Revue de presse Asie - 2 juin 2016

Envoyé nord-coréen à Pékin, bébés tigres congelés et réacteurs nucléaires en Inde

Pékin, mercredi 1er juin. Ri Su-yong (à gauche) est le premier haut dignitaire nord-coréen à rencontrer le président chinois depuis 3 ans. Copie d'écran du “South China Morning Post”, le 2 juin 2016.
Pékin, mercredi 1er juin. Ri Su-yong (à gauche) est le premier haut dignitaire nord-coréen à rencontrer le président chinois depuis 3 ans. Copie d'écran du “South China Morning Post”, le 2 juin 2016.

Asie du Nord-Est

South China Morning Post – C’est la première fois en trois ans que le président chinois rencontre officiellement un haut dignitaire nord-coréen. Hier mercredi 1er juin, Xi Jinping s’est en effet longuement entretenu avec Ri Su-yong, vice-président du Parti du travail de Corée du Nord. Au programme de cette discussion qualifiée de « cordiale » par les agences de presse chinoises et nord-coréennes, la « double poussée », le « byongjin », soit la volonté de la Corée du Nord à encourager en parallèle son programme nucléaire et le développement économique. D’après le Global Times, la Chine, qui a souligné sa volonté de préserver « l’amitié traditionnelle entre les deux pays » et émis le souhait de « calmer les tensions récentes » a toutefois reconnu son impuissance à « contrôler les ambitions nucléaires » de son turbulent allié.

Cette rencontre intervient deux jours après l’échec d’un nouvel essai de tir de missile à moyenne portée et la condamnation hier, 1er juin, par les Nations Unies des trois précédents essais de tirs missiles balistiques nord-coréens. L’arsenal des sanctions envers Pyongyang devrait en outre être durci par le trésor américain qui, rapporte Channel News Asia, appelle à geler les avoirs nord-coréens à l’étranger mais aussi à bloquer toute possibilité de transaction financière avec la Corée du Nord qualifiée de « source importante de blanchiment d’argent ».
D’après les observateurs, cette rencontre au sommet à Pékin, est le signe qu’en dépit des sanctions contre Pyongyang votées par la Chine, les liens anciens entre les deux pays n’ont été que peu égratignés. L’éventualité d’une rencontre prochaine entre Kim Jong-un et Xi Jinping n’est pas à écarter.

South China Morning Post – Poser une question sur les droits de l’homme à un ministre chinois peut être « irresponsable ». C’est ce qu’a répondu le chef de la diplomatie, Wang Yi, à une journaliste canadienne mercredi 1er juin lors de sa rencontre avec son homologue canadien, Stéphane Dion. La question, selon le South China Morning Post, portait sur l’emprisonnement du Canadien, Kevin Garratt, accusé d’espionnage. Le journal hongkongais rapporte que le ministre chinois avait l’air passablement énervé avant de réprimander la journaliste incriminée. « Votre question est pleine de préjugés à l’encontre de la Chine. C’est totalement inacceptable », a-t-il lâché avant de poursuivre : « Personne n’est mieux placé que les Chinois pour parler de la situation des droits de l’homme en Chine. »

Plus tôt, le ministre canadien des Affaires étrangères, Stéphane Dion, avait affirmé avoir mentionné l’affaire Garratt, précisant qu’il ne manquait jamais une occasion d’évoquer les droits de l’homme avec son homologue. Le South China Morning Post souligne que Kevin Garratt a été inculpé à Dandong, une ville frontalière avec la Corée du Nord pour avoir mené un programme d’aide humanitaire chrétien avec des Nord-Coréens.

Taipei Times – Pas de vacances pour le président taïwanais sortant. En juin 2016, Ma Ying-jeou ne dirige plus le pays mais n’entend pas se faire discret pour autant. Le président, qui a quitté ses fonctions le 20 mai dernier, sera en visite à Hong Kong le 15 juin prochain. Il est invité à une « cérémonie d’excellence éditoriale » organisée par la société des Éditeurs d’Asie (SOPA), une organisation à but non lucratif dédiée à la liberté de la presse. Cet événement est destiné à récompenser les performances exceptionnelles des journalistes asiatiques. La visite a été annoncée hier, mercredi 1er juin. Selon le Taipei Times, trois thèmes seront abordés : la question des relations inter-détroit, la signification de sa rencontre historique avec le président chinois Xi Jinping en novembre 2015 et les conflits territoriaux en mer de Chine du Sud.

