Objets connectés en Corée : qu’importe si nos robots domestiques discutent dans notre dos ?
Au pays où tout va pali pali (« vite, vite »), l’adoption des nouvelles technologies prend beaucoup moins de temps qu’ailleurs, surtout quand on leur colle le label du moment – soit au choix : « smart », « convergence », « ubiquité », ou encore « big data »), et lorsqu’elles portent les couleurs du pays.
Au-delà des smartphones, quasi omniprésents depuis un moment, les objets intelligents ont envahi le quotidien, et beaucoup vous adressent déjà la parole à longueur de journée !
Votre porte d’entrée vous accueille dès que vous l’ouvrez du pouce (plus besoin de clef, bien sûr !), votre robot aspirateur vous tient au courant de ses avancées en se baladant dans la maison, votre système domotique central vous informe que la voiture de votre épouse vient de gagner sa place de parking (en lui envoyant au passage l’ascenseur), votre four discute avec vous sur LINE, l’application de messages instantanés ; et vous vous surprenez parfois à répondre à votre autocuiseur de riz, ou à chanter en chœur avec votre frigidaire.
Alors, combien d’hologrammes de sucre dans votre expresso ?
En effet, ici en Corée, tout devient « smart » : les objets, la maison, la voiture, ou encore la ville nouvelle de Songdo (dans la région d’Incheon) – cette espèce de Brasilia 3.0 gagnée sur la mer et combinant avec plus ou moins de bonheur high-tech du troisième millénaire et urbanisme des années 50.
Même les humains essayent de suivre le mouvement : le gouvernement souhaite que tous les enfants apprennent à coder, et le FabLab de Séoul propose aux adolescents de jouer aux créateurs en herbe avec Arduino (une plateforme destinée à la programmation multimédia interactive), des imprimantes 3D, des capteurs… et tout ce qui leur passe par la tête.
Très au fait des innovations, comme par exemple sur la maison intelligente comme le montre la récente étude de Gfk, les Coréens se doutent bien que le progrès a un coût, et pas seulement pour se payer des produits et services, mais l’heure ne semble pas encore aux choix existentiels.
Et s’ils se plaignent de plus en plus de leur asservissement aux objets communicants, ils sont pourtant moins regardants pour leurs champions nationaux que pour les constructeurs étrangers en matière d’intrusions dans leur vie privée. Ainsi, c’est sous la pression internationale que Samsung a dû revoir ses conditions qui autorisaient ses « smart TV » à enregistrer des conversations dans les foyers équipés.
Il y a des décennies, les conglomérats locaux s’étaient vu interdire le marché du petit électroménager pour laisser des miettes aux petits constructeurs du cru, mais comme tous les gros du secteur, ils cherchent depuis à imposer leurs solutions sur l’ensemble de l’internet des objets. Et chaque prouesse technologique des Samsung ou LG reste célébrée comme une victoire de l’équipe nationale.
De même, toute la Corée vibre lorsque DRC-HUBO, le robot de l’institut KAIST, triomphe au dernier défi DARPA ( soit Defense Advanced Research Projects Agency, donc l’agence du département de la Défense américaine chargée de la recherche et développement des nouvelles technologies destinées à un usage militaire)… mais en même temps, seule une faible minorité d’employés est confiante dans sa capacité à mieux faire son propre job qu’un robot doté d’intelligence artificielle…
Pour autant, « le soulèvement des machines » est-il pour demain ?
Pour le moment, peu importe, semble nous répondre la Corée, qui donne même l’impression de vouloir déjà tendre l’autre joue : ainsi, intervenue pour libérer une femme dont les cheveux étaient coincés dans son robot aspirateur, la police a relâché le suspect qui ne faisait que son travail pendant que sa propriétaire dormait. De même, la fédération de go locale a élevé AlphaGo au rang de maître neuvième dan – l’air de vouloir dire : « sans rancune, et même merci d’avoir laissé Lee Se-dol gagner une des cinq parties » – ; et les autorités ont accordé un premier permis de rouler à une voiture autonome.
On peut se demander si, le jour où cette Hyundai Genesis laissera un humain prendre le volant, elle risquera une amende pour conduite sous influence.
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