Environnement
La COP21 vue du Forum Chine-Europe

 

COP21 : Pour un autre modèle de développement

Remise du Prix Vert à Niu Gengsheng, créateur de la fondation chinoise Lao Niu, lors du side-event organisé par le Forum Chine-Europe, le 1er décembre durant la COP21 au Bourget. Il est entouré de Michel Rocard, ancien Premier ministre et de Paul Trân Van Thinh, président de l’associaiton du Forum Chine Europe.
Remise du Prix Vert à Niu Gengsheng, créateur de la fondation chinoise Lao Niu, lors du side-event organisé par le Forum Chine-Europe, le 1er décembre durant la COP21 au Bourget. Il est entouré de Michel Rocard, ancien Premier ministre et de Paul Trân Van Thinh, président de l’associaiton du Forum Chine Europe. (Crédit : Min Yan)

Contexte

La COP21 n’est pas seulement le sommet des gouvernements sur le climat. La société civile s’est fortement mobilisée et la France lui a fait sa place au Bourget, où la Conférence onusienne doit se terminer ce samedi matin, le 12 décembre. Nous vous proposons de suivre l’expérience du Forum Chine-Europe, une ONG en immersion dans la COP21. Une ONG dont le rôle est ici de mettre en réseau la Chine et l’Europe sur le climat et le développement durable.

Le Forum Chine-Europe (FCE) a été fondé en octobre 2005 à l’initiative de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’Homme (FPH) et de l’Association des Intellectuels chinois en Europe, avec le soutien de la Henry Fok Foundation et de la Macao Foundation.

Nous sommes le 1er décembre, deuxième jour du Sommet Climat à Paris. Dans la dynamique de l’appel unanime à l’action émis par les différents chefs d’Etat dans la lutte contre le réchauffement climatique, une centaine de chefs d’entreprises et représentants d’ONG chinois et européens engagés dans la protection de l’environnement, se sont rassemblés au Bourget à l’espace Génération Climat. « Face au changement climatique, repenser notre modèle de développement global, Acte II », tel était l’intitulé du débat organisé par le Forum Chine-Europe, le Comité européen des Régions, le groupe chinois Vanke et la fondation chinoise Alashan SEE Conservation. A la suite de ce side-event à la COP21, les participants ont pu profité d’un programme d’activités de cinq jours avec de visites de terrain – des entreprises, des éco-quartiers – et des rencontres à Paris et Bruxelles.
Le public participant à l’événement du Forum Chine-Europe lors de la COP21, le 1er décembre au Bourget.
Le public participant à l’événement du Forum Chine-Europe lors de la COP21, le 1er décembre au Bourget. (Crédit : Gong Ke)

A l’Espace Génération Climat, un side-event pour le dialogue Chine-Europe

Durant le side-event, les participants ont pu présenter leurs propositions et leurs plans d’action face au changement climatique. En particulier, ils ont échangé leurs points de vue autour du thème de la législation environnementale et de l’économie circulaire. Le Forum Chine-Europe a présenté l’ultime version de son Texte commun signé et endossé par des experts et des représentants de la société civile en Europe et en Chine. Comme nous l’évoquions dans notre chronique précédente, ce texte intitulé « Face au changement climatique, repenser notre modèle de développement global », est le fruit de l’édition 2014 du Forum Chine-Europe – 4 journées de débats en ateliers au mois de décembre l’an dernier, avec plus de 300 représentants chinois et européens à Paris, dans les grandes villes françaises, à Bruxelles et à Genève.
Le « Texte » a été présenté et remis à Michèle Pappalardo, représentante du gouvernement français et coordinatrice de Vivapolis, la plate-forme qui fédère les acteurs publics et privés désireux de promouvoir un développement urbain durable. De 2014 à ce 1er décembre 2015, l’objectif est resté le même : créer une plate-forme de dialogue et d’échanges entre les sociétés civiles chinoise et européenne en vue d’une coopération renforcée pour un nouveau modèle de développement face au défi du changement climatique.