Seule ombre au tableau, une loi taïwanaise sur la sécurité nationale et la protection de l’information (Classified National Security Information Protection Act) interdit à toute personne pouvant détenir des informations confidentielles de quitter le pays librement dans les trois ans après la fin de son mandat. Ainsi, un ancien président ne peut décider de son propre chef de partir sans autorisation du gouvernement. Wang Ting-yu, un député du Parti démocrate progressiste (DPP) actuellement au pouvoir, a informé le Taipei Times que la demande de Ma Ying-jeou n’avait été reçue que ce matin. Or, celle-ci doit être fournie vingt jours avant le départ. Selon Wang, l’ancien président a, une fois de plus, « ignoré la loi ». Il conseille donc au Bureau présidentiel de « décliner la demande de Ma ».

Retour sur la rencontre de Ma Ying-jeou et de Xi Jinping ici.

South China Morning Post – Les touristes sont toujours plus nombreux à visiter le Japon. Mais cette montée du tourisme n’est pas forcément bien vue du côté de Tokyo qui craint une flambée de l’immigration clandestine. D’après le South China Morning Post, 20 ressortissants chinois se seraient déjà « échappés » de leur groupe touristique au cours des dix derniers mois. La question de l’immigration demeure très sensible au Japon qui craint de connaître une crise migratoire semblable à celle qui touche l’Europe.

Les autorités nippones ont toutefois assoupli les conditions de délivrance des visas pour les touristes asiatiques depuis janvier 2015. Le South China Morning Post rappelle que le nombre de touristes chinois en visite dans l’archipel s’est multiplié sous l’impulsion d’une classe moyenne plus prospère et plus encline à voyager. En 2015, près de 5 millions de Chinois avaient visité le Japon. C’est le double par rapport à 2014 et cela fait des visiteurs chinois le plus important contingent étranger au pays du Soleil levant.

Interrogé par le South China Morning Post, Yoichi Shimada, professeur en relations internationales à l’université de Fukui affirme : « La Chine a une population de 1,4 milliard d’habitants. Il suffirait qu’un pour cent de sa population décide de venir au Japon illégalement pour provoquer un important flux de migrants. » Avant d’enjoindre le Japon de prendre des mesures plus strictes pour lutter contre l’immigration illégale.

Asie du Sud-Est

Bangkok Post – Le temple était bien connu des touristes du monde entier qui s’y pressaient pour se faire photographier devant des tigres apathiques tenus en laisse par des moines. Mis en cause par les médias et par plusieurs organisations de défense des animaux le « temple des tigres » (Wat Pa Luang Ta Maha Bua) du district de Sai Yok à Kanchanaburi est depuis deux jours le théâtre d’une opération de sauvetage de grande envergure au terme de laquelle il devrait être vidé de ses 137 fauves. Mais au-delà du choc face aux bêtes faméliques et hébétées [les tigres, rapportent certaines organisation de défense des animaux, étaient drogués pour s’assurer de leur docilité, NDLR] enfermées dans le temple, les autorités vétérinaires ont fait des découvertes plus terribles encore : quarante bébés tigres, six calaos et un ours ont été trouvés dans le congélateur du temple ainsi que des carcasses de binturongs et des organes d’autres espèces protégées, récupérés quant eux, dans les cuisines. Les tests ADN effectués sur ordre du bureau de la Conservation de la faune sauvage ont confirmé que les bébés tigres étaient bien nés de parents élevés au temple mais n’avaient pas été déclarés ainsi que l’exige la loi.

