Environnement
La COP21 vue du Forum Chine-Europe

 

Après la COP21, quelle gouvernance pour le climat ?

Wang Shi, Pdg du groupe chinois Vanke, le 2 décembre 2015.
Wang Shi, Pdg du groupe chinois Vanke, le 2 décembre 2015. (Copyright : S. M.)

Contexte

La COP21 s’est conclue sur un accord approuvé par l’ensemble des Etats parties à la Conférence climat de Paris. 100 milliards de dollars par an promis par les pays développés pour aider les pays en développement à réduire leurs émissions de gaz à effets de serre, révision tous les cinq ans des objectifs de réduction des émissions, réchauffement contenu en dessous de 2°C en tentant de se rapprocher des 1,5°C… Le contenu de l’accord « historique » de Paris sera à évaluer dans les années qui viennent. Au-dela des engagements des Etats, beaucoup dépendra aussi de la mobilisation de la société civile, qui s’est fortement mobilisée au Bourget début décembre. Nous revenons sur l’expérience du Forum Chine-Europe, une ONG en immersion dans la COP21. Une ONG dont le rôle est ici de mettre en réseau la Chine et l’Europe sur le climat et le développement durable.

Le Forum Chine-Europe (FCE) a été fondé en octobre 2005 à l’initiative de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’Homme (FPH) et de l’Association des Intellectuels chinois en Europe, avec le soutien de la Henry Fok Foundation et de la Macao Foundation.

Participer à la COP21 n’était pas tout. Il fallait partager les expériences entre Chinois et Européens. Après le side-event « Face au changement climatique, repenser notre modèle de développement global, Acte II » organisé le 1er décembre au Bourget à l’espace Génération Climat, une centaine de participants chinois ont donc poursuivi leurs activités en France et en Belgique. Au programme des 2 et 3 décembre, une série de visites dans des grandes entreprises françaises : Saint-Gobain, Schneider et Vinci, avant de se rendre à Bruxelles pour une journée d’échanges et la visite d’un éco-quartier.
Ces activités font partie d’un programme élaboré, à l’occasion de la COP 21, dans le cadre de la Plateforme verte Chine-Europe, une initiative lancée par le Forum Chine-Europe et l’Institut de recherches philanthropiques de Chine. Elle a pour objectif de promouvoir les échanges d’informations, le partage d’expériences et les débats sur des sujets portant aussi bien sur l’aspect technique que sur celui de la gouvernance en matière de transition écologique entre les ONG, les villes et les entreprises de Chine et d’Europe.

Au Domolab de Saint-Gobain : bâtiments basse consommation et atténuation du changement climatique

Au Domolab de Saint-Gobain à Aubervilliers, le 2 décembre 2015.
Au Domolab de Saint-Gobain à Aubervilliers, le 2 décembre 2015. (Copyright : Wenqi)
Le délégué général Asie-Pacifique du groupe Saint-Gobain, Nicolas Nie, lors de la visite du Domolab de Saint-Gobain à Aubervillers, co-organisée par le Forum Chine-Europe le 2 décembre 2015.
Le délégué général Asie-Pacifique du groupe Saint-Gobain, Nicolas Nie, lors de la visite du Domolab de Saint-Gobain à Aubervillers, co-organisée par le Forum Chine-Europe le 2 décembre 2015. (Copyright : S. M.)
A Aubervilliers, le centre d’innovation de Saint-Gobain appelé le « Domolab » est un ancien centre de stockage transformé en bâtiment de basse consommation. La responsable du centre, Ghislaine Bagdi, a montré aux visiteurs comment les différents traitements sur les verres peuvent apporter autant d’effets thermiques divers et optiques en fonction des besoins du bâtiment.
Le délégué général Asie-Pacifique du groupe Saint-Gobain, Nicolas Nie, explique les principales activités du groupe en Asie, notamment en Chine :
« Nous sommes le plus grand groupe producteur de matériaux de construction au niveau mondial, nos produits principaux sont des verres pour bâtiment. En Chine, nous apportons de la haute technologie et des produits à haute capacité en économie d’énergie ; nous apportons également des conseils pour aider les entreprises et les gouvernements à tous les niveaux à construire des bâtiments de basse consommation puisqu’il s’agit de réduire nos émissions et d’atténuer les effets du changement climatique. Nous y participons activement en Chine aussi bien dans le domaine du bâtiment que dans les campagnes de sensibilisation pour l’efficacité énergétique. Par exemple, nous sommes membre de la Commission des Habitats Verts en Chine. Nous soutenons également activement des ONG comme Greenpeace, par exemple. »

