Corée : les "Descendants du Soleil" à la conquête de l'Asie
Contexte
En décembre 2012, Gangnam Style , du chanteur PSY devenait le clip vidéo le plus visionné de l’histoire de YouTube, dépassant un milliard de vues. En se hissant à la première place du hit parade en Grande-Bretagne, PSY avait réussi là où les artistes plus lisses de la K-Pop avaient échoué malgré leur popularité : conquérir l’Europe.
Son succès est celui de la culture coréenne du divertissement populaire, le hallyu (vague coréenne). Phénomène culturel et économique, le hallyu, générateur d’énormes gains financiers, peut être considéré comme le marqueur symbolique d’une nouvelle ère de rayonnement culturel qui entraîne dans son sillage un engouement massif en Europe et dans le monde pour la Corée, jusqu’ici parent pauvre de ses puissants voisins japonais et chinois.
Paradoxalement, après des siècles d’isolement et de repli ayant engendré une méconnaissance et un manque d’intérêt de l’Occident pour la Corée, c’est la K-pop et les K-drama qui semblent s’être faits les ambassadeurs de la culture du pays du Matin clair. Jamais autant qu’aujourd’hui la langue coréenne n’avait ainsi été étudiée de par le monde. La volonté gouvernementale de promouvoir sa culture à l’étranger et la réactivité des premiers hommes d’affaires qui, dans les années 1990 misèrent sur cette pop culture, expliquent en partie ce phénomène. Cependant, sans l’originalité et le talent de ses artistes, le hallyu aurait fait long feu. Descendants of the Sun est l’illustration de cet incroyable succès made in Korea.
Pour faire monter la tension dramatique des derniers jours, la chaîne coréenne a diffusé des spoilers en ligne annonçant la mort du héros, le capitaine Yu Shi-jin, incarné par l’acteur vedette Song Joong-ki. Une fin tragique imminente d’autant plus insupportable pour les inconditionnels de la série que la société de production NEW (New Entertainment World) a précisé qu’il n’y aurait pas de seconde saison…
La recette du succès
Eunmi et sa mère sont parfaitement représentatives du public séduit par la série: « Nous avons souhaité nous adresser à tous les Coréens, et toutes les générations », explique un membre de l’équipe de production. Song Joong-ki, l’acteur principal, en effet a une trentaine d’années. Il s’est fait connaître dans le long-métrage longtemps en tête du box-office sud-coréen « Loup garou » [« Neukdae Sonyeon » (2012), l’histoire d’un enfant sauvage, du metteur en scène Jo Sung-hee, NDLR]. Song est bon acteur, il a étudié à Sungkyunkwan, une université réputée et « il séduit tout autant les jeunes que les femmes d’un certain âge. » Affichant un sourire gourmand de cougar, Madame Kim précise : « Dans les drama coréens habituels, les personnages sont classiques : jeunes d’un côté et vieux de l’autre, le plus souvent des adultes vivant dans le monde du travail, avec des responsabilités familiales. Là, chacun peut rêver. »
Univers militaire et patriotisme
Mais si la série a battu des records passant de 14% de parts d’audience au premier épisode à plus de 35 au treizième, c’est qu’elle tranche radicalement avec les autres drama qui ont fait la gloire du hallyu, mot à mot la « vague coréenne ». Autrement dit, l’engouement pour une culture sud-coréenne pop et jeune, faite de musique (la K-pop), de bandes dessinées (les manhwa), de films (longs-métrages et séries, les K-drama), qui depuis le début des années 2000 déferle sur l’Asie.
Une invasion culturelle aux allures de revanche pour la Corée, petit pays longtemps éclipsé par ses puissants voisins chinois et japonais. Aujourd’hui de Singapour à Tokyo, en passant par Phnom Penh et Jakarta, c’est vers la Corée que regarde la jeunesse. Qui a oublié le tub planétaire Gangnam Style du chanteur PSY ?
« Nous ne sommes plus des assistés, s’exclame le sergent Cho B.-J.-, actuellement en poste non loin du 38ème parallèle qui sépare les deux Corées. Nous pouvons défendre notre identité asiatique et nos valeurs et aider ces continents occidentaux qui nous considéraient comme inférieurs. Moi, je suis prêt à mourir pour mon pays ! »
S’inspirer du modèle coréen
Et dans l’Empire du milieu, la reconnaissance a été globale, même au plus haut niveau. Dans un éditorial, le très officiel Quotidien de l’Armée populaire de libération a même loué ces « Descendants du Soleil », y voyant une « remarquable publicité pour la conscription » suggérant même que la Chine prenne modèle sur cette faculté coréenne de mise en scène de « l’esprit national ». Un engouement tel que le ministère de la Sécurité publique, soucieux de la santé des aficionados de la série, les a mis en garde contre le danger addictif des K-drama. Les fans pouvant « par leur engouement pour les héros du film et notamment pour Song Joong-ki, plein de charme, adopter des comportements déplacés et blesser les personnes de leur entourage qui réellement tiennent à eux. Une telle attitude pouvant entraîner des problèmes juridiques. » Autrement dit, pas question de délaisser son mari pour s’amouracher d’un acteur ! Un conseil important en Chine où l’augmentation du nombre de divorces, en hausse constante depuis une dizaine d’années, inquiète les autorités.
Mais il n’y a pas qu’en Chine où la série fait un tabac : en Thaïlande, le Premier ministre, le général Prayuth Chan-ocha qui a pris le pouvoir en mai 2014 à la faveur d’un coup d’Etat, s’est quant à lui réjoui de l’image positive de l’armée que renvoyait la série. Il a donc conseillé à ses concitoyens de la regarder, tout en regrettant la jeunesse bourrée de charme mais « peu crédible » du jeune acteur vedette. Pas sûr toutefois qu’un homme expérimenté du même âge – 62 ans !- que le chef de la junte thaïlandaise, ait eu le même impact sur la gent féminine…
Objectif: attirer les touristes
En attendant, « Les Descendants du Soleil » poursuivent leur chemin vers la gloire et auraient même atteint le cœur de l’imprenable citadelle nord-coréenne. D’après de récents témoignages, les clés USB des derniers épisodes s’arracheraient déjà à prix d’or au marché noir à Pyongyang…
Soutenez-nous !
Asialyst est conçu par une équipe composée à 100 % de bénévoles et grâce à un réseau de contributeurs en Asie ou ailleurs, journalistes, experts, universitaires, consultants ou anciens diplomates... Notre seul but : partager la connaissance de l'Asie au plus large public.
Faire un don