Les moines qui seront inculpés de cruauté envers les animaux mais aussi de fraude et de trafic illégal d’espèces protégées, n’ont à ce jour pas expliqué ce qu’ils faisaient de tous ces animaux. « N’importe quelle partie de ces animaux sauvages se vend à bon prix sur le marché », a déclaré Tuanjai Noochdamrong, directeur du bureau de la Conservation de la faune sauvage. En Chine, en Corée et dans de nombreux pays d’Asie du Sud-Est, la consommation de tout ou partie de tigres ou d’autres animaux est en effet très prisée. En attendant les résultats de l’enquête sur ce lucratif commerce illégal des moines, l’opération de sauvetage se poursuit et les tigres rescapés devraient retrouver une vie paisible dans les réserves de Khao Pa Son et de Khao Prathap Chang.

Jakarta Globe – Le leader supposé d’un important groupe séparatiste de la province indonésienne de Papouasie a été arrêté ce mardi 31 mai, révèle le Jakarta Globe. Kelenak Telenggen, chef du mouvement de la Papouasie libre (OPM), qui mène une rébellion armée depuis le rattachement controversé de la province à l’Indonésie en 1963, a été appréhendé dans une chambre après une brève course poursuite avec la police, durant laquelle il a été blessé à la cuisse. Il est soupçonné d’être à l’origine de toute une série d’attaques contre les forces de l’ordre indonésiennes mais aussi contre des civils au cours des deux dernières années. Il est notamment accusé d’avoir dirigé les récentes fusillades de Sinak, en mars dernier, qui avaient fait quatre victimes. Trois mois plus tôt, il avait aussi mené plusieurs attaques contre le poste de police de Sinak, entraînant la mort de trois officiers.

Les Papous, peuple de Papouasie occidentale, réclament l’indépendance comme la Papouasie Nouvelle-Guinée, autre moitié de l’île qui l’a obtenue en 1975 après avoir été une colonie australienne. Les forces de sécurité indonésiennes sont régulièrement accusées par les ONG d’exactions contre la population sous couvert d’opérations contre les séparatistes. Le président indonésien Joko Widodo a toutefois promis plus de transparence et de tout mettre en œuvre afin d’améliorer l’économie de cette région défavorisée.

Myanmar Times – Le jade, nerf de la guerre en Birmanie. Le Myanmar Times rapporte ce jeudi 2 juin la création d’un tribunal chargé d’enquêter sur la disparition de près de 100 millions de dollars dans l’industrie du jade durant la gouvernance du président Thein Sein. Un fonds avait été créé sous la direction du ministère des Mines à hauteur de 103 millions de dollars. Mais d’après Win Htein, président du tribunal et directeur général du ministère des Mines, il aurait été asséché pour se retrouver avec seulement 8 millions de dollars disponibles. Win Thien a confirmé la disparition de 96 millions de dollars mais a contesté l’implication de membres de l’ancien gouvernement militaire de Thein Sein, qui a dirigé le pays de 2011 à 2016.

En octobre 2015, l’association Global Witness avait enquêté sur le commerce du jade en Birmanie. Un commerce juteux puisqu’il génère près de 31 milliards de dollars par an, soit 48% du PIB birman. L’association affirme que les bénéfices du commerce du jade profitent principalement aux barons de la drogue et à la famille et aux proches de l’ancien dictateur Than Shwe, prédécesseur de Thein Sein. Le rapport avance que deux des fils de Than Shwe seraient liés à des sociétés qui ont gagné plus de 200 millions de dollars grâce au jade.

Pour l’instant, les recherches menées par le tribunal sont au point mort. Il doit attendre le retour de trois entrepreneurs en voyage à l’étranger. Ce n’est seulement qu’après ces entretiens qu’un rapport sera dressé. Il sera ensuite soumis au ministre des Ressources naturelles qui aura le choix de faire suivre ou non ce rapport au gouvernement.

Asie du Sud

Straits Times – Un scénario inacceptable en 2016. Selon l’Organisation nationale pour le contrôle du Sida (NACO), plus de 2 234 Indiens auraient contracté le VIH dans une période de dix-sept mois après une transfusion sanguine. L’étude fait suite à une demande de « droit à l’information » par Chetan Kothari, un activiste basé à Mumbai. Les données proviennent de l’organe national pour la question du Sida. Kothari a confié à l’AFP qu’il « souhaitait savoir ce que faisait le gouvernement pour assurer l’accès à du sang sans danger » avant d’annoncer que « les données montraient qu’aucun test VIH n’était pratiqué sur le sang malgré la vigilance ». Pourtant selon la loi indienne, les hôpitaux doivent contrôler la présence d’infections notamment le VIH, les hépatites B et C et le paludisme. Mais l’Inde manque des dispositifs médicaux nécessaires pour permettre la transmission du sang en toute sécurité, en particulier dans les zones rurales. Selon le gouvernement, parmi les 1,25 milliard d’Indiens, pas moins de 2,5 millions seraient séropositifs.