Chez Schneider : contre le gaspillage d’énergie

La visite du groupe Schneider se déroule sur un tout autre registre. Nous sommes dans un univers de câbles et d’appareils électroniques. Il s’agit de la gestion d’énergie, comme l’explique Wang Jie, la vice-présidente du groupe Schneider en Chine : « Cela fait déjà presque 28 ans que Schneider s’est installé en Chine. Nos activités principales dans le pays sont l’efficacité énergétique et l’automatisme industriel. Nous fournissons des mesures qui permettent une utilisation optimale de l’énergie aussi bien pour les infrastructures, les habitations que pour les centres de stockage des données. Les exemples de réussite ne manquent pas en Chine. Par exemple, nous avons fourni en très peu de temps un système de gestion d’énergie au groupe immobilier SOHO pour un bâtiment nouvellement construit, ce qui a permis une économie d’énergie de 15 % l’année même de la mise en place du système ! Un autre exemple : pour une usine de production de ciment, nous avons utilisé un système combiné qui associe un logiciel de gestion avec des mesures concrètes de réduction d’émissions, qui a donné des résultats très prometteurs. L’objectif de Schneider est d’aider nos clients à ne pas gaspiller d’énergie. Car, c’est bien d’utiliser l’énergie renouvelable, mais c’est encore mieux de consommer moins d’énergie. »
Christian Caye, délégué au développement durable du groupe Vinci, le 2 décembre 2015.
Christian Caye, délégué au développement durable du groupe Vinci, le 2 décembre 2015. (Copyright : Wenqi)
Le programme de la journée s’est achevé par la visite du groupe Vinci. La délégation chinoise a pu y découvrir de manière privilégiée l’engagement du groupe français en matière de développement durable et certaines de ses réalisations spectaculaires comme la Fondation Louis Vuitton. Christian Caye, délégué au développement durable a également présenté la Fabrique de la Cité, un think tank créé à l’initiative de Vinci avec pour objectif d’encourager et valoriser les réflexions sur l’innovation urbaine dans une démarche internationale et interdisciplinaire en réunissant les acteurs du développement urbain.
Jean-Claude Breffort, directeur adjoint chargé du développement international de Saint-Gobain, le 2 décembre 2015.
Jean-Claude Breffort, directeur adjoint chargé du développement international de Saint-Gobain, le 2 décembre 2015. (Copyright : S. M.)
Pour ponctuer la visite de Saint-Gobain, les participants ont pu échanger à l’occasion d’un cocktail. Jean-Claude Breffort, directeur adjoint chargé du développement international de Saint-Gobain, est revenu sur l’engagement de son groupe dans la lutte contre le changement climatique:
« En tant qu’industriels, nous sommes une partie du problème parce que nous fabriquons des produits qui nécessitent une consommation intense d’énergie et émettent des gaz à effet de serre. Mais si nous sommes une partie du problème, nous sommes aussi une partie de la solution, nos produits permettant de générer chez leurs usagers des économies d’énergie et des réductions des émissions de gaz carbonique beaucoup plus importantes que celles créées pour les produire. »
Il est nécessaire, a conclu Jean-Claude Breffort, que les industriels adoptent une approche sectorielle pour relever le défi.
Visiblement ému, Wang Shi, le président du Groupe chinois Vanke, a rappelé à son tour le rôle des industriels dans la lutte contre le changement climatique et a encouragé les entrepreneurs chinois à inscrire la responsabilité sociale au cœur de leurs activités : « J’appelle mes collègues chinois à assumer sur la scène internationale leurs responsabilités en tant que fournisseurs de solutions aux problèmes que nous avons créés tant en Chine qu’à l’étranger. »
Julien Colas, responsable du pôle énergie-climat de l'association Entreprises pour l'Environnement (EPE), le 2 décembre 2015.
Julien Colas, responsable du pôle énergie-climat de l'association Entreprises pour l'Environnement (EPE), le 2 décembre 2015. (Copyright : S. M.)
Tous les intervenants ont réaffirmé le besoin de coopération à l’image de Julien Colas, responsable du pôle énergie-climat de l’association EpE (Entreprises pour l’environnement) : « la lutte efficace contre le changement climatique ne se fera pas dans la confrontation des forces qui sont en œuvre dans le monde. C’est par le fait d’agir collectivement que nous relèverons le défi du changement climatique et ceux qui lui sont rattachés. »
Pierre Calame, co-fondateur du Forum Chine-Europe, le 2 décembre 2015.
Pierre Calame, co-fondateur du Forum Chine-Europe, le 2 décembre 2015. (Copyright : S. M.)
Le co-fondateur du Forum Chine-Europe, Pierre Calame a inscrit ce défi dans l’objectif de construction d’une paix durable au cœur du dialogue entre les sociétés que porte le Forum Chine-Europe :
« Comment construire une paix durable ? En faisant en sorte que nos sociétés aient une conscience claire de leur communauté de destin. Ce qui nous unit ce sont les défis communs », a insisté Pierre Calame, qui a mis l’accent sur le rôle essentiel des entreprises : « Cela met les grandes entreprises en devoir d’aller au-delà de leurs compétences normales pour promouvoir des accords internationaux préservant le climat, pour centrer leurs efforts sur le développement de filières durables. »

