Politique
Entretien

A Taïwan, on pouvait "lire l'espoir sur les visages"

Supporters du Parti Démocrate-progressiste (DPP) lors du dernier meeting de Tsai Ing-wen, la chef du DPP, devant le palais présidentiel à Taipei, le 15 janvier 2016, la veille de sa victoire historique.
Supporters du Parti Démocrate-progressiste (DPP) lors du dernier meeting de Tsai Ing-wen, la chef du DPP, devant le palais présidentiel à Taipei, le 15 janvier 2016, la veille de sa victoire historique. (Copyright : Rattana Vandy)
Rattana Vandy a beau être un artiste cambodgien dont le matériau principal est l’histoire de son pays, cela ne l’empêche pas de s’intéresser à des cultures politiques différentes de la sienne. Après la France qui élisait François Hollande en avril 2012, c’est à Taiwan qu’il a travaillé à saisir le reflet des discours politiques dans les yeux agrandis des électeurs et des militants. Il a suivi le dernier grand meeting du Parti démocrate-progressiste (DPP- dont la candidate Tsai Ing-wen, a remporté l’élection présidentielle, le 16 janvier dernier), qui avait lieu la veille du scrutin, face au Palais présidentiel à Taipei, ainsi que le grand rassemblement devant le siège du parti, pour le décompte télévisé des résultats et la fête de la victoire. Hubert Kilian l’a rencontré à Taipei.

Entretien

Rattana Vandy est né en 1980 à Phnom-Penh au Cambodge. Il a commencé à photographier pour construire une forme de continuité historique face au manque d’informations physiques sur les histoires individuelles, non officielles, et les monuments de sa culture. Son travail récent est marqué par une rupture philosophique de la relation existante entre l’historiographie et la production de l’image. Pour Rattana Vandy, les photographies sont des constructions fictives dotées de surfaces abstraites et poétiques, et forment des histoires en tant que telles. Récemment, il s’est intéressé à la réalisation. « MONOLOGUE », son avant-dernier court-métrage, a été montré au Jeu de Paume à Paris, au CAPC à Bordeaux en 2015. Bomb Ponds (à la rencontre des villageois qui ont subi les bombardements américains au Cambodge) a été montré à l’Asia Society, à New York (2013). Cette année, il a également exposé au Rockund Art Museum à Shanghai, dans le cadre du HUGO BOSS ASIA ART Award.

Lors du dernier meeting de Tsai Ing-wen devant le palais présidentiel à Taipei, le 15 janvier 2016.

Lors du dernier meeting de Tsai Ing-wen devant le palais présidentiel à Taipei, le 15 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

Lors du dernier meeting de Tsai Ing-wen devant le palais présidentiel à Taipei, le 15 janvier 2016.

Lors du dernier meeting de Tsai Ing-wen devant le palais présidentiel à Taipei, le 15 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

Lors du dernier meeting de Tsai Ing-wen devant le palais présidentiel à Taipei, le 15 janvier 2016.

Lors du dernier meeting de Tsai Ing-wen devant le palais présidentiel à Taipei, le 15 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

Lors du dernier meeting de Tsai Ing-wen devant le palais présidentiel à Taipei, le 15 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016.

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016.

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016.

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016.

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016.

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016.

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016.

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016.

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016.

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016.

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016.

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016.

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016.

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016.

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016.

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016.

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016.

Lors de la proclamation des résultats devant le siège du Parti Démocrate-progressiste à Taipei, le 16 janvier 2016. (Copyright : Rattana Vandy)

 
 
 

Une série photo réalisée par Rattana Vandy à Taïwan en 2016 dans les meetings électoraux du Parti Démocrate-progressiste (DPP), lors de la dernière campagne qui a vu le 16 janvier 2016 l’élection de Tsai Ing-wen, leader du parti, et la majorité absolue obtenue au Parlement taïwanais.
Pourquoi avez-vous décidé de photographier les meetings du Parti Démocrate progressiste (DPP) pour ces élections présidentielles et législatives ?
Rattana Vandy : C’est d’abord une occasion particulière, unique, puisque cela n’arrive que tous les quatre ans. Ensuite, c’est un moment assez extatique à cause des enjeux politiques. Les gens étaient très excités et on pouvait facilement lire ces émotions sur leur visage. C’est très intéressant de les observer ! On découvre des choses incroyables telles que cette dame qui porte son chien pour qu’il voit mieux la scène ou cet aveugle venu simplement écouter les ambiances et les discours. C’est passionnant de voir des gens aussi différents venir des quatre coins de la société taïwanaise pour assister à ces meetings. Bien sûr, tout le monde était convaincu de la victoire du DPP et c’est ce qui s’est produit, mais c’était quelque chose de renversant pour tous ces gens. C’est ce que j’ai voulu montrer.
Pourquoi ne pas aussi photographier les meetings du Kuomintang ?
Cette année, c’est la victoire du DPP et c’est l’année du DPP. Je suis plus intéressé par l’approche de la victoire que par celle de la défaite. Ce qui m’intéresse, c’est de photographier ces expressions dominées par une émotion irrésistible, l’espoir et la victoire. C’est un peu comme un chaos émotionnel qu’il faut saisir. Quand on mène un projet de ce type, on a un certain nombre d’attentes et j’ai décidé de tourner mon objectif vers les gens ordinaires. Je ne suis pas intéressé par les politiciens qui font leur show sur l’estrade, ils ne sont ni sincères, ni authentiques, ni intéressants car ils sont préfabriqués et se comportent comme des acteurs sur une scène.

