L'amour en Chine (2/3) : les gays, damnés du mariage
Contexte
A l’aune de la très longue histoire chinoise, on remarque que dans les manuels de sexe ancestraux remontant à plus de 2500 ans, il y a peu de mention de l’homosexualité masculine du fait que seules étaient traitées les relations conjugales. Plus tard, les relations homosexuelles, pratiquées librement entre adultes, ne posèrent pas de problème moral. Les sources les plus anciennes remontant à la dynastie des Shang et des Zhou (XVIe siècle à 256 avant J.-C.) évoquent l’homosexualité comme une chose courante, notamment dans les chambres royales. A partir de la dynastie des Han (206 avant J.-C. à 220 après J.-C.), des documents officiels mentionnent les relations sexuelles entre les empereurs et de jeunes concubins, lesquelles semblent s’estomper – ou du moins ne plus être mentionnées – jusqu’à la fin de la dynastie des Tang (618-907) pour refaire surface sous les Ming (1368-1644) et les Qing (1644-1911), mais toujours au sein de la classe supérieure.
Tolérée dans la Chine classique, l’homosexualité n’est devenue un acte criminel qu’avec l’arrivée de Mao en 1949. Pendant la Révolution culturelle, les homosexuels faisaient partie des « mauvais éléments », au même titre que les prostituées, les propriétaires terriens, les paysans riches et les contre-révolutionnaires. Après la mort de Mao en 1976 et l’arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping, les réformes économiques et l’ouverture de la Chine sur le monde n’empêchèrent pas une sérieuse répression des homosexuels. Il fallut attendre la fin des années 1990 pour que l’homosexualité ne soit plus passible de prison. En 2001, le ministère de la santé a retiré l’homosexualité de la liste des maladies mentales.
« A ce moment-là, j’ai imaginé quitter la Chine pour le Canada, changer d’identité, trouver un travail, de nouveaux amis là-bas où les mentalités étaient plus ouvertes et tolérantes vis-à-vis des homosexuels. »
Solitude et souffrance
La solitude et le manque de communication avec son entourage professionnel ou même amical pèsent lourd dans le cœur d’Easy. Il existe bien des centaines d’annonces sur Internet pour trouver des couples de lesbiennes qui veulent se marier mais il ne fait pas confiance à ces réseaux, « mêlant business et sexe ».
Après plusieurs semaines sans réponse du patron de la boîte, il reçoit un coup de téléphone d’une fille, Tracy. « Elle voulait se marier exactement pour les mêmes raisons que moi, nous étions semblables sur de nombreux points : dans le design de meubles, avec une vision du monde proche de la mienne, optimiste, dynamique, positive. Aussi étonnant que cela puisse paraître, nous avons eu un coup de foudre mutuel. Quelques mois plus tard, nous nous sommes mariés et nous avons acheté un grand appartement. » L’horizon se dégage, une nouvelle vision de l’avenir s’ouvre à lui et à elle. Les parents ne savent rien. « J’accepte la petite copine de Tracy dans l’appartement, elle est heureuse et je suis heureux, j’ai maintenant un vrai futur devant moi, je maîtrise ma vie, je ne suis pas seul, j’ai une famille et nous aurons des enfants. » Je remarque toutefois qu’Easy ponctue régulièrement ses phrases de « ce n’est pas facile », tout en se réjouissant de sa nouvelle vie si atypique.
En quête de sens et de religion
« Lorsque j’étudie la civilisation indienne, paisible et sereine, j’y vois un rôle primordial joué par la religion. Mais en Chine, nous n’avons pas de religion, excepté le taoïsme et le bouddhisme qui ne sont pas pratiqués de la même façon par les vieux et les jeunes. C’est un énorme problème, nous avons été élevés sans religion ! »

Deux filles, deux garçons et trois couples
« L’amour que nous avons l’un pour l’autre est sincère et plus fort encore que celui qu’elle a pour sa copine ou moi pour mon copain. Notre amour dépasse l’amour. La sexualité est la seule chose qui n’est pas partagée dans notre amour de couple. C’est tout. Mais nous projetons d’avoir un enfant. »
Encore une chose : Easy et Tracy pensent aller aux Pays-Bas pour chacun se marier avec son petit copain et sa petite copine. Ne reste plus qu’une seule pièce à ajouter au puzzle. Easy sourit. « J’aimerais bien que Tom et Sally se marient, ce serait idéal. »
Soutenez-nous !
Asialyst est conçu par une équipe composée à 100 % de bénévoles et grâce à un réseau de contributeurs en Asie ou ailleurs, journalistes, experts, universitaires, consultants ou anciens diplomates... Notre seul but : partager la connaissance de l'Asie au plus large public.
Faire un don