Culture
Témoin - Pékin contemporain

 

Les montagnes imaginaires

Un visiteur lit un livre devant l’exposition d’un artiste chinois à 798, le quartier artistique de Pékin. (Crédit TEH ENG KOON / AFP)
Le printemps à Pékin est l’un des deux moments de l’année, avec l’automne, à être touché par une grâce étrange, très particulière, qui peut échapper à ceux qui n’ont pas vécu un moment ici.

Avec le printemps, l’art contemporain se réveille aussi, et, comme la Chine elle même, nous confronte avec son mélange contradictoire de propositions parfois intéressantes, parfois absurdes, très souvent ambitieuses ; on ne peut pas choisir clairement dans le pays de milles tons de gris, il faut chercher et avoir de la chance.

J’aime bien avoir quelques attentes avant d’aller visiter une expo : je veux qu’elle fasse ma journée, que je puisse en revenir avec quelque chose d’un peu épicé, poétique ou dérangeant. Un fragment de vie. Trop souvent j’en reviens avec le sentiment d’avoir été confronté à une étude de marché, mais malgré tout, j’ai encore confiance dans la surprise.

Le 18 avril, Pace Gallery, dans le quartier artistique de 798, vient d’ouvrir une exposition de David Hockney, le légendaire peintre anglais, qui, passé les 70 ans, est encore un de dernier artistes capable d’une peinture originale, dans laquelle se mélangent subtilement la tradition du paysage, la culture pop et une veine pétillante d’anticonformisme.

Dans un élan idéaliste, je me suis dit que Pace faisait cela d’en le but d’amener (peut-être) le plus grand paysagiste vivant dans le pays ou l’art s’est depuis le tout début développé autour du paysage. C’était l’occasion d’engager un débat vivant sur le sujet. En voyant le titre: « The arrival of spring », j’ai aussi pensé à un clin d’œil au langage chinois.

Sans avoir peur de paraître sentimental : j’ai imaginé que Hockney avait passé quelques mois à peindre les montagnes à Huangshan ou à Taihang (deux montagnes sacrées de Chine), avec sa palette psychédélique et qu’il les avait retransformées ensuite dans ses bizarres reconstructions post modernes, imprégnées de son humour et de sa passion de peintre.

Mais le communiqué de presse de la galerie a très vite brisé mon espoir, en m’informant que l’exposition était construite autour de « dessins à l’iPad » que Hockney avec commencé à faire pour offrir en cadeau à ses amis. Une deuxième partie de l’exposition se concentre sur ses vidéos.

Je n’ai donc pas vu les Huangshan ou les Taihang acides de David, ni les réactions des académiciens chinois et des peintres de « shanshuei » dans un débat multiculturel vivant. Tout est resté dans ma tête, et je ne suis pas sur que j’irai revoir les dessins l’iPad imprimées sur papier à Pace… parce que je ne ressens aucune magie.

J’aimerai être un des amis de Hockney pour recevoir l’un de ses dessins par email, en cadeau, et m’amuser ainsi à voir comment son génie a su embrigader la logique des algorithmes, car la “version ink jet” me laisse indifférent. Je n’arrive pas à laisser la pensée des Huangshan et des Taihang aux couleurs saturées.

Quel dommage! Pourquoi avec un si grand artiste, avec autant de moyens et un contexte intéressant on ne pense pas un peu plus loin?….

Question sans réponse…

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A propos de l'auteur
Alessandro Rolandi est un artiste italien qui vit et travaille à Pékin depuis 2003. Son travail navigue entre l’art, la connaissance, le contexte social et le langage. Il utilise le dessin, la sculpture, l’installation, la performance, la photographie, les objets trouvés, les interventions, la vidéo et l’écriture textuelle. Il observe, emprunte, transforme et documente la réalité pour pour défier notre structure socio-politique, pointer ses effets sur notre vie quotidienne et sur nos schémas de pensée. alessandrorolandi.org