Japon : "Pour les droits des femmes et contre le self-orientalism"
ENTRETIEN
Emiko Ochiai, actuellement à Paris dans le cadre de la chaire Blaise Pascal, est professeure de sociologie à l’université de Kyoto. Elle a fondé l’Institut de Recherche asiatique sur les sphères publiques et intimes. Sociologue et historienne de la famille, intéressée par la question du genre, elle s’est impliquée dans des études comparatives sur la pratique du « care » (soins à la personne) et sur ses régimes dans les sociétés asiatiques. Ses projets de recherche récents mêlent études sur la famille, études sur l’Etat-providence et études sur la migration. Ils visent la compréhension des transformations ayant cours au sein des vies privées, des institutions publiques, ainsi qu’à leur entrecroisement. Ses travaux portent en particulier sur les sociétés asiatiques. Les résultats de ces projets de recherche sont publiés sous la série »The Intimate and the Public in Asian and Global Perspectives » (chez Brill), dont Emiko Ochiai est l’éditrice.
Contexte
Apparente contradiction, le Premier ministre japonais Shinzo Abe, un des artisans du retour en arrière conservateur au début des années 2000, veut aujourd’hui promouvoir les femmes au travail. Un vrai défi quand on sait que, selon le « Global gender report du World Economic Forum » 2014, le Japon occupe la 104e place mondiale sur un total de 142 pays, en ce qui concerne le statut des femmes.
La politique « womenomics » a été lancé par le gouvernement Abe en 2012 et vise un quasi triplement du nombre des femmes cadres d’ici 2020. D’ores et déjà, selon les statistiques officielles, entre 2012 et 2014, le taux d’emploi des femmes âgées de 25 à 44 ans serait passé de 68 à 70,8%, avec un objectif est de 73% à l’horizon 2020. Sur la même période l’encadrement féminin serait passé de 6,9% à 8,3%, l’objectif en 2020 étant d’atteindre 30%.
Pour faciliter l’évolution des comportements, le gouvernement promet d’augmenter de 400 000 le nombre de places en crèche d’ici 2018, d’aménager le temps de travail et d’inciter les pères à prendre des congés de paternité. Il prévoit aussi de supprimer les dispositifs qui incitent à l’inactivité des femmes en réaménageant la fiscalité actuelle qui pénalise les couples où les deux travaillent. Il vient d’imposer aux entreprises un cadre d’action contraignant puisque à compter d’avril 2016, toutes les entreprises de plus de 300 salariés devront mettre en place un plan d’action pour promouvoir le recrutement des femmes et leur nomination à des postes de direction.
L’objectif de cette réouverture du monde du travail aux Japonaises est non seulement de doper le PIB japonais – on estime que les objectifs remplis permettrait au Japon de faire un bond de 9% – mais aussi de booster le taux de natalité du Japon qui plafonnent à 1,4 enfants par femme. Le gouvernement japonais a découvert que les femmes qui travaillent font plus d’enfant.
Quelques chiffres :
74,5% des Japonaises travaillent dans la tranche des 25-44 ans versus 83,5% des Françaises et 83,3% des Danoises
11% des femmes sont cadres versus 30% en France et 40% aux Etats-Unis
59% des femmes de la génération des 25-35 ans ont un diplôme universitaire
Objectif 2018 : +9% du PIB si les femmes travaillent autant que les hommes
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