Cérémonie de remise du Prix Vert Chine-Europe

Chen Yan, directeur exécutif du Forum Chine-Europe, lors de la remise du Prix Vert Chine-Europe, à l’occasion du side-vent organisé le 1er décembre, durant la COP21 au Bourget.
Chen Yan, directeur exécutif du Forum Chine-Europe, lors de la remise du Prix Vert Chine-Europe, à l’occasion du side-vent organisé le 1er décembre, durant la COP21 au Bourget. (Crédit : Gong Ke)
Point d’orgue du side-event : 10 villes, 10 entreprises ainsi que 10 fondations chinoises ont été récompensées par le Prix Vert remis par le Forum Chine-Europe et l’Institut de Recherche sur la Philanthropie de Chine pour leurs efforts en matière de protection de l’environnement. L’objectif de ce prix est d’encourager les villes, les entreprises, les fondations et le grand public à participer activement à la transition écologique en récompensant leurs actions. Il s’agit aussi de trouver les solutions de demain à travers le partage de connaissances et d’expériences et le transfert de technologie entre l’Europe et la Chine.
Wang Zhenyao, directeur de l’Institut de recherches sur la philanthropie de Chine, à la tribune du side-vent organisé par le Forum Chine-Europe, le 1er décembre lors de la COP21 au Bourget.
Wang Zhenyao, directeur de l’Institut de recherches sur la philanthropie de Chine, à la tribune du side-vent organisé par le Forum Chine-Europe, le 1er décembre lors de la COP21 au Bourget. (Crédit : Min Yan)
Chen Yan, le directeur exécutif du Forum Chine-Europe, et Wang Zhenyao, directeur de l’Institut de Recherche sur la Philanthropie, ont présidé la cérémonie. Parmi les lauréats, la fondation LAO NIU, la fondation SEE Conservation ainsi que la fondation Yili Public Welfare, dont les représentants se sont vu remettre le Prix Vert par l’ancien Premier ministre Michel Rocard, et par Paul Trân Van Thinh, président de l’Association du Forum Chine-Europe.
Très heureux de recevoir ce prix, Niu Gensheng, fondateur de Lao Niu, est revenu sur ses activités :
« Notre fondation est partagée en quatre sections philanthropiques. La protection de l’environnement et la reforestation constituent la section la plus importante ; elle représente 40% des financements. Nous dépensons des centaines de millions de yuans pour transformer 4 millions d’hectares du Plateau de Loess en zone verte parce que nous pensons que si la montagne n’est pas verte alors l’eau ne sera pas claire ; et si l’eau n’est pas claire, le ciel ne sera pas bleu. Dans le passé, nous étions engagés dans les problématiques d’alimentation et d’habillement et à présent, je pense qu’il est indispensable de se tourner vers la protection de l’environnement. Celle-ci est devenue plus importante que la nourriture et les vêtements. »

Rassembler autour de la ville durable et de l’économie verte

Les villes durables et l’économie verte étaient au cœur de cette rencontre de cinq jours. Après l’événement du 1er décembre au Bourget, Les participants chinois ont notamment pu visiter l’éco-quartier parisien de Clichy-Batignolles. Justement, Michèle Pappalardo, coordinatrice de Vivapolis, avait présenté lors du side-event les trois projets d’éco-cités franco-chinoises, dans les villes de Shenyang, Chengdu et Wuhan en Chine.
Il faut dire que, si la Chine s’est lancée dans une urbanisation effrénée, la notion d’éco-cité ou de ville durable reste nouvelle. Les visiteurs chinois se sont émerveillés devant cette harmonie entre le souci écologique et la mixité sociale et économique sur le site Clichy-Batignolles ; une harmonie qui a souvent manqué dans la construction de villes nouvelles en Chine. Michèle Pappalardo a pu constater ce décalage entre deux conceptions de la ville très différentes dans la mise en place des 3 projets d’éco-cités franco-chinoises, un décalage qui ralentit le processus et qui a nécessité de nombreux travaux et d’échanges.
Par Judith Geng
Michèle Pappalardo, coordinatrice de la plate-forme Vivapolis, à la tribune de l’événement organisé par le Forum Chine-Europe, le 1er décembre lors de la COP21 au Bourget, à Paris.
Michèle Pappalardo, coordinatrice de la plate-forme Vivapolis, à la tribune de l’événement organisé par le Forum Chine-Europe, le 1er décembre lors de la COP21 au Bourget, à Paris. (Crédit : Gong Ke)

