Inde : Modi se rendra-t-il à la canonisation de Mère Teresa ?
Sur le fond, on peut se poser la question de savoir si les demandes des évêques indiens ont une chance d’être exaucées. La requête de voir le pape François visiter leur pays renvoie à une actualité récente. Le 2 mars dernier, le ministre fédéral pakistanais des Ports et des Affaires maritimes, un catholique, était à Rome, en compagnie de son collègue, le ministre fédéral des Affaires religieuses, un musulman, et les deux responsables étaient chargés d’une lettre de leur Premier ministre, Nawaz Sharif, invitant le pape dans leur pays. Une fois la lettre remise au Souverain pontif, les médias pakistanais ont affirmé que le pape avait accepté l’invitation de Nawaz Sharif et qu’il se rendrait dans le pays d’ici la fin 2016. En réalité, aucune visite n’est à l’ordre du jour. Face à la montée des violences islamistes au Pakistan, un tel voyage nécessiterait, sur le plan de la sécurité, un énorme travail en amont.
Mais si une visite du pape au Pakistan ne semble pas devoir être envisagée dans un proche avenir, une visite du pape en Inde est-elle possible ? Les évêques indiens y voient une nécessité « pastorale » : les catholiques représentent entre 16 et 17 millions de fidèles, une toute petite minorité dans un pays très majoritairement hindou de 1,3 milliard d’habitants. La dernière visite d’un pape remonte à 1999, lorsque Jean-Paul II s’était rendu à New Delhi pour donner aux catholiques d’Asie l’exhortation apostolique Ecclesia in Asia, rédigée à la suite de la tenue en 1998 du Synode des évêques pour l’Asie. Une quinzaine d’années plus tard, les nationalistes hindous, qui, à l’époque, avaient vivement manifesté contre la venue dans leur pays du chef de l’Eglise catholique, sont à nouveau au pouvoir à New Delhi, et leur leader, Narendra Modi, pour affable qu’il puisse paraître, est issu du RSS, le cœur idéologique du BJP, parti dont le programme est de faire de l’Inde une nation hindoue, peu disposée à faire une place à ses minorités religieuses.
Concernant Mère Teresa, la posture du BJP est similaire. Les nationalistes hindous n’ont jamais caché leur hostilité à son endroit, que ce soit de son vivant ou depuis sa mort en 1997. Conscients de son immense popularité à l’étranger, ils estimaient qu’elle donnait de l’Inde l’image d’un pays pauvre, se résumant aux trottoirs de Calcutta. Mais, plus fondamentalement, ils tenaient son action auprès des plus pauvres pour une manœuvre visant à les convertir au christianisme, sapant ainsi les fondements hindous de la civilisation indienne. On chercherait en vain dans les discours de Narendra Modi un commentaire marquant son approbation pour l’œuvre de Mère Teresa et les Missionnaires de la Charité. Par conséquent, il apparaît difficile d’envisager que l’actuel Premier ministre de l’Inde puisse représenter son pays à la cérémonie de canonisation du 4 septembre à Rome.
Pour autant, si les visites des évêques indiens auprès du Premier ministre Modi ne parviennent pas à faire en sorte que leur pays invite le pape François à venir sur place ni à ce que le Premier ministre se rende à Rome le 4 septembre prochain, elles ont le mérite de montrer que les relations entre le pouvoir et les chrétiens peuvent être cordiales. Le rapport du département d’Etat américain sur la liberté religieuse dans le monde, publié ce 2 mai, indique une aggravation très nette des attaques dirigées contre les chrétiens en Inde : le nombre d’actes graves répertoriés a grimpé de 120 en 2014 à 365 en 2015, soit un par jour dans un pays où les chrétiens représentent à peine plus de 2 % de la population. Des échanges tout sourire entre Narendra Modi et les évêques catholiques indiens soulignent que ces derniers entendent maintenir des relations cordiales avec un gouvernement démocratiquement élu, et qu’ils recherchent la coopération plutôt que la confrontation avec celui qui est le chef de file des nationalistes hindous.
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