Politique
Expert – Traits de Corée

 

Les rendez-vous manqués de Kim Young-sam

L’ancien président sud-coréen Kim Young-sam lors du traditionnel discours à la nation pour le Nouvel an, le 6 janvier 1995 à Séoul. (Crédit : KIM JAE-HWAN / AFP)
Si l’ancien Président de la Corée du Sud (1993-98) n’a pas reçu toute la reconnaissance qu’il souhaitait de son vivant, il le doit précisément en partie à son obsession de laisser une trace dans l’Histoire.
Disparu le 22 novembre dernier à 87 ans, Kim Young-sam laisse à gauche comme à droite des souvenirs mitigés, en particulier suite à son spectaculaire retournement de veste de 1990 : ce leader de la démocratie ayant tenu tête aux dictateurs Park Chung-hee et Chun Doo-hwan, a d’abord maintenu sa candidature face à Kim Dae-jung, le chouchou de la gauche de retour d’exil, facilitant la victoire du militaire Roh Tae-woo en 1987, puis fusionné avec le parti de ce dernier en 1990 pour gagner deux ans plus tard sous la bannière conservatrice.
Si Kim Dae-jung (DJ) n’accèdera à la présidence que juste après Kim Young-sam (YS), il récoltera quelque part tous les lauriers que son prédécesseur revendiquait. « YS » se disait le premier président post-militaire, mais « DJ » sera le premier président de l’opposition. « YS » a réformé le système financier et pourfendu la corruption, mais fut touché par un scandale éclaboussant son fils, puis coulé par la crise financière asiatique de 1997-1998, dont ‘DJ’ sortira brillamment en suivant les réformes recommandées par le FMI. ‘DJ’ obtiendra le Prix de Nobel de la Paix en grande partie grâce à son historique premier sommet inter-coréen en 2000 avec Kim Jong-il, alors que ‘YS’ en avait obtenu un dès 1994 avec Kim Il-sung… Mais le père fondateur de la Corée du Nord eut l’indélicatesse de mourir tout juste avant. « DJ » surfera même sur la vague populaire d’une Coupe du Monde 2002 attribuée pendant le mandat de « YS »…
Si l’Histoire a déjà iconisé Kim Dae-jung, le grand orateur au sourire désarmant, il lui reste encore à trouver la place de Kim Young-sam, le mal aimé fâché avec les doubles syllabes.
Pour le moment, l’héritage de Kim Young-sam est à l’image de la digue de Saemangeum, sa promesse de campagne devenue réalité deux décennies plus tard : une ambition pharaonique laissant une marque indélébile dans le paysage national, mais avec une image encore à clarifier, et le besoin permanent de se justifier.
Ce sont peut-être ses faiblesses qui font le charme et la grandeur de Kim Young-sam, véritable miroir de la société et de la politique sud-coréenne.

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A propos de l'auteur
Auteur et concepteur né à Paris et basé à Séoul. Observateur de la société coréenne depuis un quart de siècle, cet expert en stratégie et innovation a survécu à trois start-ups avant de participer à la création de Cegetel et de piloter la veille stratégique de SFR. Fondateur de nombreux blogs dont SeoulVillage.com, il est également auteur de fictions et passionné d'urbanisme.
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