Un réprésentant de la NACO a cependant déclaré que les données fournies n’étaient pas scientifiques, parce qu’elles étaient fondées sur des réponses subjectives des patients. En réalité, le chiffre pourrait bien être beaucoup plus élevé. Une véritable bombe à retardement.

Hindustani Times – Un contrat de plusieurs milliards de dollars pour l’Inde. Six réacteurs nucléaires pourraient être construits dans le pays par l’entreprise américaine Westinghouse Electric. Selon l’ambassadeur indien aux États-Unis, l’entreprise spécialisée dans le nucléaire et le gouvernement indien sont au stade des « négociations avancées ». Cette déclaration intervient quelques jours avant la visite prévue pour les 7 et 8 juin prochains, du Premier ministre indien Narendra Modi à Washington. Les seuls points qui restent à aborder sont des affaires de « coût et de financement ». C’est le premier contrat de la sorte depuis que Dehli et Washington ont conclu un accord sur le nucléaire civil en 2008. Celui-ci était destiné à renforcer les relations stratégiques entre les deux pays, mais n’avait pas encore permis d’entreprendre un accord sur le long terme avec les fabricants de réacteurs situés aux États-Unis.

Quelques différends sont néanmoins palpables, notamment concernant la relocalisation du projet dans l’État de l’Andhra Pradesh au sud du pays, alors qu’il était initialement prévu au Gujarat, au Nord-Ouest. Les autorités ont ainsi dû faire face à de vives oppositions de la part de la population locale. Un autre enjeu consistait à accorder les règles de responsabilité en Inde avec les normes internationales. Mais ce problème a vite été résolu en janvier 2015, quand Washington et Dehli ont pu atteindre un « accord innovant » sur la coopération nucléaire, à la grande satisfaction du gouvernement américain.

The Express Tribune – Dans le Waziristan, au nord-ouest du Pakistan, les toits ne sont plus légions. Beaucoup ont été retirés par l’armée de sa lutte contre les Taliban. C’est ce que rapporte The Express Tribune ce jeudi 2 juin. Les militaires affirment que les Taliban ont été délogés du Waziristan, leur ancien bastion. Désormais, le district appartient aux régions tribales (Federally Administered Tribal Areas, FATA) et accueille des milliers de familles de retour dans leur maison mais qui se retrouvent sans abri.

Un officiel affirme que « les militaires ont retiré les toits des maisons pour avoir une meilleure vue aérienne et pour empêcher les Taliban d’y trouver refuge ». Les journalistes ont pu constater depuis les hélicoptères que les habitations étaient exposées aux éléments extérieurs. Reste qu’il est impossible de savoir combien d’entre elles avaient été supprimées par les militaires et combien avaient été endommagées par la météo ou les combats.

En 2009, l’armée pakistanaise avait lancé une opération contre les Taliban et leur leader, Baitullah Mehsud, forçant 72 000 familles à fuir la région. Aujourd’hui, 42 000 familles sont retournées chez elles, et 30 000 sont attendues d’ici la fin de l’année. Les autorités locales ont promis 400 000 roupies pakistanaises, soit 4 000 dollars pour reconstruire leur maison. Mais la population trouve ce montant bien trop insuffisant. Un militaire affirme que 285 millions de dollars sont nécessaires à la reconstruction de la FATA, mais que seuls 48 millions ont été dégagés par le gouvernement. En attendant, le temps passe pour les habitants du Waziristan à quelques mois de l’hiver, connu pour être très rude dans la région.

Par Juliette Morillot, Alice Hérait et Liu Zhifan, avec Sylvie Lasserre Yousafzaï à Islamabad et Anda Djoehana Wiradikarta à Paris

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