Les gens ordinaires sont submergés par leurs émotions, n’arrivent pas à les cacher et c’est parfois assez drôle. Naturellement, c’est vers eux que j’ai tourné mon appareil photo. C’est une approche qui peut effectivement rappeler la démarche d’Henri Cartier-Bresson lorsqu’il était à Londres pour photographier l’anniversaire de la Reine Elisabeth II, en 1977. Mais ce n’est pas à lui que j’ai pensé en réalisant cette série.

Comment regardes-tu la démocratie taïwanaise et les Taïwanais qui s’y impliquent, alors que toi, tu es cambodgien ?
Si je compare avec le Cambodge, les Cambodgiens sont plus expressifs car ils sont beaucoup plus en colère. Ils n’ont pas encore obtenu ce qu’ils réclament et on lit la frustration sur leur visage. Ils crient beaucoup plus et sont parfois violents. Les Taïwanais, eux, sont plus détendus et prennent davantage de plaisir aux réunions politiques. Ils sont beaucoup plus dramatiques. En Asie, la démocratie est encore en phase de maturation. A Taïwan, je suis toujours surpris de voir la mise en scène du propos politique, avec une mise en musique et le recours à des stratégies théâtrales. Les gens ici sont beaucoup plus passifs et ils ne s’impliquent pas de la même façon. Le meeting politique est plus un show, un spectacle qu’ils viennent regarder et où les idées, les programmes n’ont pas vraiment de place centrale.

C’est encore très différent des meetings politiques français où les idées priment et les programmes sont longuement exposés. J’ai photographié certaines manifestations durant la campagne électorale de François Hollande, ainsi que le rassemblement de la victoire. Je pense que les Français sont les plus impliqués sur le plan de cette expression politique. Ils sont beaucoup plus connectés avec ce qui se passe sur la scène. Ils ne viennent pas voir un show, ils viennent s’impliquer dans un discours politique, c’est très différent de Taïwan. Les Français sont très sérieux et très vigilants, notamment sur la plan des libertés publiques, et cela se lit sur leur visage. Les ambiances, les sons, la lumière, le type de foule, tout est différent. Les enjeux sont importants et cela se voit.

Au Cambodge, on vote pour ceux qui sont capables de nous protéger, mais personne ne s’interroge réellement sur le sens de la démocratie. En Asie, on se préoccupe moins de la liberté d’expression, mais seulement de la protection des propriétés et des intérêts économiques. On vote pour protéger ses intérêts, pour protéger sa liberté économique, mais pas vraiment pour protéger les libertés publiques. C’est la principale différence que je constate avec la France.

Sur le plan de la technique photographique, quelles difficultés avez-vous rencontré ?
J’ai essayé de montrer l’émotion qui chavire les gens et les espoirs générés par cette élection. Exceptionnellement, j’ai utilisé un zoom, un 28-70 mm, car je pense que c’est l’objectif le plus adapté à ce type de manifestation, plutôt qu’une focale fixe. C’est assez difficile de réaliser ces séries parce que vous êtes vous-mêmes emporté par l’émotion du moment. Il faut chercher les angles sans relâche. Sur le plan de la réaction des gens, c’est relativement facile de se confronter aux Taïwanais. Ils sont malgré tout très conscients de la présence de l’objectif et font preuve de curiosité et de suspicion. Mais au bout de quelques photos, ils se détournent ou se désintéressent de la présence de l’objectif. J’aime que les gens me regardent quand je prends la photo.

Il y a un deuxième aspect que j’ai souhaité montrer, c’est cette idée de technologie qui joue un rôle nouveau. Les spectateurs sont interconnectés grâce au téléphone intelligent. Cette combinaison de nouvelles technologies et des gens qui se mobilisent est très intéressante, et on peut la lire à Taïwan.

Quels sont vos prochains projets ?
J’ai beaucoup de projets en cours. Je dois retourner au Cambodge pour continuer à photographier les cratères des bombes américaines. C’est un projet à l’échelle d’une vie, qui est très important pour moi. J’envisage aussi un projet photo sur la communauté cambodgienne à Taïwan puisque ils sont de plus en plus nombreux, environ 4 000 personnes.
Propos recueillis par Hubert Kilian à Taipei

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A propos de l'auteur
Hubert Kilian vit à Taiwan depuis 2003 où il a travaillé comme journaliste pour des publications et des médias gouvernementaux. Il a régulièrement contribué à la revue "China Analysis". Il suit les questions de politiques étrangères et continentales à Taïwan, ainsi que certaines questions de société. Photographe, il a exposé à Paris, Taipei et Bandung.