Népal, deux mois après le tremblement le terre
C’est un pays de hautes et moyennes collines, peuplé principalement des ethnies Tamang, Ghale, Sunuwar et Thangmi, qui a été affecté. Les maisons, faites de pierres sèches assemblées sans maçonnerie et couvertes le plus souvent de bardeaux ou de tôle ondulée, n’ont pas résisté. Dans la vallée de Katmandou surpeuplée, qui concentre plus de trois millions de personnes, le tremblement de terre a détruit une grande partie du patrimoine historique classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Ces temples élégants qui font la fierté des Népalais et l’enchantement des touristes se sont effondrés brutalement, comme en 1934. Ceux qui ont résisté sont souvent fissurés et devront être reconstruits entièrement. Les plaines méridionales du pays, le Terai, à la frontière indienne, ont été beaucoup moins touchées.
Faiblesse de l’Etat
Cette même faiblesse de l’Etat avait favorisé en son temps, de 1996 à 2006, le succès de l’insurrection maoïste, qui a, à elle seule, causé la mort de 15 000 personnes. Seules les forces de sécurité, notamment l’armée, l’un des corps les mieux organisés du pays, ont sauvé l’honneur et nombre de vies humaines. L’Etat avait pourtant été prévenu des risques imminents d’un tremblement de terre. Mais il n’a pas su mobiliser préventivement la population, ni limiter la hauteur des constructions modernes dans la vallée de Katmandou, la plupart aujourd’hui gravement fissurées.
Incurie des infrastructures, intervention étrangère découragée
Le Népal, ce petit pays himalayen de 28 millions d’habitants, auxquels il fait ajouter quelque 4 millions d’expatriés népalais à travers le monde, est l’un des pays les plus pauvres de la planète. Un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté. Son relief montagneux cloisonné entrave la mise en place de projets de développement. Pourtant, les entrepreneurs népalais les plus optimistes rêvent d’un eldorado pour les investisseurs.
Le séisme a mis à jour de sérieuses tensions avec l’aide étrangère. Le gouvernement népalais a très vite invité les secours venus de l’extérieur à rentrer chez eux, arguant qu’il pouvait se débrouiller tout seul et que cette aide était mal adaptée au pays. Les hélicoptères Chinook britanniques n’ont pas été admis à atterrir au Népal, en dépit du manque flagrant de moyens aéroportés sur place, et les avions militaires américains ont dû rapidement repartir. Quant aux équipes chinoises, elles ont été surveillées de près, surtout quand elles agissaient à proximité de la frontière avec le Tibet. Le ministère de l’Intérieur a fermement invité l’assistance internationale à verser ses subsides sur un fonds public ouvert spécialement au nom du premier ministre, Sushil Koirala. Ces susceptibilités nationales peuvent se comprendre. Elles suscitent cependant une défiance grandissante de la part de la communauté internationale. Les autorités locales sont suspectées de corruption et accusées de manque de projet politique.
Solidité de la société civile
Comme par enchantement, les partis politiques, y compris l’ancien surpuissant parti maoïste, aujourd’hui réduit à la portion congrue en raison de sa politique opportuniste et de la corruption de ses dirigeants, se sont mis d’accord dès le 8 juin pour dessiner les contours politiques du nouvel Etat népalais. Il s’agit malheureusement d’un accord en trompe-l’oeil qui remet les noms et les frontières des huit provinces fédérales – les questions les plus délicates – à plus tard. Il y a peu à attendre d’une élite politique constituée majoritairement de Brahmanes des collines (12,2% de la population) et de Chetris (Kshatriyas), tant au Parti du Congrès que chez les maoïstes et les communistes, qui se montrent davantage préoccupés par leur pouvoir personnel que du sort de la population. L’accord du reste a été immédiatement dénoncé par les puissantes organisations ethniques du pays.
Les conséquences économiques du séisme seront très lourdes. Il faudra plusieurs années pour rebâtir les temples de la vallée de Katmandou. Le tourisme, si important pour les ressources du pays, est en berne et ne se relèvera pas de sitôt, d’autant que les sismologues ne se montrent guère optimistes et prévoient d’autres tremblements de terre, encore plus puissants, dans les prochaines années, au mieux dans quelques décennies. Le gouvernement népalais organise ce 25 juin, à Katmandou, une conférence internationale en vue de recueillir des fonds pour relever le pays. Il a invité à cette occasion la Banque mondiale et les grands pays donateurs traditionnels, Japon, Chine, Inde, Etats-Unis, Union européenne. Le coût de la reconstruction est estimé à 4,5 milliards d’euros, soit environ 20% du PIB. L’aide étrangère ne manquera pas, elle continuera à affluer comme par le passé. Le peuple népalais, lui, attend que des projets solides se mettent en place. Il souhaite reconstruire mais aussi réformer le pays de manière moins élitiste et plus égalitaire. Il appartient aux autorités politiques de les accompagner.
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