Société
Siau-lian-lang, être jeune à Taiwan

L'étudiant qui avait semé la mort

Photo du métro
Dans le métro à Taipei (Crédit : Pierre-Yves Baubry).
Il y a un an, le 21 mai 2014 en fin d’après-midi, le temps d’un trajet entre deux stations du métro de Taipei, Cheng Chieh (鄭捷), alors âgé de 21 ans, tuait quatre personnes à l’arme blanche et en blessait 22 autres. Condamné en première instance à la peine capitale, le « tueur du métro de Taipei » pourrait devenir le plus jeune pensionnaire du couloir de la mort à Taïwan.

Ce jour-là, armé d’un couteau à la lame longue de 30 cm, cet étudiant apparemment sans histoire ôtait la vie à Chang Cheng-han (張正翰), Hsieh Ching-yun (解青雲), Pan Pi-chu (潘碧珠) et Lee Tsui-yun (李翠雲), des passagers attaqués au hasard de son parcours sanglant. La plus jeune des quatre victimes avait 24 ans, la plus âgée, 61. Peu après son arrestation, Cheng Chieh déclarait ne plus rien attendre de la vie mais manquer de courage pour se suicider, raison pour laquelle, disait-il, il avait choisi de perpétrer une tuerie de masse punie à coup sûr de la peine capitale.

L’attaque meurtrière, la première de cette ampleur à Taïwan, allait profondément choquer le pays et provoquer, au cours des jours et des semaines suivant le drame, une puissante introspection collective. Comment un jeune étudiant avait-il pu s’isoler au point d’envisager un tel scénario ? Comment avait-il pu passer entre les mailles, peut-être plus serrées à Taïwan qu’ailleurs, du filet familial et universitaire ? Fallait-il assurer désormais une présence policière massive dans les transports en commun de la capitale ? Le désarroi était palpable.

Un sujet, pourtant, semblait ne pas prêter à débat : pour la plupart des Taïwanais, un tel acte devait être châtié de la façon la plus définitive qui soit, quand bien même le jeune tueur aurait cherché, de manière perverse et terrifiante, à instrumentaliser la justice pour provoquer sa propre mort.

Considéré par les psychologues comme responsable de ses actes, Cheng Chieh a été condamné le 6 mars dernier, lors d’un procès en première instance, à quatre reprises à la peine capitale – quatre fois, autant que de victimes –, ainsi qu’à 22 peines de prison d’une durée cumulée de 144 ans. Si cette décision est confirmée en appel, peut-être dès l’an prochain, et une fois tous les recours épuisés, il pourrait rejoindre les 47 prisonniers définitivement condamnés qui patientent dans le couloir de la mort à Taïwan.

Depuis 2010 et la reprise des exécutions, après un moratoire de fait qui n’aura duré que quelques années, 26 condamnés ont été tués, la dernière exécution remontant à avril 2014.

Selon la dernière édition en date de l’enquête annuelle menée par le Centre de recherche sur la criminalité de l’Université nationale Chung Cheng, située à Chiayi, 83% des Taiwanais restent opposés à l’abolition de la peine de mort. Et à en croire l’analyse plus fouillée menée en 2006 par Chiu Hey-yuan (瞿海源), de l’Institut de sociologie de l’Academia Sinica à Taipei, l’âge ne change rien à l’affaire : les jeunes Taïwanais, tout comme leurs aînés, sont massivement favorables à la peine capitale.

Un an après la tuerie de masse du métro de Taipei, l’introspection sur les causes d’un tel massacre a sans doute fait long feu. Les opinions sur la peine de mort, elles, restent inchangées.

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A propos de l'auteur
Après avoir travaillé en France et en Chine dans le domaine de la communication et des médias, Pierre-Yves Baubry a rejoint en 2008 l’équipe de rédaction des publications en langue française du ministère taïwanais des Affaires étrangères, à Taipei. En mars 2013, il a créé le site internet Lettres de Taïwan, consacré à la présentation de Taïwan à travers sa littérature.