A Taïwan, on pouvait "lire l'espoir sur les visages"
Entretien
Rattana Vandy est né en 1980 à Phnom-Penh au Cambodge. Il a commencé à photographier pour construire une forme de continuité historique face au manque d’informations physiques sur les histoires individuelles, non officielles, et les monuments de sa culture. Son travail récent est marqué par une rupture philosophique de la relation existante entre l’historiographie et la production de l’image. Pour Rattana Vandy, les photographies sont des constructions fictives dotées de surfaces abstraites et poétiques, et forment des histoires en tant que telles. Récemment, il s’est intéressé à la réalisation. « MONOLOGUE », son avant-dernier court-métrage, a été montré au Jeu de Paume à Paris, au CAPC à Bordeaux en 2015. Bomb Ponds (à la rencontre des villageois qui ont subi les bombardements américains au Cambodge) a été montré à l’Asia Society, à New York (2013). Cette année, il a également exposé au Rockund Art Museum à Shanghai, dans le cadre du HUGO BOSS ASIA ART Award.
Les gens ordinaires sont submergés par leurs émotions, n’arrivent pas à les cacher et c’est parfois assez drôle. Naturellement, c’est vers eux que j’ai tourné mon appareil photo. C’est une approche qui peut effectivement rappeler la démarche d’Henri Cartier-Bresson lorsqu’il était à Londres pour photographier l’anniversaire de la Reine Elisabeth II, en 1977. Mais ce n’est pas à lui que j’ai pensé en réalisant cette série.
C’est encore très différent des meetings politiques français où les idées priment et les programmes sont longuement exposés. J’ai photographié certaines manifestations durant la campagne électorale de François Hollande, ainsi que le rassemblement de la victoire. Je pense que les Français sont les plus impliqués sur le plan de cette expression politique. Ils sont beaucoup plus connectés avec ce qui se passe sur la scène. Ils ne viennent pas voir un show, ils viennent s’impliquer dans un discours politique, c’est très différent de Taïwan. Les Français sont très sérieux et très vigilants, notamment sur la plan des libertés publiques, et cela se lit sur leur visage. Les ambiances, les sons, la lumière, le type de foule, tout est différent. Les enjeux sont importants et cela se voit.
Au Cambodge, on vote pour ceux qui sont capables de nous protéger, mais personne ne s’interroge réellement sur le sens de la démocratie. En Asie, on se préoccupe moins de la liberté d’expression, mais seulement de la protection des propriétés et des intérêts économiques. On vote pour protéger ses intérêts, pour protéger sa liberté économique, mais pas vraiment pour protéger les libertés publiques. C’est la principale différence que je constate avec la France.
Il y a un deuxième aspect que j’ai souhaité montrer, c’est cette idée de technologie qui joue un rôle nouveau. Les spectateurs sont interconnectés grâce au téléphone intelligent. Cette combinaison de nouvelles technologies et des gens qui se mobilisent est très intéressante, et on peut la lire à Taïwan.
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