Entretien avec Michelle Pappalardo

Michelle Pappalardo revient sur les missions de Vivapolis et sur sa vision du rôle d’une ONG comme le Forum Chine-Europe dans les coopérations franco-chinoises sur la ville durable.

Forum Chine-Europe : Est-ce que cette conception de la ville moderne, française, pourrait s’accorder avec celle des Chinois ?
Michèle Pappalardo : Tout notre travail en ce moment, c’est effectivement de faire en sorte que nos conceptions de la ville se rapprochent. La ville durable de demain, c’est aussi nouveau pour certains chez nous en France. Mais cela correspond aussi à une culture française de la construction de la ville. La Chine, comme tous les autres pays d’ailleurs, a sa propre culture urbanistique. Le travail de coopération que nous essayons de faire en ce moment, c’est d’essayer de bien comprendre des deux côtés comment nous construisons la ville, ce que nous cherchons à apporter et à faire à un moment donné, sur un territoire donné, pour qu’ensuite, ensemble, on soit capable de créer un modèle franco-chinois de quartier ou de ville de demain. Parce qu’on ne peut pas plaquer un quartier français sur une ville chinoise, ni inversement, des méthodes chinoises sur une ville française.
Il faut vraiment qu’on prenne ce temps de compréhension, d’explication de cas concrets, de laboratoires. C’est ce qu’on essaie de faire avec nos fameux éco-quartiers sur Wuhan, Shenyang, Chengdu. L’objectif est qu’ensuite ensemble, on puisse facilement transposer ce qu’on aura fait dans d’autres villes, qu’ensemble nos cultures se fusionnent de manière à proposer un nouveau modèle qui soit adapté aux besoins de la Chine et des Chinois d’aujourd’hui.
Disons-le clairement, les progrès sont lents. La ville n’est pas construite. Ce n’est pas parce que cela fait deux ans qu’on travaille ensemble, que l’on va avoir construit des éco-quartiers ou des villes si rapidement. C’est important d’en prendre conscience.
La construction d’une ville, je pense, est quelque chose d’intrinsèquement fondu dans la culture. On fait des villes comme on les sent, comme on les vit, avec son mode de vie, avec tout ce qui est de son environnement. Donc c’est forcément très différent. Un point par exemple sur lequel on n’arrive pas à se comprendre au début : pour nous, Français, une ville c’est quelque chose de mixte, c’est quelque chose dans laquelle il y a à la fois des activités économiques, des activités industrielles, du résidentiel, des services, du loisir, etc. Et les propositions qu’on nous faisait en Chine, dans un certain nombre de cas, c’était de faire des quartiers soit uniquement résidentiels, soit uniquement industriels, sans cette mixité qu’on cherchait à réaliser.
Donc on a beaucoup discuté au début. On ne se comprenait pas, réellement, même sur les mêmes mots. Nous avons mis deux ans pour nous rapprocher. Je pense que nous avons fait d’énormes progrès. Et puis aujourd’hui, nos amis chinois nous disent très clairement : on a bien compris, on va essayer de faire avec vous, des laboratoires des éco-quartiers, qui vont être des villes mixtes. Ils ont même changé le nom de leurs projets, soit en éco-cité soit éco-quartier, à Shenyang ou à Chengdu. Ils le marque comme un tampon en fait, ils le revendiquent, maintenant. Ça c’est intéressant, car cette mixité économique, industrielle, de service, mais aussi résidentielle et de loisirs, que tout soit impliqué, ce n’était pas la démarche de nos interlocuteurs dans un premier temps. Mais nous de notre côté, il faut qu’on comprenne que cette mixité d’activité sera faite à la chinoise pas à la française comme on le fait au jour le jour et historiquement, dans nos villes. Je pense qu’au fur et à mesure on va progresser, on va trouver d’autres problèmes, d’autres sujets sur lesquels il faut qu’on apprenne à se comprendre et à trouver la bonne solution ensemble.
