Le Népal fête sa constitution, sous la pression de l’Inde
Ce que la première assemblée constituante, dominée par des maoïstes reconvertis à la démocratie après leur sanglante insurrection de 1996 à 2006 (17 000 morts), n’avait pas réussi à produire, la seconde, élue en novembre 2013, l’a achevé à mi-parcours sous la houlette du parti du Congrès népalais et du Parti communiste institutionnel (CPN-UML), grands vainqueurs des élections. Les tremblements de terre de mai et juin 2015 ont accéléré le processus dans des délais inimaginables il y a à peine six mois.
Une structure parlementaire
Un fédéralisme en forme de décentralisation
Les groupes ethniques (Adivasi-Janajati) n’ont guère été entendus. Les sept provinces créées ne sont guère basées sur des critères ethniques ou linguistiques. Ce sont des zones géographiques assez larges regroupant plusieurs castes et ethnies. Leurs pouvoirs, limités, ne s’étendront ni à l’éducation, ni à l’aide étrangère, ni à la justice. En dehors du népali, la langue nationale, une seule langue parmi les groupes minoritaires sera reconnue par l’Etat dans chaque province. Le modèle multiculturel reste un pilier central, mais il n’a pas été matérialisé politiquement.
Ces dispositions sont vivement critiquées par les militants des groupes minoritaires (Tamang, Newar, Gurung, Magar, Limbu, etc.) qui dénoncent une trahison des accords passés entre forces politiques opposées au roi au lendemain de la guerre civile. Ils se plaignent également de ne pas avoir été désignés comme les populations les plus marginalisées et d’avoir perdu leur définition exclusive de peuples indigènes (adivasi), au profit d’autres groupes (les castes Khas, par exemple). En matière de trahison, la plus visible restera celle des maoïstes (UCPN-M), qui, après s’être appuyés sur ces groupes ethniques dans leur lutte contre l’état népalais central, et avoir défendu leurs revendications, les ont abandonnés aux portes du pouvoir.
La question du Terai non résolue
En fait, le découpage final divise les plaines du sud en cinq provinces et les relie (sauf une) aux collines du nord. La constitution reste également intransigeante sur la citoyenneté. Elle n’accorde la nationalité népalaise qu’aux enfants nés d’un père népalais. En cas de mariage avec un Indien, ce qui est fréquent, les enfants ne peuvent donc obtenir la nationalité de leur mère.
Les réactions
L’Inde, protectrice attitrée des populations madhesi, a accueilli fraîchement la nouvelle constitution. Pour exprimer son mécontentement, elle a fermé quelques routes ça et là le long de la frontière commune (1 750 km), provoquant immédiatement une pénurie de carburant au Népal. Delhi n’a guère apprécié que ses suppliques de dernière minute adressées en urgence par la voie de son secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, S. Jaishankar, dépêché à Katmandou en vue de prolonger les délais, soient restées sans effet. La presse indienne a même publié une liste de sept amendements qui, d’après les responsables politiques, seraient nécessaires pour assurer une juste représentation des Madhesi du Terai. Les Nations Unies, dont le rôle fut prépondérant durant l’après conflit maoïste, ont fait aussi part de leurs inquiétudes. Ces réactions mitigées ou négatives ont provoqué l’ire de Katmandou.
Les arguments des autorités népalaises
Présence de l’héritage national
Cependant, si le nouveau document donne au Népal le cadre institutionnel légal qui lui manquait depuis la chute de la royauté en 2006, sa teneur reste assez conservatrice. Elle maintient au pouvoir les hautes castes hindoues des collines et ne fait que des concessions fédéralistes limitées. Sur l’échiquier politique, le Parti communiste CPN-UML (175 sièges sur 575 au parlement), dont le président Khadga Prasad Oli, devrait accéder au poste de Premier ministre dans les prochaines semaines, s’affirme comme une force majeure du pays.
La continuité s’affirme dans un autre domaine. Si la république est qualifiée de séculière, c’est en référence aux valeurs religieuses traditionnelles. L’expression employée, sanatana dharma, est des plus ambiguës car, dans son acceptation courante, elle désigne les règles religieuses hindoues et est souvent même synonyme d’hindouisme. Du reste, la vache reste l’animal sacré du pays et les conversions (à l’islam et au christianisme) ne sont possibles que selon certaines règles. Cette orientation n’a rien de surprenant dans un pays où plus de 80% de la population se réclame de l’hindouisme. Apparemment, l’Inde de Narendra Modi n’a pas décrypté le message.
Soutenez-nous !
Asialyst est conçu par une équipe composée à 100 % de bénévoles et grâce à un réseau de contributeurs en Asie ou ailleurs, journalistes, experts, universitaires, consultants ou anciens diplomates... Notre seul but : partager la connaissance de l'Asie au plus large public.
Faire un don