Culture

 

Alexandra David-Néel, héroïne de BD

Extrait de la bande dessinée Alexandra David-Néel, les chemins de Lhassa, par Christian Perrissin (scénario) et Boro Pavlovic (dessins), éditions Glénat.
Extrait de la bande dessinée Alexandra David-Néel, les chemins de Lhassa, par Christian Perrissin (scénario) et Boro Pavlovic (dessins), éditions Glénat. (Crédit : DR)

La vie de l’exploratrice, célèbre pour avoir été la première femme occidentale à atteindre la ville interdite de Lhassa en 1924, fait l’objet de deux adaptations en bande dessinée, aussi différentes que réussies.
Une Occidentale de plus de 50 ans qui se lance dans la traversée des immensités désertiques du Tibet, marche plus de trois ans pour arriver dans une ville totalement interdite aux étrangers, y séjourne en se faisant passer pour une mendiante tibétaine. Voilà une héroïne dont bien des auteurs de bande dessinée ne voudraient pas, a priori, tant elle semblerait passer les bornes du vraisemblable. Et pourtant… C’est la vie bien réelle de la plus célèbre exploratrice française qui vient de donner lieu à deux adaptations BD simultanées, fort réussies et aussi différentes que complémentaires.
Couverture de la BD Une vie avec Alexandra David-Néel, tome 1. (Crédit : DR)

Couverture de la BD Une vie avec Alexandra David-Néel, tome 1. (Crédit : DR)

Extrait de Une vie avec Alexandra David-Néel, tome 1. (Crédit : DR)

Extrait de Une vie avec Alexandra David-Néel, tome 1. (Crédit : DR)

Extrait de Une vie avec Alexandra David-Néel, tome 1. (Crédit : DR)

Extrait de Une vie avec Alexandra David-Néel, tome 1. (Crédit : DR)

Extrait de Une vie avec Alexandra David-Néel, tome 1. (Crédit : DR)

Extrait de Une vie avec Alexandra David-Néel, tome 1. (Crédit : DR)

 
 
 

Quelques planches de la bande dessinée Une vie avec Alexandra David-Néel, tome 1, par Fred Campoy (scénario et dessin) et Mathieu Blanchot (dessin).
*Une vie avec Alexandra David-Néel, tome 1, scénario Fred Campoy, dessin Fred Campoy et Mathieu Blanchot, 96 pages, Editions Grand Angle, 16,90 euros.
La vie de ce personnage de roman est racontée dans Une vie avec Alexandra David-Néel* à travers les souvenirs de celle qui l’a accompagnée pendant ses dix dernières années, Marie-Madeleine Peyronnet. En 1959, cette petite jeune fille sans instruction, n’ayant jamais voyagé, entre au service de la fameuse exploratrice, alors âgée de 90 ans. En mauvaise santé, autoritaire, manipulatrice, la vieille dame fait de la jeune fille « son esclave » (consentante !) et une étonnante relation se noue entre les deux femmes. L’album, premier tome d’une série qui en comptera deux au total, alterne les évocations de la vie quotidienne d’Alexandra David-Néel durant ses dernières années et celle des souvenirs de ses voyages en Asie. Contrairement aux conventions habituelles, les scènes du temps présent (c’est-à-dire les années de 1959 à 1969, date de la mort d’Alexandra à l’âge de cent ans) sont en noir et blanc, tandis que les flashbacks, qui correspondent aux périodes les plus marquantes de la vie de l’exploratrice, sont en couleurs.
A partir du capharnaüm d’objets poussiéreux entassés dans la maison de Digne où Alexandra David-Néel finit ses jours ou des souvenirs que tel ou tel incident de la vie quotidienne lui remet en mémoire, le lecteur découvre la vie de l’exploratrice telle qu’elle s’est dévoilée petit à petit à Marie-Madeleine Peyronnet. Comment Alexandra, après avoir été anarchiste, féministe et cantatrice est devenue bouddhiste, comment en 1911, à l’âge de 43 ans, elle se rend en Inde pour approfondir sa connaissance du bouddhisme – un voyage prévu pour deux ans au plus mais qui en durera finalement quatorze !

Parmi les étapes clés de cette odyssée asiatique figurent la rencontre en 1912 de la Parisienne avec le dalaï-lama alors en exil au Sikkim, celle d’un jeune lama, Aphur Yongden, âgé de quatorze ans, qui l’accompagnera pendant tout son périple et reviendra vivre en France à ses côtés, les deux années passées dans une grotte à 4 000 mètres d’altitude pour suivre l’enseignement d’un maître yogi, le détour par le Japon, la Corée et la Chine, avant les quelque six années consacrées à approcher de Lhassa, capitale d’un Tibet alors complètement interdit aux étrangers.

