Comprendre l’actualité birmane en BD
Puzzle birman
L’ensemble n’est pas construit selon un plan raisonné ou démonstratif mais comme une succession de rencontres et d’anecdotes. Au fil des pages, on découvre par exemple le moine bouddhiste Wirathu qui « prêche la haine des musulmans ». Le religieux affirme que ces derniers (très minoritaires dans le pays) ont un grand projet d’islamisation forcée de la Birmanie : les hommes musulmans cherchent à épouser des femmes bouddhistes de façon à ce que leurs enfants soient musulmans. Petit à petit, la religion bouddhiste sera rayée de la carte… Ce fantasme des « musulmans qui viennent nous voler nos femmes » se retrouve d’ailleurs à l’identique en Inde où les extrémiste hindous dénoncent en permanence le « love jihad » (« djihad de l’amour ») qui menacerait selon eux la suprématie de la religion hindoue (qui représente pourtant 80% de la population !).
Le sort des minorités – Kachin, Shan ou Karen – est abondamment évoqué via les nombreuses rencontres des auteurs avec des représentants de ces populations qui oscillent entre lutte armée pour l’indépendance et revendications de fédéralisme – rejetées par les militaires qui y voit un risque de sécession. La question explosive des Rohingya revient à plusieurs reprises : rejeté par la majeure partie des Birmans qui voudraient les envoyer au Bangladesh, ce peuple musulman est victime d’une discrimination violente. « L’ONU considère qu’il s’agit d’une des minorités les plus persécutées du monde », écrit l’auteur.
Au fil des rencontres, le reportage évoque le sort – plutôt difficile – des femmes birmanes, fait découvrir le surréaliste « Musée d’éradication de la drogue », décrit des manifestations d’étudiants ou les difficultés de connexion à Internet. Plutôt « brut » (ni léché ni esthétique), le dessin de Benoît Guillaume ne manque pas d’efficacité dans son évocation des multiples facettes de la réalité birmane. Et si au bout du compte le lecteur demeure avec de nombreuses interrogations (sur la réalité de la démocratisation en cours du pays, sur le bien-fondé ou non de la participation de la prix Nobel de la Paix Aung San Suu Kyi à ce processus, etc.), c’est sans doute simplement parce qu’il est trop tôt pour avoir des réponses.
Dessin militant
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