La biennale de Kochi : beaucoup d’efforts pour quoi ?
La biennale est terminée depuis un mois. Les anciens entrepôts à épices – Aspinwall House et Pepper House – ont refermé leurs lourdes portes. Le silence a envahi les lieux qui ont foisonné du bruit des pas des visiteurs et du brouhaha des commentaires confus, essentiellement des étudiants de la région, pendant plus de cent jours.
Whorled Explorations, le vaste thème choisi par le commissaire de la deuxième édition de l’évènement culturel de la communauté artistique indienne, l’artiste Jitish Kallat, a permis au public de voir les œuvres de plus de 90 artistes du monde entier ou presque, des super stars de l’art contemporain comme Mona Hatoum ou Anish Kapoor, à l’inconnu de Bangalore, Prasad KV, pour ne citer que trois noms. Il a fallu beaucoup d’efforts pour réunir tous ces artistes, encore plus pour faire venir leurs œuvres dans un pays où la douane n’est pas très accueillante et peut faire montre d’une extrême créativité pour ralentir ou interdire l’admission temporaire de telle installation ou de telle série de photos. Il a fallu déplacer des montagnes pour relever le défi d’organiser une deuxième édition dans un contexte budgétaire contraint, de sponsors sceptiques et de crowdfunding tardif mal vendu. Pourtant, j’ai noté avec plaisir le soutien financier d’une bonne douzaine d’acteurs de la communauté artistique. L’artiste Vivan Sundaram (Platinum Patron), toujours à l’avant garde des mouvements naissant, s’est d’ailleurs montré particulièrement généreux. Ces sponsors privés témoignent bien sûr d’un intérêt sans faille de la communauté artistique dans son ensemble ; au point parfois de tout pardonner et de peu critiquer. Qui veut se souvenir par exemple des fils électriques qui courent partout, des artistes qui ne disposent pas du matériel qu’ils avaient demandé, des vidéos qui ne fonctionnent pas, des volontaires qui papillonnent quand les fusibles sautent, etc. La biennale de Kochi est l’occasion de réunir la communauté, de créer des forums de discussions, de se voir et célébrer.

Je crois qu’elle devrait aussi être l’occasion d’oser et de sortir des sentiers battus. Une biennale est une expérience, pas une exposition de galerie extra-muros. Je crois qu’elle devrait permettre de critiquer le tourbillon de la société plutôt que de tourbillonner. Je crois qu’elle devrait utiliser l’histoire plutôt que de la mettre en scène. J’entends déjà les adorateurs des artistes-organisateurs que Kochi est en Inde, que ce n’est que la deuxième édition, qu’il faut du temps pour apprendre, qu’il faut pardonner les défaillances : elle est finalement exotique et amusante cette biennale. Et bien non ! Je voudrais que Kochi se dépasse, que Kochi soit ambitieuse, dans la forme et dans le fond ! J’aimerais aller à Kochi comme je vais à Kassel ou à Venise, pour explorer des pans d’un monde en perpétuel mouvement sociétal. J’irais à Kochi dans deux ans en espérant y trouver des questions.
Soutenez-nous !
Asialyst est conçu par une équipe composée à 100 % de bénévoles et grâce à un réseau de contributeurs en Asie ou ailleurs, journalistes, experts, universitaires, consultants ou anciens diplomates... Notre seul but : partager la connaissance de l'Asie au plus large public.
Faire un don