Car Alexandra combine curieusement, comme le note Marie-Madeleine Peyronnet, une « soif immense de connaissances et de spiritualité » et un « orgueil » qui la pousse à vouloir coûte que coûte être la première femme occidentale à arriver à Lhassa – d’autant plus que les Anglais, qui tiennent alors les routes menant de l’Inde vers le Tibet, veulent l’en empêcher.

Couverture de la bande dessinée Alexandra David-Néel, les chemins de Lhassa. (Crédit : DR)

Extrait de la bande dessinée Alexandra David-Néel, les chemins de Lhassa. (Crédit : DR)

Extrait de la bande dessinée Alexandra David-Néel, les chemins de Lhassa. (Crédit : DR)

Extrait de la bande dessinée Alexandra David-Néel, les chemins de Lhassa. (Crédit : DR)

Extrait de la bande dessinée Alexandra David-Néel, les chemins de Lhassa. (Crédit : DR)

Extrait de la bande dessinée Alexandra David-Néel, les chemins de Lhassa. (Crédit : DR)

Extrait de la bande dessinée Alexandra David-Néel, les chemins de Lhassa. (Crédit : DR)

 
 
 

Extraits de la bande dessinée Alexandra David-Néel, les chemins de Lhassa, par Christian Perrissin (scénario) et Boro Pavlovic (dessins).
*Alexandra David-Néel, les chemins de Lhassa, scénario Christian Perrissin, dessin Boro Pavlovic, 64 pages, Glénat, 14,95 euros.
L’expédition est mise en scène avec force détails dans la deuxième bande dessinée, Alexandra David-Néel, les chemins de Lhassa*, album centré intégralement sur le voyage en Asie de 1911 à 1924. Les difficultés auxquelles sont confrontés Alexandra David-Néel et Aphur sont plus ahurissantes les unes que les autres : le trajet est extraordinairement dur physiquement, surtout pour une quinquagénaire pas particulièrement sportive ; les deux voyageurs risquent la mort par la faim, le froid, l’épuisement, les brigands, etc. Sans compter que leur découverte par les autorités tibétaines pourrait entraîner leur exécution immédiate. Alexandra et Aphur en arrivent à traverser en plein hiver un col que les autochtones jugent infranchissable… Autant d’épreuves récompensées par l’apparition, enfin, d’une vision magique : celle des toits dorés du Potala, l’immense résidence du dalaï-lama qui domine Lhassa. Cette apparition sera d’ailleurs le sommet du voyage : la ville elle-même, où Alexandra séjourne pendant deux mois, se révèle une immense déception, avec « des Chinois partout, » qui « tiennent toutes les boutiques, tous les restaurants », note – déjà ! – l’exploratrice.
Le dessin réaliste de Boro Pavlovic dans Alexandra David-Néel, les chemins de Lhassa évoque à merveille les différentes étapes de ce voyage hors norme, depuis les pluies de mousson au Sikkim jusqu’aux cols enneigés du Tibet en passant par les misérables villages de montagne et leurs habitants. De facture classique et efficace, cet album se présente et se lit comme un récit d’aventure. Une vie avec Alexandra David-Néel se veut plus ambitieux. L’album, qui a bénéficié du soutien du Musée Guimet, offre une plongée captivante dans la personnalité exceptionnelle d’Alexandra David-Néel, sa passion pour la connaissance, son immense ambition et son caractère impossible.

Les relations entre la célèbre exploratrice et sa « dame de compagnie » sont évoquées avec finesse : tout à fait inculte initialement, la jeune Marie-Madeleine en arrive à assister Alexandra dans ses recherches érudites pour l’écriture de ses nombreux livres sur le bouddhisme… Ses velléités de révolte contre l’autoritarisme de sa maîtresse, ses initiatives consistant à éliminer en cachette les souris et autres cafards qui infestent la maison de Digne, chose que les convictions bouddhistes d’Alexandra interdisent formellement, réservent de bons moments. Et le parallèle entre Marie-Madeleine et Aphur, le compagnon inséparable du périple tibétain, se révèle fort intéressant. La parution du tome deux est prévue au début de l’année prochaine. Solidement documentés, les albums comprennent tous deux un dossier d’informations complémentaires.

Par Patrick de Jacquelot

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A propos de l'auteur
Patrick de Jacquelot est journaliste. De 2008 à l’été 2015, il a été correspondant à New Delhi des quotidiens économiques La Tribune (pendant deux ans) et Les Echos (pendant cinq ans), couvrant des sujets comme l’économie, le business, la stratégie des entreprises françaises en Inde, la vie politique et diplomatique, etc. Il a également réalisé de nombreux reportages en Inde et dans les pays voisins comme le Bangladesh, le Sri Lanka ou le Bhoutan pour ces deux quotidiens ainsi que pour le trimestriel Chine Plus. Pour Asialyst, il écrit sur l’Inde et sa région, et tient une chronique ​​"L'Asie dessinée" consacrée aux bandes dessinées parlant de l’Asie.
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