Chine : l’épineuse question du statut d’économie de marché

Soyons honnêtes : la Chine n’est pas une économie de marché. Si elle l’était, le système des prix et la parité de la monnaie ne seraient pas sous le contrôle de l’Etat, le gouvernement ne subventionnerait pas des pans entiers de l’économie et les statistiques officielles ne seraient pas manipulées. La concurrence, elle, ne serait pas faussée et la propriété intellectuelle serait protégée.
Pourquoi la Commission hésite ?
Enfin, la Chine dispose de moyens de pression importants. En effet, ce n’est pas moins de 1 milliard de dollars de marchandises qui sont échangées chaque jour entre l’Europe et la Chine. Un refus d’accorder le fameux Graal impliquerait obligatoirement des représailles de la part de l’Empire du Milieu. Celles-ci concerneraient sa participation au plan de financement, mais toucheraient également les exportations vers la Chine et les entreprises européennes installées dans le pays. Certains observateurs parlent même de guerre économique ! Ce qui n’est toutefois pas prêt d’arriver, la Chine étant encore dépendante de la demande extérieure et des investissements étrangers dans certains domaines (luxe, biens de consommations, agroalimentaires, nouvelles technologies…).
D’un autre côté, une acceptation privilégierait surtout les grands groupes européens qui renforceraient leurs liens commerciaux avec la Chine, dont les débouchés sont incontournables. Les petits industriels seraient les grands perdants, même si le pays a promis de diminuer ses exportations d’acier.
Aujourd’hui, le Royaume-Uni et les Pays-Bas sont favorables, la France et les pays du Sud de l’Europe sont contre, l’Allemagne est partagée, beaucoup de ses industries étant très présentes en Chine. La majorité des parlementaires européens sont contre. Le pôle d’inquiétude se situe au niveau de la Commission, qui doit évaluer les répercussions économiques et diplomatiques en cas de refus.
Pour les médias chinois, il s’agit déjà d’un sujet brûlant. Les tournures de phrases varient mais le sens reste le même : le pays doit juridiquement devenir une économie de marché ; le caractère obligatoire de ce changement est fréquemment mis en avant par Pékin. La rhétorique est plutôt confiante, arguant que la Chine est injustement traitée malgré ses efforts et subit plus qu’elle n’encourage les mesures anti-dumping.
Ainsi, l’Agence Chine Nouvelle insiste sur le fait que l’octroi de ce statut permettrait de renforcer les relations sino-européennes, et que le développement technologique de la Chine ouvrirait de nombreux débouchés aux industries européennes. L’accent est mis sur cette transformation de l’économie, non plus basée sur les exportations mais sur la demande intérieure et les services. L’Europe n’a donc pas à s’inquiéter !
Il est fort probable que ce statut soit accordé. Peut-être sous condition. Mais les enjeux sont trop importants pour risquer des représailles auxquelles nous serons incapables de faire face sans une stratégie de défense commerciale forte. Ainsi, il devient très difficile de refuser les demandes de la Chine du fait de son poids sur la scène internationale, de ses investissements dans des projets européens et de sa puissance de frappe en cas de refus.
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