Indonésie : l'enjeu des infrastructures
Les infrastructures se sont améliorées à un rythme moins rapide que dans les pays voisins, dans une région où il faut « courir pour rester sur place ». L’Indonésie ne court pas assez vite. La diffusion du téléphone portable a facilité les contacts – Jakarta serait la « capital » des tweets – mais le débit est également plus lent qu’ailleurs en Asie. Les coûts de logistique représenteraient 25 points de PIB, le taux le plus élevé de la région et la situation des infrastructures est avec la formation une contrainte majeure au développement de cet archipel de 15 000 îles accrochées à l’équateur sur la distance qui sépare Paris de Moscou.
La rupture de la crise asiatique
En 2005, à la suite du tsunami qui a ravagé la province d’Aceh au nord de Sumatra, le gouvernement a organisé plusieurs conférences pour attirer des entreprises étrangères dans des projets d’infrastructure. Faute de moyens, l’Etat a placé ses espoirs dans les partenariats public-privé. Sans beaucoup de succès. Les entreprises hésitent à s’engager sans maîtrise des tarifs (ainsi les péages d’autoroute) dans des projets de long terme où c’est moins la gestion de l’infrastructure que la valorisation des emplacements commerciaux qui assure la rentabilité. Les difficultés d’accès au foncier et le manque de confiance dans le cadre juridique rebutent les investisseurs.
La croissance a repris à un rythme plus lent qu’avant la crise asiatique et les infrastructures n’ont pas suivi. L’Indonésie a ainsi été mise à l’écart des chaînes globales de valeur (électronique et textile) et la croissance de la production (et des exportations) manufacturière a ralenti.
Le choix des subventions
Figurant au programme du président SBY, la réforme des subventions a été abandonnée. Elu en 2014, le président Jokowi qui avait été maire de Solo et de Jakarta, l’a mise en œuvre en bénéficiant de la conjoncture favorable créée par la baisse des cours du pétrole. En diminuant la subvention, le budget dégage des ressources pour la construction d’infrastructures.
Le gouvernement SBY avait annoncé 438 milliards de dollars d’investissement dans les infrastructures entre 2011 et 2015, faute de ressources budgétaires et d’appétence des investisseurs. Cet objectif n’a pas été atteint. Le nouveau plan prévoit 450 milliards de dollars pour les routes, les barrages, les ports et les centrales électriques entre 2015 et 2019, et espère que le secteur privé en assurera 70 %. En se reposant sur les entreprises, il réalise des économies à court terme et crée des problèmes de coordination à moyen terme.
Un arbitrage politique
Non seulement ce projet ne sera pas financé par l’argent du contribuable, mais le prêt de la CDB n’alourdira pas la dette publique. Du moins en théorie, car en cas de défaut de paiement, le gouvernement viendrait sûrement à la rescousse des sociétés d’Etat. Cinq jours après la cérémonie de lancement, les travaux ont été suspendus car PT Kereta Cepat Indonesia China n’avait pas demandé toutes les autorisations. Coupant court aux rumeurs, le président a publié une liste de 200 projets prioritaires dans laquelle figure la ligne Jakarta-Bandung. Les Chinois se sont engagés à l’achever avant les prochaines élections présidentielles de 2019. Un succès chinois serait de bon augure pour un second mandat de Joko Widodo. Il n’est pas assuré. Certes les Chinois mettront les bouchées doubles pour respecter les délais : réaliser cette ligne qui s’inscrit dans le programme « One belt One road » (Nouvelle route de la soie), leur servira de référence. Capables de construire des milliers kilomètres de chemin de fer à grande vitesse chez eux, les Chinois seront confrontés en Indonésie à des défis qui ne sont pas seulement techniques : pour construire la ligne, ils vont ainsi devoir acquérir 600 hectares de terrains occupés par 2 300 familles dans un pays où les expropriations ne se règlent pas manu militari.
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