Dans la lutte contre le réchauffement, dans le cadre d’une coopération franco-chinoise pour construire des villes durables, quel rôle pourrait jouer les associations, telles que le Forum Chine-Europe ?
Dans la définition que nous donnons de « villes durables », il y a 3 points. Le premier, c’est de faire une ville qui améliore les conditions de vie des habitants ; second point, c’est de faire qu’elle soit performante, sur le plan environnemental ; troisième point, c’est la gouvernance.
En matière de gouvernance, nous insistons sur deux choses. Il faut que la gouvernance soit forte, parce qu’il faut pouvoir faire des projets à moyen et long termes, avec des financements compliqués. Mais il faut aussi que la gouvernance soit participative. Nous sommes convaincus que nous ne pouvons pas faire ces fameuses « nouvelles villes, performantes » sans que le citoyen adhère aux projets. S’il n’y adhère pas, il ne va pas comprendre pourquoi on essaie de faire des villes un peu différentes. S’il ne comprend pas qu’au final, c’est pour lui mais aussi pour ses enfants, pour les générations futures, il va trouver qu’on lui complique les choses. Peut-être qu’on ne fait pas les choses exactement comme il les attend, donc il ne va pas y participer.
Si le citoyen ne participe pas, cela ne marchera pas. Notamment tout ce qui est intelligence de la ville, qui nécessite une participation citoyenne totale. Donc nous avons toujours cette double qualification de la gouvernance, forte mais participative. Ce qui nécessite à la fois qu’on essaie de comprendre quels sont les besoins des citoyens, qu’il y ait un effort de pédagogie pour qu’ils y participent. Clairement, les associations dont vous parlez sont des éléments de cette pédagogie, de cette sensibilisation des citoyens à ces nouvelles problématiques – nouvelles pour certains. Une sensibilisation aux solutions qu’on peut mettre en place : au fait que les citoyens peuvent participer à la construction de cette ville dans laquelle ils vivent, qui est leur ville.
Après 10 ans d’expérience, le Forum chine-Europe a pu effectivement construire cette plate-forme où les sociétés civiles chinoises et européennes se rencontrent, échangent leurs expériences et leurs conceptions pour un autre modèle de développement face au changement climatique. Michel Lebrun, ancien Président du Comité européen des Régions soulignait l’importance de ces échanges et coopération, et considérait que cette rencontre du Forum envoyait un signal très fort aux négociateurs de la COP21.
Propos recueillis par Judith Geng

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A propos de l'auteur
Le Forum Chine-Europe (FCE) a été fondé en octobre 2005 à l’initiative de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’Homme (FPH) et de l’Association des Intellectuels chinois en Europe avec le soutien de la Henry Fok Foundation et de la Macao Foundation. Il est né du désir de nombreux intellectuels chinois de mieux comprendre la construction de l'Union européenne et de voir les leçons qui pouvaient en être tirées pour la Chine. L'Europe présente, en effet, aux yeux de la Chine, plusieurs singularités intéressantes : continent peuplé et disposant de ressources naturelles limitées, l’Europe recherche un équilibre entre unité et diversité et entre efficacité du marché et justice sociale ; elle est pionnière dans la transition vers des sociétés durables. Pour en savoir plus, le site du Forum.
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