Les figurines protectrices des foyers japonais
Des singes ficelés contre les sorts
Le nombre de poupées dépend en général du nombre de personnes vivant sous le même toit. La plus grosse, pouvant atteindre une quinzaine de centimètres, est située en haut et représente le père ; la seconde la mère et les suivantes les enfants. Selon l’usage, lorsqu’un membre de la famille sort le matin, il touche la figurine à qui il est associé pour être protégé durant sa journée. Mais certains habitants, craignant que les cambrioleurs ne repèrent la taille de leur foyer, les accrochent à l’intérieur.
Auparavant limitée aux quartiers cités plus haut, la présence de ces poupées est à présent plus large. Les singes ficelés sont vendus dans de nombreuses boutiques. Les acheteurs pourront les suspendre dans leur entrée, en guise de décoration ou de protection contre l’intrusion de démons, pour ceux qui ne souhaitent pas passer une nuit blanche tous les deux mois.
Les shîsâ : mi-chiens mi-lions
À l’origine, les shîsâ étaient l’emblème de l’autorité et du prestige, mais servaient également de protection ou de décoration dans les temples et les maisons des nobles. C’est depuis l’ère Meiji (1868-1912), une fois l’interdiction d’installer des tuiles sur les maisons des roturiers, que la pratique s’est démocratisée.
Pour une protection générale de la maison, il convient d’orienter ces statuettes vers la rue. Les habitants les installent aussi vers le Nord-Est pour préserver leur habitation des dégâts causés par les rafales de vent, ou vers le Sud pour se mettre à l’abri des incendies. Mais les shîsâ sont surtout des éléments de décoration et sont d’autant plus beaux placés sur des tuiles rouges, avec un ciel bleu en arrière-plan. Il est aujourd’hui courant de les rencontrer dans les autres îles du Japon, en Kansai par exemple (la région autour d’Ôsaka), où le mâle et la femelle sont souvent placés à l’entrée des maisons, à l’instar des koma-inu entourant les portiques shintoïstes. « J’ai reçu ce couple de shîsâ en cadeau il y a plus de vingt ans, confie une habitante d’un quartier de Nara. Depuis, quelques voisins en ont aussi placés de chaque côté de leur portail. »
Shôki-san : Croire aux barbus
Mais ce quartier renferme d’autres curiosités, qui passent souvent inaperçues. Il suffit pourtant de lever les yeux vers les avant-toits des belles maisons aux antiques façades pour découvrir les statuettes. Faites en tuile gris argenté, elles représentent des hommes barbus appelés Shôki-san (« Monsieur Shôki »). Mais leur taille est un trompe-l’œil : une épée le plus souvent à la main droite, ces guerriers d’origine chinoise ne sont pas que là pour décorer. Censés protéger les maisons des esprits malveillants, ils sont aussi efficaces contre les incendies et les maladies. « On en compte environ 3 000 dans la ville de Kyôto », estime Masaki Ozawa, auteur de Let’s Find Out Shoki-san!!.
Selon la légende, suite au suicide de Zhong Kui (Shôki en japonais) après son échec à l’examen impérial, le fondateur de la dynastie Tang lui offrit de belles funérailles en hommage. Pour exprimer sa reconnaissance, Shôki se manifesta des années plus tard dans le rêve du sixième empereur chinois, alors mal en point, et chassa les démons qui l’assaillaient. Le souverain se réveilla guéri, puis fit dessiner le personnage qui lui était apparu. Depuis ce jour, ce dessin est censé protéger les foyers dans lesquels il est accroché. « Ce n’est qu’une légende, qui s’est toutefois propagée jusqu’au Japon sous l’influence du taoïsme », explique Masaki Ozawa. Les statuettes de terre cuite ont quant à elles probablement surgi au début du XIXe siècle, en prenant place sur les auvents des habitations.
Geishas et pourfendeurs de démons cohabitent parfaitement ici et ont quelques points communs. D’abord, tous deux voient leur nombre diminuer, la coutume devenant selon certains peu à peu obsolète. Ensuite, ils ne se cantonnent pas uniquement à Kyôto : si l’on croise encore des geishas dans d’autres régions, telle Tôkyô ou Gifu, il est également possible de découvrir de belles statuettes dans d’autres préfectures, comme Ôsaka, Nara ou Shiga. Histoire de donner quelques pistes aux chercheurs de trésors et autres chasseurs d’images.
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