Société civile et gouvernance du climat

La gouvernance du climat constitue aussi un des thèmes importants dans les préoccupations du Forum Chine-Europe. L’accord de Paris est considéré comme un accord juridiquement contraignant. Toutefois, comme les contributions de chaque pays ne sont pas inscrites clairement dans l’accord, le système de transparence et de révision qui y est inscrit n’est par conséquent qu’à moitié contraignant. C’est là que se pose le problème du contrôle.
Pour Sarah Kuen, experte de l’Union Européenne et négociatrice active sur le volet transparence et révision, « l’accord de Paris a réussi à réconcilier les demandes des pays en voie de développement et celles des pays développés. Puisque d’un côté, l’accord donne la possibilité aux « pays qui en ont besoin » de bénéficier d’une certaine forme de flexibilité, et de l’autre, l’accord pose clairement que la base du contrôle est le système actuel et que ce système doit être amélioré et renforcé. » Elle regrette cependant que la méthodologie utilisée pour la présentation des contributions ne soit pas harmonisée pour tous les pays et espère que d’ici 2018, un système de transparence plus efficace sera mis en place.
En attendant que le système de contrôle par le haut devienne performant, peut-on espérer qu’il y ait un contrôle qui viendrait d’en bas, puisque le changement climatique n’est pas seulement une affaire de gouvernement, mais aussi une affaire des citoyens ? La mobilisation des sociétés civiles du monde entier démontre bien la volonté des citoyens de pousser leur gouvernement à s’engager. Les ONG chinoises sont peu présentes par rapport à celles des autres pays du monde et leurs voix sont souvent au diapason de leur gouvernement. Si les ONG en Occident exercent souvent un contre-pouvoir par rapport aux actions de leur gouvernement, les ONG chinoises ont-elles les mêmes possibilités et les mêmes capacités ?
Revenons au side-event organisé par le Forum Chine-Europe le 1er décembre. Interrogé sur cette question, le président de l’ONG France Nature Environnement, Denez L’Hostis a répondu ainsi : « La Chine est en train d’évoluer et on voit émerger de plus en plus d’ONG chinoises. Nous avons été invités à former plusieurs ONG chinoises, mais malheureusement, ces organisations sont le plus souvent opaques et on ne sait pas qui sont derrières elles. L’ambassade de France en Chine a mis en place une plate-forme d’échanges entre les ONG chinoises et françaises. Malheureusement, les échanges sont souvent indirects et difficiles. Elles n’ont pas la possibilité de s’exprimer librement et n’ont pas accès à l’information, ce qui limite considérablement l’impact et l’efficacité de leur action. » Pour Denez L’Hostis, les ONG ne peuvent jouer pleinement leurs rôles en dehors d’un cadre démocratique.
L’un des représentants de la société civile chinoise à l’événement du Forum, Wang Zhenyao, qui est directeur de l’Institut de Recherche sur la Philanthropie de Chine, ne partage pas cet avis. Pour lui, en ce qui concerne le changement climatique et l’environnement en général, le gouvernement et la société civile en Chine ont le même objectif. Si les ONG ne sont pas suffisamment efficaces pour exercer leur pouvoir de contrôle, ce n’est pas plus en raison d’un manque de transparence que du manque de formation des ONG qui pour l’instant ne sont pas capables de faire des analyse de données leur permettant d’avoir leur propre vision sur la situation actuelle en Chine.

Par Juehua Yang

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A propos de l'auteur
Le Forum Chine-Europe (FCE) a été fondé en octobre 2005 à l’initiative de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’Homme (FPH) et de l’Association des Intellectuels chinois en Europe avec le soutien de la Henry Fok Foundation et de la Macao Foundation. Il est né du désir de nombreux intellectuels chinois de mieux comprendre la construction de l'Union européenne et de voir les leçons qui pouvaient en être tirées pour la Chine. L'Europe présente, en effet, aux yeux de la Chine, plusieurs singularités intéressantes : continent peuplé et disposant de ressources naturelles limitées, l’Europe recherche un équilibre entre unité et diversité et entre efficacité du marché et justice sociale ; elle est pionnière dans la transition vers des sociétés durables. Pour en savoir plus, le site du Forum.
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