de juillet et qui doit réunir les leaders de tous les groupes ethniques.

Asie du Sud

Times of India – Le Premier ministre indien Narendra Modi n’a pas dit son dernier mot. La Chine bloque l’entrée de l’Inde dans le groupe des fournisseurs de nucléaire (NSG) ? Fort bien. Modi a donc téléphoné au président russe Vladimir Poutine. Moscou soutient l’Inde dans son projet nucléaire, même si jusqu’à présent New Delhi s’appuyait davantage sur les Etats-Unis, précise The Times of India.

Selon le Kremlin, Poutine et Modi devraient prochainement s’entretenir sur la « coopération des deux pays ». Le Premier ministre indien devrait d’ailleurs rencontrer d’autres leaders mondiaux avant la prochaine session plénière du NSG. En particulier le président chinois Xi Jinping, en marge du prochain sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai à Tachkent en Ouzbékistan, les 23 et 24 juin prochains. Ce sera la première participation de l’Inde à ce sommet intergouvernemental en tant que membre à part entière.

Pékin a, jusqu’ici, toujours bloqué la candidature indienne, arguant qu’aucun pays non-signataire du Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP), ne pouvait rejoindre le NSG. « Le TNP fournit des fondations légales et politiques sur la non-prolifération nucléaire. La position de la Chine s’applique à tous les non-signataires et ne cible aucun Etat en particulier », a déclaré le gouvernement chinois. Un argumentaire qui ne semble pas satisfaire The Times of India qui précise que la position chinoise semble s’être durcie. Pour le journal indien, tout dépendra de la valeur que la Chine attribue à ses relations avec New Delhi.

Le journal indien ajoute enfin que la Turquie est aussi un opposant de la candidature indienne au NSG. Ankara étant un allié historique du Pakistan, l’adversaire régional de l’Inde.

The Express Tribune – L’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) semble pessimiste sur l’attitude des puissances nucléaires. New Delhi intensifie son programme de missile balistique nucléaire et accélère sa production de plutonium, tandis que Islamabad développe ses armes nucléaires pour compenser la supériorité indienne.

La tendance générale est tout de même à une réduction de l’arsenal nucléaire, affirme le rapport du SIPRI. « Le nombre d’armes nucléaires a baissé depuis le pic du milieu des années 1980, où l’on en recensait 70 000 », indique le think tank suédois. Par comparaison, il existe actuellement 15 395 ogives nucléaires pour neuf pays : les Etats-Unis, la Russie, la Grande-Bretagne, la France, la Chine, l’Inde, le Pakistan, Israël et la Corée du Nord. Cette baisse est le résultat de trois traités signés depuis 1991, précise The Express Tribune. Une initiative menée par les deux superpuissances nucléaires : la Russie et les Etats-Unis. Moscou et Washington, constate le SIPRI, « réduisent progressivement » leur arsenal nucléaire. Mais cette réduction est plus lente qu’il y a une décennie et les deux superpuissances possèdent des « programmes de modernisation » vastes et coûteux. Ce qui fait dire au think tank que les perspectives d’un désarmement nucléaire mondial sont encore « sombres ».

The Express Tribune – L’annonce est venue du chef du gouvernement afghan, Abdullah Abdullah, ce lundi 13 juin. S’exprimant pendant le conseil des ministres, le leader afghan espère que ce cessez-le-feu « règlera les problèmes de manières diplomatiques », rapporte The Express Tribune. Le chef de l’exécutif a également confirmé la mort d’un soldat afghan lors d’une confrontation avec l’armée pakistanaise dans la nuit du samedi 11 au dimanche 12 juin. Six soldats afghans seraient également blessés. Lors de ce conseil, Abdullah Abdullah est revenu sur les causes de cette confrontation : « Le Pakistan a voulu construire de nouvelles installations [à la frontière], mais les forces afghanes ne les ont pas permises. En réponse, le Pakistan a tiré sur les forces afghanes. »

Dimanche soir, l’armée pakistanaise a donné sa version des faits : l’Afghanistan aurait ouvert le feu en premier alors que la construction du pont se trouvait sur le territoire pakistanais. Torkham est le point le plus utilisé pour relier les deux pays. D’après The Express Tribune, c’est également une porte d’entrée pour les terroristes, citant une déclaration pakistanaise. Le 2 juin dernier, Islamabad a introduit un nouveau système à la frontière obligeant les Afghans à présenter des documents officiels pour la traverser.

Par Joris Zylberman, Alice Hérait, Liu Zhifan et Juliette Morillot, avec Hubert Kilian à Taipei et Anda Djoehana Wiradikarta à Paris

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