Deuxième “Atelier”
Peut-être par la fin, c’est plus simple.
Par la fenêtre je vois un terrain vague, poussiéreux, un ruban de bitume sans démarcation, des squelettes en béton d’immeubles en devenir, des grues : il y en a sept dans mon champ de vision.
A moins d’un kilomètre, on aperçoit, lisse, rouge et brillant, un centre commercial flambant neuf dans lequel se sont installées des grandes marques internationales de vêtement, des fast-food et des cafés. Quand il fait beau, au loin, on peut voir les montagnes qui ceinturent Pékin au nord.
Je viens d’ouvrir la deuxième branche à Shunyi d’une école d’art que j’ai fondée à Pékin en 2012, il y a 2 ans et demi.
Shunyi, c’est une banlieue au nord-est de Pékin, à l’extérieur du cinquième périphérique, pas très loin de l’aéroport. C’est un espace en mutation : les bidonvilles y côtoient des immenses chantiers et des villas toutes identiques aux pelouses nettes, parquées dans des enceintes fermées et gardées.

Dernièrement, je suis allée pour présenter mon école à un “café” organisé par une association d’expatriés, essentiellement composée de femmes américaines qui ne travaillent pas et vivent leur arrivée en Chine avec pour certaines beaucoup de difficultés. Une de ces nouvelles arrivantes expliquait son soulagement que ces voisins soient comme elle : « Américains » ; et une autre a soupiré : « De toute façon, il n’y a plus que des Chinois ici… »
Le jour de l’inauguration de cette deuxième école, prévue entre 11 heures et 16 heures, un nuage de sable et de poussière s’est levé.
Les trois professeurs présents et moi nous sommes assis sur les tabourets carrés que j’ai designé lors de la création du premier « Atelier ». Purificateurs d’air à fond, nous avons attendu patiemment la fin du nuage. Trois familles sont passées, en vitesse, sur le chemin de retour du sport ou en route pour le shopping, un père américain avec sa fille, une Singapourienne avec sa fille et une mère chinoise avec ses deux petites filles, un assez bon échantillon de ma clientèle en somme. La poussière jaunâtre a laissé place en une poignée de minutes à un magnifique ciel bleu parsemé de cotonneux nuages blancs à 15 heure 50, juste à temps pour être admiré par la vitre du bus qui nous a ramené en centre-ville.
La fin, c’est donc le début de cette nouvelle école, ouverte le mois dernier, dans cet endroit que je ne comprends pas malgré mes presque neuf ans de vie à Pékin, cet endroit qui se métamorphose pour mieux se désincarner et ressembler à tout sauf à la banlieue de la capitale chinoise.
Aujourd’hui c’est le premier cours, cinq grandes ados blondes et court-vêtues descendent de voiture et me rejoignent sous les yeux hébétés des ouvriers (je suis une des premières installées dans un espace commercial au pied d’une résidence), des gardes, du propriétaire de la résidence qui tous les jours depuis le début du printemps, nuage de poussière ou pas, sort sa grande table de bureau pour faire la cérémonie du thé dehors. Et je dois avouer que je n’étais pas peu fière de les guider jusqu’à ma petite école.
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