Société
Expert – Traits de Corée

Manuel du savoir (ré)écrire l’Histoire

Scène de vie dans une grande librairie du centre de Séoul le 28 août 2015. (Crédit : Ed Jones / AFP).
L’Histoire appartient à ceux qui l’écrivent, et dans une Corée du Sud toujours aussi divisée politiquement, chaque camp accuse l’autre de vouloir déverser sa propre propagande dans les manuels scolaires.
La Présidente Park Geun-hye a ainsi récemment annoncé son projet de remplacer le choix actuel entre 8 manuels d’histoire par un manuel unique supposé “correct” et réalisé par l’Etat ; projet naturellement aussitôt boycotté par les historiens de l’Association Coréenne de Recherche en Histoire.
La démarche est pour le moins troublante : le dernier président sud-coréen à l’avoir suivie était le père de la Présidente actuelle, le dictateur Park Chung-hee, en 1974. Même Shinzo Abe, “champion autoproclamé” de la révision des manuels d’Histoire, ne parvient toujours pas à restaurer ce système de manuels d’Etat aboli à la fin de la guerre ; certains activistes Japonais craignent d’ailleurs que le projet de la présidente coréenne n’aide le premier ministre nippon dans son programme révisionniste.
Les premiers manuels gouvernementaux ne seront publiés qu’en mars 2017, soit durant la dernière année de mandat de Park, dont le prédécesseur Lee Myung-bak avait déjà fait très fort en réduisant l’enseignement de l’histoire au lycée, en censurant puis en sabordant la Commission de Vérité et Réconciliation nationale, en lançant un controversé musée d’histoire contemporaine de la Corée, et même en produisant un manuel créationniste !.
Mais la controverse n’épargne pas les manuels scolaires actuels qui, en dépit des mécanismes conférant au gouvernement un droit de regard sur la ligne éditoriale, sont indiscutablement biaisés : non contents de défendre clairement les positions de la gauche de la gauche, ils vont parfois jusqu’à reprendre les argumentaires de la propagande nord-coréenne…
Pas surprenant alors que des deux côtés, le débat réveille les cicatrices des décennies de plomb.
De toute évidence, il fallait faire quelque chose pour ces manuels d’histoire. Mais le gouvernement a choisi la pire des solutions en supprimant le débat historique. Le moment semble au contraire venu de le mettre au centre de tout, et de relancer la démarche de vérité et de réconciliation pour refermer les plaies et exposer les impostures.
Et les manuels doivent refléter les éventuelles divergences sur les faits ou leur interprétation, en précisant clairement ce qui relève de l’opinion.

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A propos de l'auteur
Auteur et concepteur né à Paris et basé à Séoul. Observateur de la société coréenne depuis un quart de siècle, cet expert en stratégie et innovation a survécu à trois start-ups avant de participer à la création de Cegetel et de piloter la veille stratégique de SFR. Fondateur de nombreux blogs dont SeoulVillage.com, il est également auteur de fictions et passionné d'urbanisme.
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